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  • Un fauve dans Rome

    Éva a lu pour vous .. Chroniques littéraires Un fauve dans Rome Nathalie Cohen Flammarion 23 février 2022 362 pages Polar Historique Chronique 23 février 2022 « l'Antiquité mise en scène en miroir de notre société. » « Des thèmes qui résonnent tout particulièrement aujourd'hui : les excès du pouvoir, l'accusation des juifs pris comme boucs émissaires, la dignité violée des enfants. » Fabuleux thriller historique, psychologique, policier et sociétal qui est d'autant plus terrifiant qu'il résonne avec notre époque, dite civilisée, sacrifiant pourtant toujours ses enfants sur l'autel de la perversion la plus abjecte. Des réseaux de prostitution enfantine ont toujours existé mis en place et organisés par une certaine "élite" financière et politicienne. Ces privilégiés ont tout, ils sont blasés ; briser ce tabou ultime est donc particulièrement séduisant pour eux. Ce roman m'a énormément intéressée : 1/ Il complète admirablement, par le biais de la fiction, les essais et la biographie de Néron rédigés par Catherine Salles parus entre 2009 et 2019, ( Voir chronique sur Eva Impressions littéraires) qui rétablissent la vérité quant à ce personnage complexe sur le dos duquel on a fait peser tous les crimes possibles et imaginables, dont le grand incendie de Rome en 64 après JC, tout en étant bien timoré quant à ses actes de pédophilie. 2/ L'autrice traite de la différence de considération des enfants par les sociétés ( grecque, égyptienne, romaine etc...) pendant le premier siècle. Il faut effectivement se remettre dans le contexte. L'importance, que nous donnons, depuis peu de temps en réalité à l'échelle de l'Histoire, à la protection et la préservation de l'innocence et du corps enfantins, n'était pas d'actualité alors. L'enfant ne devenait individu visible que lorsqu'il commençait à travailler vers sept ans pour les garçons et devenait fertile vers 11/13 ans pour les filles. À partir de là, tous les débordements étaient possibles. En raison aussi de la forte mortalité de l'époque, s'attacher émotionnellement à son enfant, comme nous le faisons aujourd'hui, n'allait pas forcément de soi. 3/ La notion de masculinité dans la civilisation romaine à l'opposé de la grecque, prohibant d'être passif dans l'acte sexuel, avec les conséquences désastreuses et incroyables que l'on a du mal à imaginer, est finement analysée ici. Je vous laisse découvrir cet aspect du récit. 4/ Marcus Alexander, tribun de la Première caserne, anciennement esclave, cachant sous son bégaiement un passé douloureux et traumatisant, est le personnage clef qui ouvre toutes les portes vers une compréhension intime du sujet. En raison de son enfance martyrisée, il décide d'enquêter sur la disparition et les viols d'enfants blonds issus de familles patriciennes ou/et libres et de remonter, à ses risques et périls, toute la filière jusqu'à débarquer à la cours de Néron. Marcus se pose en justicier sachant trop bien ce que les gamins, sont en train de traverser. C'est plus fort que lui. En cela, il est le contraire d'un Néron qui semble vouloir se venger de son innocence détruite en faisant subir à des gosses ce que lui-même a subi dans ses jeunes années. La croisée des chemins se présente toujours aux victimes de viols ou d'incestes quand elles deviennent adultes : continuer à être abusé au propre et au figuré, ou se donner l'illusion d'avoir repris le contrôle en abusant à son tour. Donc, en plus d'être un thriller policier réussi et parfaitement mené, une reconstitution flamboyante et passionnante, ce roman traite de thèmes essentiels et incontournables à la compréhension de cette gangrène qu'est la traite et le viol des enfants. Il ouvre aussi des perspectives en recontextualisant le phénomène dans le passé, et en le reliant au présent. Comment ? Nous savons combien le sujet, donc le fond du roman est d'actualité : pas un jour sans que des victimes ne parlent ; des colloques et conférences sur le sujet des viols, incestes sur mineurs se multiplient. Ne pas voir est aujourd'hui impossible. S'aveugler devient criminel. Dans la forme également, en privilégiant un vocabulaire très actuel dans les dialogues notamment, Nathalie Cohen renforce l'impression d'être au cœur de l'actualité. C'est un reportage en 3D où tous nos sens sont mis à contribution, plongés dans une Rome en feu à l'instar de toute cette société décadente. L'incendie n'est que l'illustration de ce qui détruit ce monde, la perte des valeurs premières et de la simple notion de Bien et de Mal. Le feu dévastateur serait-il aussi purificateur ? Ce qui reste incroyable c'est que Néron est resté, pendant des siècles et des siècles, celui qui avait allumé le feu malgré la campagne de propagande de l'époque à imputer cette catastrophe à des coupables tout désignés, des boucs émissaires parfaits, les juifs. Comme quoi ! Ce roman va rejoindre les textes déjà présents dans ma bibliothèque sur Néron. J'en suis heureuse. Quatrième de couverture " Quel est ce fauve qui menace Rome ? Est-ce Néron, cet empereur fou dont on dit que les débauches attisent la colère des dieux ? À moins que ce ne soit cet incendie qui lèche les arcades du Circus Maximus et s'avance dangereusement dans la ville ? Mais les départs de feu ne sont pas la seule source d'inquiétude pour Marcus Alexander, le tribun de la Première caserne. Il y a aussi la disparition de ces enfants blonds, qui réveille chez lui d'anciennes douleurs et déclenche une volonté farouche de les retrouver. Marcus va mener l'enquête, au risque de se jeter, en s'approchant de très près de Néron et de son frère ennemi Lucius, dans la gueule du loup. Le roman de Nathalie Cohen nous plonge dans une Rome antique sous tension. Les intrigues se bousculent, l'écriture est aussi moderne qu'alerte, et le dépaysement serait total si les excès du pouvoir et la dignité violée des enfants ne résonnaient pas tristement avec notre époque." Précédent Suivant < Retour < Vers les auteurs < Vers les éditeurs

  • La fille des eaux vives

    Éva a lu pour vous .. Chroniques littéraires La fille des eaux vives Antonin Malroux De Borée Essentiels Novembre 2019 420 pages Roman Chronique 12 décembre 2019 Un très beau roman d'amour et d'histoire au cœur des terres d'Auvergne. Beaucoup aimé, lu d'une traite. Antonin Malroux est un spécialiste des romans de terroir, en particulier ceux situés en Auvergne, où il mêle son amour de la littérature et de l'histoire avec un grand sens de la psychologie et une très belle plume. Un plaisir de lecture à voix haute où chaque phrase coule de source, où tout est fluide, harmonieux. De fabuleuses descriptions du paysage et de la ville de Besse vous attendent, m'ayant donné l'envie d'y retourner. L'auteur est également membre correspondant de l'Académie des sciences, belles-lettres et arts de Clermont-Ferrand, et en 2016, l'école municipale de Boisset, son village natal, prend son nom. Son roman " La grange au foin" a reçu le prix Arverne en 2011. Après le meurtre de sa mère, Émilie, une trentenaire, décide de découvrir sa région d'origine qui lui était impossible jusque là d'approcher. Sa mère, Reine Martenet, avait bien des secrets et des rancœurs. Sans père pour rétablir l'équilibre, Émilie a grandi à Paris avec un manque. Ainsi, la police n'apportant aucune lumière sur l'enquête, elle profite des vacances d'été pour aller sur les lieux de l'enfance maternelle... Nous est ainsi contée l'histoire étonnante de cette petite ville et de son lien avec la reine Margot. Passé et présent se mélangent, le destin des deux femmes se font écho à travers le temps, surtout au bord d'une certaine source miraculeuse. Au gré de ses visites pendant lesquelles elle mitraille toutes les beautés architecturales ou naturelles, elle tombe devant une maison ancienne couverte de clématites, en cet été magnifique de 1983, propriété de Romain. Chaque jour elle est là devant sa porte... Il est de plus en plus intrigué, lui ce jeune retraité, qui ne pensait pas sentir à nouveau son cœur battre... Cette femme l'attire et en même temps lui fait un peu peur... Les ténèbres l'entourent et des dangers la guettent ... Certains la reconnaissent, l'étau se resserre.... L'été et les vacances se finissant, cette idylle est-elle vouée à l'échec ? Le destin s'en mêle..... Un chemin initiatique s'ouvre devant les deux amoureux qu'ils devront parcourir dans la peur, la terreur, la douleur. Le même, en quelque sorte, que dû emprunter Marguerite de Valois jusqu'à sa mort en 1615, donnant lieu alors à une légende... J'ignorais totalement ce qui advint de la reine Margot après la Saint Barthélémy, n'avais que des souvenirs fugaces du film magnifique et terrible avec Isabelle Adjani....je suis heureuse d'en avoir beaucoup plus appris sur cette figure féminine étonnante. De plus, j'ai retrouvé avec plaisir cette région où j'ai passé plusieurs étés... Un beau roman d'amour, de mystère et de légende, sur le poids de l'héritage familial... Quatrième de couverture L'apparition d'Emilie a éveillé la curiosité des habitants de Besse, petite ville du Puy-de-Dôme. Qui donc est cette jeune femme qui arpente les rues, armée d'un appareil photo ? Pourquoi prend-elle chaque jour des clichés de la maison de Romain ? Intrigué ce jeune retraité se lie avec la vacancière. Emilie aura-t-elle le courage de lui confier le mystère qui l'a conduite sous sa fenêtre ? Le cœur des hommes est parfois si fragile.... Et le passé d'Emilie si douloureux... Dans cette Auvergne qui veille sur son passé comme sur ses secrets, Emilie est loin de se douter que son aventure l'entraînera au cœur d'une légende. Et même, qui sait, sur les pas de la reine Margot... Précédent Suivant < Retour < Vers les auteurs < Vers les éditeurs

  • L' égarée

    Éva a lu pour vous .. Chroniques littéraires L' égarée Donato Carrisi Calmann-Lévy 2018 329 pages traduites par Anaïs Bouteille-Bokobza Thriller Chronique 14 janvier 2019 Le titre original : « L'uomo del labirinto » Il est question ici d' "enfants de l'obscurité" , une obscurité qui va les engloutir et les transformer, mais aussi de psychopathe de type "sadique consolateur". Et vous voilà bien avancés. Vous sentez la frustration, bienvenus dans l'esprit tortueux du manipulateur en puissance qu'est le talentueux et génialissime Donato Carrisi. Merci pour le cauchemar cette nuit, toujours pas tout à fait remise, des scènes restant accrochées à mes yeux même paupières fermées. Un cauchemar en effet pour cette jeune fille de 13 ans enlevée un matin très tôt sur le chemin du lycée, elle tout à sa prochaine histoire de petit copain potentiel. Un van et une drôle de silhouette derrière la vitre.... Des coeurs, des oreilles bizarres, hop ! elle est engouffrée dans le véhicule. Disparue pour les quinze prochaines années, tour de magie réussi ! Plus de Samantha Andretti ! Nous sommes dans une ville sans nom, pas de date précise, une intense chaleur qui oblige les gens à vivre la nuit et dormir le jour. Tout est détraqué, le climat, le rythme, il est extrêmement difficile de savoir vraiment où on en est avec ce "jet lag" imposé par le réchauffement planétaire. Une furieuse impression de fin du monde, surtout pour le détective privé Bruno Genko. Il est en bout de course, il le sait, attendant que son cœur éclate. Mais en apprenant la nouvelle du retour de Sam, il lui reste encore une mission à accomplir. Les parents de l'adolescente l'avaient engagé voici quinze ans, mais comme la police, il était resté bredouille. Cette fois, il aimerait vraiment apporter des réponses à cette presque trentenaire, qu'elle sache ce qui lui est arrivé. Elle est à l'hôpital..... Un docteur Green, profileur, s'occupe d'elle. Difficile de se souvenir exactement de ce qui s'est passé.... Peu à peu les images du labyrinthe lui reviennent... Au début, j'ai pensé " ok une histoire d'enlèvement, d'enfermement, assez classique somme toute" . Et non Eva, c'est Donato Carrisi ! Le climat anxiogène de cette cité inconnue, des personnages paumés, un jeu extrêmement pervers auquel vous convie un criminel cruel et suprêmement intelligent. Les codes de l'enfance bafoués, salis, une manipulation des consciences pour les attirer vers la nuit, qu'elles deviennent noires. Un retour dans les lymbes, une fin qui donne le vertige, monstrueuse.... Un vrai thriller comme le nom l'indique, accrochez-vous pour certains passages, j'en frissonne encore. Un livre fou ! Quatrième de couverture Un labyrinthe secret plongé dans l'obscurité. Un bourreau qui y enferme ses proies. Une victime qui parvient à s'en échapper, mais sans le moindre souvenir. Un effroyable combat pour retrouver la mémoire, et une enquête à hauts risques pour traquer celui qui continue à agir dans L'ombre. Précédent Suivant < Retour < Vers les auteurs < Vers les éditeurs

  • Le monde selon Garp

    Éva a lu pour vous .. Chroniques littéraires Le monde selon Garp John Irving Seuil 1980 et 2018 668 pages traduites par Maurice Rambaud Classique Chronique 31 janvier 2019 Paru sous le titre original de « The world according to Garp » en 1976 aux Éditions Dutton, New-York, réédité en 77, 78. En premier lieu, ce roman n'a pas vieilli, stylistiquement et dans le propos ; il est totalement et je dirais malheureusement d'actualité ! C'est tellement inouï, nous n'avons pas avancé, nous ralentissons et retournons en arrière en fait : l'obscurantisme refait toujours surface lorsque la civilisation est à la croisée des chemins, tant sur le plan de la société, de son évolution, du clivage femmes hommes, que du basculement cyclique et déjà entamé de notre pensée, de notre fonctionnement. L'Histoire de l'humanité est ponctuée depuis des millénaires par ces changements climatiques, de croyances, de philosophies. C'est ainsi et inéluctable. La fin d'un monde hier comme aujourd'hui avec des victimes collatérales à cette révolution. Dans ce roman, il est question de liberté, de féminisme, du principe de création, de paternité, de responsabilité, de réussite, de célébrité et d'une certaine Amérique. Garp, ( ou Irving son presque double), décrit les personnages de leur conception à leur fin, scrupuleusement, et commence donc logiquement sa narration par les évènements qui conduisirent à sa naissance. Nous rencontrons dès les premières lignes sa future mère, Jenny Fields, infirmière, issue d'une famille riche, qui voulut pourtant s'entêter à travailler et à être indépendante. L'acte sexuel en lui-même ne l'intéresse pas, les hommes la dégoûtent. D'ailleurs, nous ouvrons ce livre par l'arrestation de Jenny en 1942 à Boston après avoir agressé au scalpel un militaire en goguette un peu trop collant et insistant lors d'une séance dans un cinéma. La honte pour la famille, des frères aînés qui interviennent rapidement désespérés qu'une telle Virago soit leur soeur. Ne pourrait-elle pas rentrer dans les rangs, se marier, se faire oublier ? Mais non, et la suite des événements ne fera que confirmer l'originalité, pour le moins, de cette femme. Un peu trop transgressive pour sa hiérarchie, adorant les nourrissons, militant auprès des mères célibataires, hospitalisées seules au moment de leur accouchement en raison de l'absence du père sur le front en Europe ou décédé, la direction de l'hôpital finalement la mute aux services dédié à l'accueil des guerriers blessés. Très pragmatique, elle les classe en quatre catégories : les Externes ( brûlés provenant de l'Hôpital naval de Chelsea), les Organes vitaux (aux douleurs internes), les Absents (qui ont cessé d'être psychiquement là) et enfin les Foutus, qui correspondent à plusieurs de ces catégories. Miracle ! Un mitrailleur de tourelle d'un bombardier tombe littéralement du ciel pour atterrir dans les bras de notre Jenny. Elle veut un enfant, elle ne veut pas du géniteur. Garp est non seulement Absent mais bientôt Foutu. Cependant, il fonctionne parfaitement sexuellement... Une scène pour le moins acrobatique vous attend et Jenny obtient ce qu'elle veut avant que le valeureux donneur de sperme ne s'éteigne définitivement. Elle est virée de l'hôpital lorsque sa grossesse est trop visible, retourne chez ses parents, accouche sans révéler le nom du père et finalise tout cela en appelant son rejeton S.T. Garp pour Sergent Technicien Garp. Chouettes les débuts dans la vie de notre narrateur....!!!! Nous n'en sommes qu'à la page 42 ! Accrochez-vous, ce n'est que le début. C'est furieusement drôle, caustique, critique et engagé comme propos. C'est même subversif en l'année de parution de 1976 !!! Quarante deux ans après, travaillant sur son quinzième roman, le romancier collabore avec Warner Brothers à une minisérie en cinq épisodes adaptée du Monde selon Garp. Celui-ci, comme son créateur est adepte de la lutte gréco-romaine, l'auteur atteignant un haut niveau dans cette discipline pendant 20 ans et l'enseignant ensuite jusqu'à ses 47 ans. Un mental solide dans un corps sain ! Ne nous étonnons pas si Garp deviendra écrivain par amour pour Helen, la fille de son professeur de lutte. Récompensé à de multiples reprises par de prestigieux prix, John Irving était l'invité de La Grande Librairie il y a peu de temps. C'était passionnant de l'entendre analyser le contenu, et le succès de ce roman, être tristement stupéfait de sa pertinence encore aujourd'hui. Le moyen pour nous, surtout en ce moment de trouble, de remise en question entre autres de l'ultralibéralisme et du patriarcat, de comprendre le phénomène cyclique de l'histoire, et cependant d'en accélérer le mouvement avec plus de clairvoyance. Il y a urgence ! Un livre prémonitoire à relire ! Quatrième de couverture Jenny Fields ne veut pas d'homme dans sa vie mais elle désire un enfant. Ainsi naît Garp. Il grandit dans un collège où sa mère est infirmière. Puis ils décident tous deux d'écrire, et Jenny devient une icône du féminisme. Garp, heureux mari et père, vit pourtant dans la peur : dans son univers dominé par les femmes, la violence des hommes n'est jamais loin... Un livre culte, à l'imagination débridée, facétieuse satire de notre monde. Précédent Suivant < Retour < Vers les auteurs < Vers les éditeurs

  • Zao, un mari

    Éva a lu pour vous .. Chroniques littéraires Zao, un mari Myriam Dao Editions des Femmes Antoinette Fouque 12 janvier 2023 144 pages Historique Chronique 12 janvier 2023 Texte court et dense, mise-en-page très soignée, mots choisis avec patience et pertinence, extrême délicatesse à décrire l'intimité d'un couple, finesse d'analyse d'une société colonisatrice en perdition, en mutation, souci de comprendre sans juger sans pour autant éviter la violence de certaines situations, de certaines pensées. Le tableau complet ne se révèle qu'à la dernière ligne : toutes les pages, tous les termes sont autant de touches de peinture ou plutôt de couches de laque sur une oeuvre de Thanh Ley. Un couple franco-vietnamien créé à partir d'un désir irrépressible des corps dans la chaleur moite de l'Indochine, né de la volonté inconsciente de remplir des vides en soi, de redorer sa propre image en se regardant dans les yeux de l'autre. La fracture de ce duo dissonant est prévisible d'autant plus à l'annonce d'une naissance dans une France raciste et rancunière des années 1950. Mais pour spécifique que soit ce couple, le texte revêt également une portée universelle car leur échec n'est pas seulement imputable aux origines ethniques éloignées mais aussi à des éléments qui, pour tout mariage, peuvent mener à la ruine. La violence ordinaire que subissent Zao, le vietnamien, et l'épouse française, en tant qu'étranger et femme, auraient dû les rapprocher. Alors pourquoi n'ont-ils pas pu faire front ensemble ? Pourquoi la nature humaine est-elle toujours de vouloir dominer l'autre, de hiérarchiser la société, de créer des castes, d'appliquer des discriminations à l'infini ? Pourquoi ? Un livre glaçant d'une justesse douloureuse et terrifiante. Un texte passant de la lumière éblouissante à une noirceur abyssale avec parfois des éclairs d'espoir bien vite disparus. Qui être lorsque l'on est l'enfant né de ce couple ? Et plus largement, que peut devenir une société qui ne regarde pas son passé colonial avec honnêteté, qui n'accepte sa nature multi-culturelle et multi-ethnique que si brusquement certains se révoltent et exigent l'égalité de traitement en tant que citoyens français, et une correction de l'Histoire nationale transmise aux générations futures. J'ai été particulièrement sensible à ce texte ma famille ayant vécu en Indochine jusqu'en 1963 pour ensuite revenir en urgence en France. Puis ce fut l'Afrique... Je suis toujours cette enfant venue d'ailleurs aux horizons plus vastes que ceux des gamins de métropole ; je pose sur la société française un regard critique (en positif ou négatif), analytique et je m'étonne qu'au sein de la famille ou à l'échelle du pays, la reconnaissance des responsabilités, des crimes liés à la colonisation ou au système du protectorat n'aille pas de soi. Je m'étonne aussi du silence des Français dont l'origine ethnique est asiatique et en particulier vietnamienne et cambodgienne. Plus de textes, tels que celui-ci, doivent être diffusés. L'invisibilité et le silence doivent prendre fin. Quatrième de couverture Zao est un ancien colonisé de famille aisée, elle, une très jeune femme blanche d'un milieu pauvre. La rencontre a eu lieu en Asie dans l'empire colonial. Paris, où ils s'exilent, va devenir le décor de la décrépitude du couple. Face à un racisme "ordinaire", Zao perd son statut social et se mure. Sa femme rêve à la fois de liberté et de rentrer dans la norme, mais se confronte à une terrible misogynie. Obnubilés par leurs tragédies personnelles, les deux personnages avancent l'un contre l'autre, jusqu'à devenir l'enfer de leur partenaire. À travers le couple et à l'intersection des dynamiques de race, de classe et de genre, Myriam Dao propose une exploration des mutations qui traversent la société française au tournant des années 1950. Extrait : « Une ou deux fois on l'avait invitée à partager un café, mais elle hésitait à accepter de peur qu'au bout de cinq minutes de conversation ils ne découvrent sa situation véritable. Mais, après tout, pourquoi ne pas franchir le pas, prendre sa vie en main et quitter son mari ? Elle y pensait depuis longtemps. Son chef lui avait fait des avances, et, une après-midi, elle fut à deux doigts de lui confier ses rêves de partir loin. Mais tout ça, c'était sans compter avec la poisse. » Myriam Dao. Précédent Suivant < Retour < Vers les auteurs < Vers les éditeurs

  • Deux femmes dans la tourmente

    Éva a lu pour vous .. Chroniques littéraires Deux femmes dans la tourmente Teresa Messineo Mon Poche 3 septembre 2020 440 pages traduites par Silke Zimmermann Historique Chronique 7 novembre 2020 « l'Éternel allait devant eux, le jour dans une colonne de nuée pour les guider dans leur chemin, et la nuit dans une colonne de feu pour les éclairer, afin qu'ils marchassent jour et nuit. » Exode Je suis sortie de ce livre exceptionnel sidérée par l'histoire racontée, par tout ce que nous ignorons encore sur les circonstances de vie des femmes pendant la Seconde Guerre Mondiale, par le silence qui fut imposé à certaines des infirmières américaines vétérans pendant 60 ans donc jusqu'en 2005 (!!!!), par la reconstitution admirable menée par Teresa Messineo dans ce premier roman terriblement beau. Quelle réussite ! Quel travail de mémoire accompli ! Je suis allée rapidement, dès la dernière page tournée, sur internet : je vous conseille la page wikipédia sur " United states Navy Nurse Cops" ; vous y trouverez tout l'historique de ce corps d'infirmières militaires imaginé au début du XIXe siècle mais qui sera effectif en 1861. Sur deux fronts, grâce aux personnages charismatiques de Jo et Kay, l'écrivaine nous offre un tableau choquant, ultraréaliste, inoubliable de ce que durent traverser, supporter, voir et faire ces véritables héroïnes, guerrières luttant contre l'ennemi universel : la Mort. Leur engagement est total, surhumain, et ainsi les limites imposées aux femmes par la société patriarcale explosent littéralement. Ainsi peuvent-elles prouver leur aptitude, leur maîtrise tant sur le plan médical, technique que psychologique. Jouant tous les rôles, en dehors de toute considération de genre, sur les champs de bataille ou dans les camps de concentration japonais, elles ressortent de l'enfer pour recevoir des médailles bien insuffisantes, une reconnaissance réelle et bouleversante de la population, des séquelles post-traumatiques gravissimes, mais aussi l'ordre de se taire et de rentrer dans les rangs. Après tout, elles ne sont que des femmes... La guerre fut ignoble, la paix l'est aussi par bien des aspects... Certains hommes ont la mémoire courte .... J'ai été presque commotionnée par ce roman, sidérée et révoltée par les descriptions des camps japonais où cruauté et inhumanité n'avaient rien à envier aux camps nazis. Soyons Ô combien pleins de gratitude et d'admiration pour ces infirmières.... Un roman exceptionnel, sidérant, à lire absolument. Je n'en suis pas remise. Quatrième de couverture Jo et Kay se sont rencontrées à New York au cours de leurs études d’infirmières à la fin des années 30. Désireuses de partir à l’aventure, les deux jeunes femmes se sont engagées dans la Seconde Guerre mondiale avec les Alliés. Après une traversée de l’Atlantique mémorable et de nombreuses péripéties en Europe et en Afrique du Nord, Jo est envoyée en France où elle se retrouve à superviser un hôpital de fortune. De son côté, Kay est envoyée à Hawaï. Après une parenthèse amoureuse enchantée sur les plages de sable blanc, elle voit sa vie virer au cauchemar après l’attaque de Pearl Harbour. Dans l’horreur absolue des corps mutilées, de la maladie et de la famine, chacune s’accroche à sa vocation, mais aussi à l’amour et à l’amitié, pour trouver la force de supporter l’insupportable. L’espoir sera-t-il plus fort que la mort ? Précédent Suivant < Retour < Vers les auteurs < Vers les éditeurs

  • Ne sautez pas !

    Éva a lu pour vous .. Chroniques littéraires Ne sautez pas ! Frédéric Ernotte Lajouanie 2016 292 pages Polar Chronique 29 avril 2018 Dans la collection « Roman pas policier mais presque », même sans cette caractéristique, de toute façon ce livre est particulier. J'en suis sortie avec le sourire, la joie au cœur, heureuse d'avoir découvert un texte étonnant. « Est-ce forcément mal de ne pas faire le bien ? En tentant de répondre à cette interrogation existentielle, le héros de Frédéric Ernotte va vivre une aventure pour le moins hors du commun. Un roman délicieusement surprenant, bigrement mouvementé. Émotion, humour et suspense garantis. » Cela commence un peu comme une blague, une histoire dingue dont le héros est un doux rêveur, bien perché au propre et au figuré. En effet, en plus de prolonger une insouciance d'adolescent, il travaille dans les nuages, car il est laveur de carreaux, de ceux qui recouvrent les gratte-ciels de Bruxelles. Il ne touche pas vraiment terre, Mathias, encore moins lorsqu'il rentre chez lui pour retrouver sa compagne Élisa. En voilà deux qui sont raides dingues, fous amoureux. Elle a plus le sens des réalités que son homme, elle est infirmière et est confrontée tous les jours à la douleur et le drame. Ainsi entre Al son collègue de passerelle, sa belle Élisa, les amis, Mathias a une jolie vie. Et fusent des dialogues cocasses, drôles, touchants, qui nous donnent envie de sourire, et de rire souvent. C'est un beau texte bouleversant, joyeux, où tout le talent d'imagination, d'inventivité et du sens de la formule de Mr Ernotte se révèlent. Premier grain de sable : Un jour il se fait chopper pour avoir dépassé les limitations de vitesse, et le voilà condamné à des travaux d'utilité générale : distribution en porte à porte d'un gadgets pour une association humanitaire. Pas une sinécure ! Fourbu le soir après ses tournées, peu à peu ses rencontres avec des gens qui le rembarrent ou l'invitent à prendre un café et à échanger quelques mots, lui permettent de dresser un portrait des donateurs et de comprendre leur raison. Par le biais de cette condamnation, Mathias et l'auteur vont, mine de rien, faire le tour de la question de la charity business au pire, et de la générosité au mieux. Les questions souvent soulevées quant à qui on donne, pourquoi financer des projets à l'étranger alors qu'ici tant de personnes ont besoin d'aide, de la participation à des téléthons et autres, pour avoir bonne conscience et continuer à vivre dans son petit confort, du don gratuit et sincère, et plus encore des engagements de médecins et bénévoles sur le terrain au cœur des guerres, des catastrophes naturelles, des zones de dangers, tous les sujets sont abordés avec délicatesse et précision. La conscience de Mathias se réveille jour après jour. Un coup de pouce du destin va lui indiquer comment lui, laveur de carreaux pourrait aider indirectement toutes les ONG et associations qui ont tant besoin d'argent. Un tour de magie, une blague de clowns. À l'origine, un quiproquo incroyable qui nous fait sourire, Mathias aussi, et qui pourtant marque le début d'une histoire aventureuse, joyeusement folle jusqu'à un évènement dramatique et un meurtre. On a peur soudain. De la légèreté au poids de la réalité quand celle-ci vous rattrape.... Et évidemment on ne s'amuse plus du tout, la nacelle manque tomber et se fracasser avec les illusions de Mathias et Élisa. La vie fait toujours en sorte de vous rappeler quelques petites règles de savoir exister, pleinement, consciemment. Carpe diem dit l'autre. Mais qu'est ce qui est passé dans la tête de cet homme qui a crié paniqué à Mathias « Ne sautez pas ! ». Un Bijou, non une boîte renfermant beaucoup de pépites, que ce " roman pas policier mais presque. " Merci Frédéric Ernotte pour ce beau livre ! Quatrième de couverture Est-ce forcément mal de ne pas faire le bien ? Assis sur le toit d'un des plus hauts gratte-ciel de Bruxelles, Mathias est songeur. Les jambes du laveur de vitres balancent dans le vide à plus de cent mètres du sol. Alors qu'il réfléchit au travail d'intérêt général que la justice lui a imposé (vendre en porte à porte des gadgets pour une association humanitaire), un homme paniqué surgit derrière lui. Mathias ne le sait pas encore, mais la minute qui va suivre va radicalement changer sa vie. Un engrenage impitoyable vient de s'enclencher... Précédent Suivant < Retour < Vers les auteurs < Vers les éditeurs

  • Normal

    Éva a lu pour vous .. Chroniques littéraires Normal Warren Ellis Au Diable Vauvert 2018 189 pages traduites par Laurent Queyssi Thriller Futuriste (quoique) Chronique 13 octobre 2018 Un roman évidemment hors norme, que je qualifierais de thriller futuriste quoique.... Prévoir l'avenir dans ce mail ne très parallèle au nôtre se dit « Fixer l'abîme » . Tout le monde n'en est pas capable et se retrouve soudain dans le hall d'accueil d'un hôpital psychiatrique " Normal Head" anciennement ville abandonnée créée par un fou, aujourd'hui seul havre de paix pour ceux qui n'auraient pas dû voir certaines choses. Ainsi des veilleurs civils ou militaires se retrouvent dans ce lieu sans aucun contact avec l'extérieur, ni internet, ni journaux, ni télévision, coupés de tous pour leur bien. « Les visions de bouleversements géopolitiques, guerres de drones et d'apocalypses diverses » les ont fait littéralement disjoncter. Adam Dearden se retrouve donc hospitalisé dans ce lieu étrange après une dépression suite à une émeute à laquelle il a assisté en Namibie. Il ne s'en est pas remis.... Qu'a-t-il donc vu de si catastrophique. Tous les autres internés ont peu ou prou joué le même rôle que lui de guetteur, de veilleur. Tout ce joli petit monde de connaît. Une micro société très organisée, d'où pour certains il sera impossible de réchapper. À peine arrivé dans ce monde anxiogène, on retrouve dans la chambre voisine de celle d'Adam qu'un tas d'insectes à la place de l'ancien occupant. Enfin les malades vont pouvoir avoir un but à leur longue journée.... Retrouver le disparu, comprendre l'énigme des insectes.... Ce lieu de protection du monde extérieur va peu à peu se transformer en zone à haut risque... Les névroses et déséquilibres de tous vont être exacerbés... Une folle enquête commence.... Beaucoup d'humour et d'absurde pour ce livre court qui pourtant surfe sur certaines réalités paniquantes de nos sociétés, ce flicage de tous les moments, cette surveillance incessantes de nos actes, de nos pensées, héros malgré nous de vidéo surveillances légales ou non. Sous couvert de protection du plus grand nombre, la liberté individuelle est bafouée quotidiennement. Ce roman pourrait passer pour « une apogée dans le délire paranoïaque et l'ironie iconoclaste, par le maître de l'underground, auteur du grinçant Transmetropolitan. » Je pense pour ma part qu'il est dangereusement visionnaire. Un rappel de ce qui devrait être Normal et qui ne l'est plus, et en raison de notre inertie, de l'acceptation de l'impensable intrusion dans notre vie privée et nos pensées les plus intimes. Je vous rassure, rien que l'arrivée de Adam sur place est une scène drolissime bien dérangeante. À méditer dès que vous vous connectez, dès que vous sortez de chez vous. Quatrième de couverture Prévoir le futur. Certains nomment ça fixer l'abîme. À Normal Head on accueille des veilleurs stratégiques civils ou militaires rendus fous par leurs visions de bouleversements géopolitiques, guerres de drones et apocalypses diverses. Quand on retrouve à la place d'un patient un tas d'insectes dans son lit, les névrosés et déséquilibrés de l'institut se lancent dans une folle enquête, entre aliénation et surveillance ? Précédent Suivant < Retour < Vers les auteurs < Vers les éditeurs

  • Le bal des folles

    Éva a lu pour vous .. Chroniques littéraires Le bal des folles Victoria Mas Albin Michel Août 2019 251 pages Historique et Roman Chronique 28 mars 2020 « Depuis l’arrivée de Charcot à le Salpêtrière, on dit que seules les véritables hystériques y sont internées. Mais le doute subsiste… » Il faut avoir le cœur bien accroché pour lire ce roman magnifique et terrifiant, mêlant fiction, surnaturel et faits historiques réels. Je ne pense pas que je longerai à nouveau les murs de la Salpêtrière sans entendre les pleurs, les cris et les voix de toutes les internées malades ou non, victimes d’un patriarcat tout puissant ne tolérant aucune prise de parole, aucune velléité de liberté, aucun affranchissement de la pensée de ces femmes, coupables d’être nées filles, d’avoir la capacité d’engendrer, et ainsi d’avoir un pouvoir sur cette société masculiniste. A la Salpêtrière, aucune lutte de classes, toutes les internées sont sur le même pied d’égalité, celui de n’être que des femelles qui doivent obéir à leurs seigneurs et maîtres, à leurs tuteurs, aux médecins. Elles ne sont, après tout, que des biens que l’on peut céder d’un homme à l’autre, elles ne sont pas plus qu’un animal domestique. Si celui-ci aboie, la muselière, les coups de bâton, l’enfermement, le meurtre sont autant de solutions pour préserver la suprématie des hommes. A la Salpêtrière, le maître s’appelle Charcot, célèbre neurologue, dieu tout puissant, pur produit de ce XIXe siècle misogyne. Autour de lui une cour d’internes, d’infirmières, de collègues et un public émerveillé par les découvertes du grand homme. Les cours publics, ou conférences spectacles, organisés toutes les semaines au sein de l’hôpital, sont autant de représentations à la gloire du thérapeute, testant sur ses malades transformées en cobayes, de nouvelles méthodes tâtonnantes et dangereuses, sous l’œil concupiscent de ces messieurs. Que dire de ce Bal des folles organisé à la mi-Carême où toute la bonne société vient, comme au zoo, reluquer et s’offrir des sensations fortes à la vue des malheureuses ? Au sein du personnel, des sadiques sociopathes ont un terrain de chasse rêvé à leur disposition, et des infirmières et surveillantes ont l’illusion d’être supérieures à leurs sœurs « démentes ». Elles sont folles, donc irrécupérables. Il ne sert à rien de montrer de la bienveillance ou de l’empathie. C’est en tous les cas ce que se répète Geneviève, « la vieille », surveillante générale crainte et respectée, tant par le personnel que par les malades. Depuis un drame familial, elle a consacré sa vie entière à Charcot. Mais l’arrivée en février 1885 d’une nouvelle venue, va changer la mise, balayer l’existence et les convictions de Geneviève. Eugénie Cléry, jeune femme de bonne famille au verbe trop haut et aux idées trop libertaires, a eu le malheur d’avouer à sa grand-mère bien aimée son secret : elle voit et parle avec les morts depuis des années. L’aïeule la trahit, prévient le chef de famille qui, pour protéger son nom et sa réputation sans tâche, décide, du jour au lendemain, de faire enfermer sa fille dans le mouroir qu’est alors la Salpêtrière. On y entre pour ne jamais en sortir, oubliée, cloîtrée, annihilée. De la viande et des corps tout frais pour la médecine, les chercheurs, les abuseurs… Lorsqu’on lit les raisons pour lesquelles ces femmes ont été internées, on frémit. Cependant, des ombres vont venir au secours d’Eugénie, sortir des murs, chuchoter … Les entendez-vous ? Croyez-vous vraiment, qu’aujourd’hui, dans certaines unités psychiatriques, toutes les personnes qui y sont enfermées, le sont pour de bons motifs ? Y sont-elles correctement traitées, soignées ? Pensez-vous être à l’abri d’une hospitalisation abusive ? Pire, ne sommes-nous pas tous amenés, purs produits d’une société normative, un jour, à montrer du doigt celle ou celui qui ne rentre pas dans les cases, au comportement incompréhensible, au regard différent, qui s’exprime trop fort, qui réagit trop émotionnellement ? Attention, la folie est contagieuse, vite enfermons-les ! Attention la pauvreté, le malheur sont contagieux, cachons- les au fond d’hôpitaux et cliniques psychiatriques ! Protégeons l’intégrité de notre société, oublions que souvent, ceux qui font évoluer le monde, sont d’abord jugés comme déments, fous, pestiférés. Lire ce roman, en plein confinement après avoir été témoin, voici des années, de ce qui se passait dans des unités de soin psy, m’amène à reformuler ces questions : Où sont les fous ? Les femmes, ne sont-elles pas toujours aux yeux de cette société patriarcale, des éternelles hystériques et sorcières devant être mises au pas ? Et en poussant le curseur plus loin, certaines femmes ne sont-elles pas les complices de cette société, appliquant des règles sexistes enregistrées après des années de lavage de cerveau éducatif, incapables de s’en défère, préférant un quotidien carcéral connu, à une liberté vertigineuse, dénonçant et pourrissant la vie de celles qui ont le courage de faire reculer les limites ? L’auteure, avec un talent indiscutable, avec humanisme, empathie et une extrême exigence historique, vous ouvre les portes de la Salpêtrière afin de dénoncer ce qui fut et ce qui est toujours. Nous avons encore un très long chemin à parcourir, ne nous voilons plus la face ! Quatrième de couverture Chaque année, à la mi-carême, se tient, à la Salpêtrière, le très mondain Bal des folles. Le temps d’une soirée, le Tout-Paris s’encanaille sur des airs de valse et de polka en compagnie de femmes déguisées en colombines, gitanes, zouaves et autres mousquetaires. Cette scène, joyeuse cache une réalité sordide : ce bal « costumé et dansant » n’est rien d’autre qu’une des dernières expérimentations de Charcot, adepte de l’exposition des fous. Dans ce livre terrible, puissant, écrit au scalpel, Victoria Mas choisit de suivre le destin de ces femmes victimes d’une société masculine qui leur interdit toute déviance et les emprisonne. Parmi elles, Geneviève, dévouée corps et âme au service du célèbre neurologue ; Louise, une jeune fille « abusée » par son oncle ; Thérèse, une prostituée au grand cœur qui a eu le tort de jeter son souteneur dans la Seine ; Eugénie Cléry enfin qui, parce qu’elle dialogue avec les morts, est envoyée par son propre père croupir entre les murs de ce qu’il faut bien appeler une prison. Un hymne à la liberté pour toutes les femmes que le XIXe siècle a essayé de contraindre au silence. » Précédent Suivant < Retour < Vers les auteurs < Vers les éditeurs

  • La malédiction d'Oxford

    Éva a lu pour vous .. Chroniques littéraires La malédiction d'Oxford Ann A. McDonnald Michel Lafon Janvier 2017 362 pages traduites par Joseph Antoine Thriller Chronique 5 novembre 2017 Ann A. McDonnald native du Sussex a étudié à Oxford avant de devenir journaliste. Elle vit aujourd'hui à Los Angeles où elle travaille comme scénariste. Ses précédents romans parus sous le nom de Melody Grace ont été des best-sellers aux États-Unis. Étrange ambiance pour ce roman gothique impossible à refermer. Les coutumes et rites dans cette université sont parfaitement décrits, ce récit nous fait découvrir les coulisses de ce haut lieu de la culture et de l'enseignement. Le décor est magnifique mais ce côté élitiste que certaines familles font perdurer est dérangeant . Ainsi Cassandra Blackwell, américaine de 24 ans d'origine modeste intègre la prestigieuse université d'Oxford pour une année d'étude grâce à une bourse pour les étrangers. Elle évite les soirées estudiantines et les mondanités, donne le change quant à ses études, mais en réalité elle est là pour enquêter sur le passé de sa mère qui s'est suicidé voilà dix ans. Ayant reçu un étrange paquet adressé à la disparue, elle a tout quitté pour venir en Angleterre. Sa mère fut étudiante à Oxford dans les années 90 et a subitement fui, enceinte de Cassie, en changeant de nom, pour les États-Unis. Et depuis elle a vécu une vie d'errance comme poursuivie par des ombres. L'enjeu est primordial pour notre héroïne courageuse et à fleur de peau, connaître le nom de son père. Elle se lie rapidement avec l'élite anglaise et plonge dans un monde fascinant aux traditions séculaires et aux nombreux mystères. Ses recherches la mènent à comprendre qu'une force et un pouvoir inquiétants règnent sur le campus : L'École de la Nuit. Celle-ci est au centre d'une série de suicides tous les 25 ans. Cassie sent qu'elle est la seule à pouvoir attaquer et détruire cette société secrète. Elle va devoir laisser parler la noirceur en elle, cette force destructrice qui l'a déjà porter à commettre l'indicible. Ann A. McDonnald dans ce roman assez classique, mélange des faits historiques et de fiction. C'est un Oxford réel puis imaginaire. Sir Walter Raleigh a vraiment vécu mais pas le collège qui porte son nom dans le livre. En fait il est inspiré par le Magdalen College, au bord de la rivière Cherwell. Shakespeare a fait référence à une « École de la nuit » dans « Peines d'amour perdues ». Quatrième de couverture Cassandra Blackwell, jeune Américaine d'origine modeste, intègre la prestigieuse université d'Oxford pour une année d'études. Toutefois, la qualité de l'enseignement, les porches recouverts de lierre ou les soirées étudiantes ne figurent pas parmi ses priorités. Elle n'a qu'un objectif : découvrir la vérité sur le passé de sa mère, étudiante à Oxford dans les années 1990, qui a fui ce paradis d'un autre temps avant de se suicider quelques années plus tard. L'enjeu est important, car Cassie pourrait enfin connaître l'identité de son père. La jeune femme se lie rapidement avec l'élite anglaise et plonge dans ce monde fascinant aux traditions séculaires. Pourtant, au sein de ce campus légendaire, une force inquiétante est à l'œuvre : l'École de la Nuit, une société secrète qui semble liée à une série de suicides. Cassie pourrait bien être la seule à pouvoir y mettre un terme ? Mais à quel prix ? Dans la veine du « Maître des illusions », de Donna Tartt, un roman gothique et moderne impossible à lâcher. « Effrayant et très divertissant ! » Kirkus Reviews Précédent Suivant < Retour < Vers les auteurs < Vers les éditeurs

  • Elon Musk, Changer le monde

    Éva a lu pour vous .. Chroniques littéraires Elon Musk, Changer le monde Denis Granjou City Editions 1er juin 2022 304 pages Biographie Chronique ​ Le moins que l'on puisse dire c'est que Elon Musk ne laisse personne indifférent. Traité de fou, de génie, de précurseur, de complotiste, il dérange autant qu'il intrigue. L'homme le plus riche au monde fut un enfant surdoué, un jeune homme introverti avant d'être celui qu'il est aujourd'hui sous le regard de ses millions de followers et détracteurs. Inclassable, sans limite, à l'énergie et l'inventivité hors norme, cette biographie peut vous donner certains éléments de réponse afin de tracer un portrait plus réaliste de ce personnage qui aujourd'hui, encore, met le feu aux poudres en divulguant certains messages laissés sur Twitter au début de la pandémie. Est-ce celui qui permettra à l'humanité de reprendre son souffle et le contrôle, ou n'est-il qu'un manipulateur de plus, un sociopathe à l'égo surdimensionné ? Toujours est-il que la double aventure technologique de Tesla et SpaceX, sans parler de PayPal, fait déjà de Elon Musk une figure incontournable des trente dernières années. Ce que nous raconte Denis Granjou est de l'ordre de l'épopée industrielle, de la Révolution totale de nos modes de vie. Les analyses de Elon Musk concernant nos sociétés, nos moeurs, nos types de fonctionnement sont-elles pertinentes ou totalement à l'Ouest ? Est-il un sauveur ou celui qui nous mènera au chaos ? On en revient toujours à la même question : ange ou démon ? Est-ce si simpliste ? L'auteur décide de raconter chronologiquement la vie de Elon Musk et de ceux qui traverseront sa trajectoire : c'est un travail minutieux, patient, mêlant vie publique et privée. Très éclairant ! Cette biographie permet de recontextualiser le personnage atypique de Elon Musk. De lui redonner de la consistance. Il n'est plus une image à la télévision ou dans un magazine mais un homme imparfait en recherche constante, un rêveur, un risque tout, déjà un pied dans le futur et toujours la tête dans les étoiles. Quatrième de couverture SpaceX, Tesla, PayPal... Tous ces succès sont l'œuvre d'un seul homme : Elon Musk. Il est l'entrepreneur le plus visionnaire du siècle. Celui qui bouleverse les habitudes, anticipe les changements de société, innove en permanence et qui s'est lancé dans la conquête de l'espace en rêvant tout simplement de coloniser Mars ! Comment en est-il arrivé là ? Comment a-t-il réussi des entreprises tellement folles auxquelles très peu de gens croyaient ? Ce livre révèle le parcours de ce self-made man, devenu l'un des hommes les plus riches du monde, qui a dû payer ses études avec des petits boulots parce que son père lui avait coupé les vivres. On découvre aussi une personnalité habitée par le doute, d'une exigence phénoménale envers les autres et envers lui-même. Un boulimique de lecture et de travail. Une sorte de génie touche-à-tout, mégalomane, ambitieux, impitoyable, qui a un seul objectif : changer notre monde. Tout simplement. Tout simplement. Précédent Suivant < Retour < Vers les auteurs < Vers les éditeurs

  • La légende du pilhaouer

    Éva a lu pour vous .. Chroniques littéraires La légende du pilhaouer Daniel Cario Presses de la Cité Terres de France 2018 446 pages Thriller terroir historique Chronique 31 octobre 2018 L'écriture et le style sont magnifiques. Du très bel ouvrage. Certes cela se situe de 1860 jusqu'en 1914 en pays Bigouden mais, soyons bien clair, ce roman n'est certainement pas un énième bouquin sur les légendes bretonnes, NON!!!! c'est un sacré thriller qui aurait pu être écrit par un Stephen King bigouden. Vous voulez trembler, lire une histoire où on disparaît, on meurt mystérieusement, on devient fou de terreur, vous voulez frissonner du début à la fin conscient que le surnaturel et le diable existent et menacent votre petite vie tranquille. Enfin vous voulez découvrir une enquête, celle d'un père à la recherche de sa fille, jusque dans le Paris du début du XX ème siècle à Montparnasse, quartier des exilés bretons. Vous êtes arrivés ! Oui les us et coutumes bigoudens et typiques sont évoqués, oui les descriptions des paysages sauvages sont là comme vous les espérez, oui vous sentez le vent qui passe à travers les fentes des portes ou des volets, oui vous entendez des voix terrifiantes, oui vous sentez une présence maléfique dans votre dos.... C'est un sacré THRILLER et il devrait être présenté comme tel. J'ai adoré ce livre tant par sa forme, sa magnifique couverture, l'écriture sublime, et le récit terrorisant et mystérieux. Le parfait équilibre. Le classer en littérature de terroirs est à mon sens réducteur et une erreur. Quatrième de couverture "Dans toute tradition populaire circulent des croyances qui dépassent l'entendement. En Bretagne sans doute plus qu'ailleurs... On le considérait comme le meilleur tailleur-brodeur de Pont-l'Abbé. Mais, péché d'orgueil, Lazare Kerrec s'est mis en tête de confectionner le plus beau des costumes, que nul ne devra porter. L'ouvrage achevé est d'une telle splendeur qu'on croirait qu'il est l'œuvre du diable. Qui sait ? En 1860, celle qui l'a porté à l'insu de son créateur, n'a-t-elle pas été damnée ? Des décennies plus tard, le petit fils du tailleur, Zacharie Le Kamm, a hérité de la parure. C'est un modeste chiffonnier, un pilhaouer, arpentant par tous les temps les terres désolées des Monts d'Arrée. Même s'il désapprouve l'union de sa fille, Violaine, avec le fils d'un riche terrien, il accepte qu'elle revête les sublimes atours pour ses noces au printemps 1900. Comme pour défier la malédiction...." Précédent Suivant < Retour < Vers les auteurs < Vers les éditeurs

  • La Dame à la Licorne et le Beau Chevalier

    Éva a lu pour vous .. Chroniques littéraires La Dame à la Licorne et le Beau Chevalier Nathalie Koble Phébus 4 mars 2021 288 pages traduites par l'autrice Historique Patrimoine Chronique 8 mai 2021 Préface de Léonor de Récondo. Un joyau de la littérature médiévale enfin traduit en français moderne ! Bravo à Nathalie Koble qui, avec certains étudiants, a réussi ce tour de force. Un texte qui devient, de fait, très proche, où souffle le vent de la passion amoureuse et courtoise, où les chevaliers font montre de bravoure sans être des bruts sanguinaires gonflés de testostérone, des hommes capables aussi d'être sensibles et respectueux envers celles dont ils attendent le consentement, avant de les courtiser, en suivant des règles de bienséance. C'est la femme ici qui décide, qui choisit son chevalier servant, qui impose sa loi. Les héros présentés sont des guerriers émérites, capables de tuer l'ennemi en utilisant la violence, celle-ci n'ayant plus court dès les conflits terminés et le retour à la vie normale. Les chevaliers combattent pour prouver leur valeur à celles qu'ils aiment ; ils multiplient les exploits, signent des traités de paix, voyagent dans des contrées lointaines jusqu'à celles où règne la magie, où vivent des êtres extraordinaires dignes des contes ou légendes... Évidemment, l'humour est aussi présent grâce à un écuyer qui accompagnera notre héros le Beau Chevalier ; une sorte de faire valoir, qui par sa présence apporte de la légèreté au récit devenu guerrier et dramatique. Un roman se partageant en cinq saisons : 1/ La naissance de l'amour : Où deux chevaliers sont refusés par la Dame à la Licorne et où le Beau Chevalier fait son apparition, où les amants prêtent serment et où commencent les médisances et les jalousies. 2/Le val aventureux et la cour impériale : Où apparaît un géant diabolique qu'il faut combattre, un chevalier Fée, être étonnant, qui accoure dès que notre héros l'appelle grâce à un sifflet magique, le beau Chevalier prend le nom de Chevalier au Lion, échange de lettres, de poèmes entre les amants grâce au génie du chevalier Fée, batailles contre le Roi de Jérusalem... 3/ Le voyage en Orient où après des batailles et des fuites déguisés en nonnes, on part pour la Turquie, puis en Terre Sainte jusqu'au Saint Sépulcre. Puis la Hongrie, et la guerre contre le Roi de Chypre. 4/ Retrouvailles au royaume de Frise, la quête de la Terre de labeur : vous y attendent des tournois, une Demoiselle Porc-épic, un dragon, un Chevalier au Chef d'Or, un nouveau cheval, Morel le farouche, une femme-cerf, un nain sadique, une demoiselle à la fontaine et un gerfaut magique. 5/ Les meilleurs mondes : où les mensonges rendent fou de douleur le Chevalier au Lion croyant la Dame à la licorne morte, celle-ci prisonnière et qu'il faut délivrée. Victoire sur tous les ennemis grâce à l'aide de tous et en particulier du Chevalier Fée. Le Chevalier au Lion reçoit le titre de champion du monde et la Dame à la licorne de la meilleure et la plus belle. Joie sans fin pour les deux amants. « Le manuscrit qui contient Le Roman de la Dame à la Licorne et du Beau Chevalier est unique. Abondamment enluminé, destiné à des dédicataires de haut rang, il a été copié à Paris au milieu du XIV ème siècle. Il est rédigé en moyen français, en vers et en prose. [ Le texte compte 8575 vers d'abord écrit en décasyllabes puis en octosyllabes à rimes plates. Il comprend en outre des insertions poétiques et une lettre d'amour en prose.] Il a fait l'objet d'une édition ancienne, allemande, mais il est tombé dans l'oubli et n'a jamais été traduit. Le livre tend au lecteur d'aujourd'hui plusieurs énigmes : si le roman lui-même, un récit long de plus de 8000 vers, reste anonyme, la copie qui le transmet paraît cacher une destinataire et une circonstance d'écriture bien particulières, pour un cadeau de luxe et qui ne fut peut-être jamais offert ; son éloge obsédant à la douceur, sa topique courtoise, trempée au plus célèbres fictions qui circulaient dans les bibliothèques princières depuis le XII ème siècle, ont pour revers les heures les plus sombres de la guerre de Cent Ans. Enfin, le roman consacre le double avènement d'un mot et d'un symbole : la licorne, dont il nous livre la première occurrence, au féminin. [...] » De par sa présentation ce roman, que j'ai lu avec beaucoup de plaisir et de facilité, ceci pour vous rassurer, tant la traduction est habile, est dans la lignée autant de la " tradition courtoise héritée des romans des siècles précédents qu'à l'écriture narrative pratiquée selon l'usage courtois au milieu du XIVe siècle " : Guillaume de Machaut en est le plus célèbre représentant, mais aussi Charles le Mauvais, roi de Navarre et frère de Blanche. On citera également Chrétien de Troyes. Le texte en prose d'une grande beauté est entrecoupé de Rondeaux, de poèmes, de chants, tous nouveaux, inédits. Ce ne sont pas des reprises de morceaux ou textes célèbres réorganisés dans une nouvelle mouture. C'est aussi par cela que cet ouvrage est extraordinaire. Poésie, émotion, courage, délicatesse, magnificence du récit et des enluminures décrites en pied de page font de La Dame à la Licorne et le Beau Chevalier un fleuron de notre littérature. À découvrir absolument : mettant en avant le respect des hommes pour les femmes et traçant un portrait du chevalier dépourvu d'hyper virilité, plus nuancé, il fait écho aujourd'hui au mouvement MeToo et aux interrogations quant aux archétypes d'éducation imposés selon le genre. Enfin vous retrouverez tous les ingrédients de vos œuvres préférées postérieures à celui-ci tant en romans fantasy, jeunesse, films, et autres opéras dont ceux de Wagner, Dvorak etc... Quatrième de couverture Rédigé sur commande vers 1350 à l'occasion d'une promesse de mariage, ce roman chevaleresque destiné à une princesse est un témoin ambitieux de la littérature de la fin du Moyen Age. Nourri d'un idéal courtois mis en danger par la guerre, les rivalités politiques et les épidémies, le livre ne se contente pas de raconter une histoire d'amour, modelée sur tant d'autres : la poésie, la musique, la danse et la qualité des images y célèbrent une culture complète des sens, bien avant le très célèbre cycle de six tapisseries de La Dame à la Licorne, auquel il a sans doute servi d'inspiration. Il avance, autour de la figure rêvée de la licorne, devenue féminine, une image renouvelée de la féminité, en récit, en poésie et en images. Pour une jeune femme, ce livre-coffret se présentait autant comme un manuel de conduite éthique et érotique, que comme une promesse de divertissements secrets, pour égayer les heures passées dans les chambres aux tentures multicolores - non loin des rumeurs, et momentanément à l'abri des catastrophes du monde. Seule, ou avec un amant parfait, et pour le meilleur face au pire. Les amateurs de fantasy retrouveront tous les ingrédients qui ravissent l'imaginaire de bien des lecteurs d'aujourd'hui. Précédent Suivant < Retour < Vers les auteurs < Vers les éditeurs

  • L'oiseau bleu d'Erzeroum

    Éva a lu pour vous .. Chroniques littéraires L'oiseau bleu d'Erzeroum Ian Manook Albin Michel 7 avril 2021 544 pages Historique biographique Chronique 10 août 2021 Dédicaces « Aux enfants de toutes les diasporas, qui enrichissent de leur culture celle qui les accueille. Que leurs différences s'ajoutent, plutôt que de s'exclure. À tous les personnages de ce roman, qui, d'une façon ou d'une autre, ont existé dans ma vie. Et à tous ceux qui, dans la vraie vie, sont mes personnages préférés..... À moi ! » Tout est là, la gravité, la profondeur, la gratitude, l'honneur, l'honnêteté et l'humour toujours, l'élégance ultime face à l'indicible. Grâce à Ian Manook, cela ne reste justement plus indicible. « Ceci est l'histoire romancée de mes grands-parents, à partir du récit que ma grand mère n'a jamais pu achever, tant l'horreur de ce qu'elle avait vécu finissait par l'étrangler de sanglots. Pour sa mémoire, et celle de toutes les autres victimes, je n'ai pas voulu occulter la violence du génocide dans le temps. La déportation d'Araxie a duré plus de six mois, et je lui ai accordé le nombre de pages qui me semblent juste pour en témoigner. » Tout de suite, pour ceux qui ont écouté ma lecture ou pour vous qui me lisez maintenant, je tiens à dire que ce texte essentiel, courageux, éprouvant, précis quant aux atrocités physiques, mentales subies par les Arméniens, quant aux faits, cependant édulcoré de deux scènes de massacre à la demande de l'éditeur, ne verse jamais ni dans le trash ni dans le pathos. Ce n'est pas le style de l'auteur, mais on ne peut faire comprendre ce génocide encore nié par les autorités turques, sans nous placer au centre de l'horreur, nous la faire voir, toucher, ressentir par nos cinq sens. Tous les témoignages ou récits rédigés avec bravoure et sérieux par les victimes ou leurs héritiers concernant les génocides rwandais, des Etats Baltes, des juifs d'Europe, du Vietnam, de Corée etc, etc, ne peuvent faire l'impasse sur la description aussi fidèle que possible de ce que durent supporter les survivants et les morts. La responsabilité de faire entendre leurs voix pourrait être tétanisante mais pourtant ces auteurs, je pense aussi à Ruta Sepetys, font le grand saut vers l'horreur, de celle qui touche encore les enfants et les petits enfants des victimes dans leurs corps, leur psyché, leur vie. Ces tragédies dûes à la folie effarante de certains psychopathes continuent à empoisonner en écho, génération après génération, des destins, la mémoire du sang, de la chair étant plus vivace et insidieuse que celle de l'esprit. Alors des armes infaillibles de destructions massives existent pour reprendre la main : la création, faire passer la lumière, créer la beauté, rire, faire perdurer les traditions, transmettre les recettes de cuisine, les chants, les poèmes, la culture, partager le raki et lever son verre en criant : Guenatz !!!! Ce roman testimonial est également une épopée incroyable, extraordinaire de Erzerum jusqu'à Meudon pour certains, Istambul, Smyrne, New York pour d'autres, Erevan ou Moscou... C'est une plongée terrifiante sur les lieux de massacre, dans les maisons, les champs, les campagnes, les villes, les déserts, à en perdre la raison, à rester en apnée frappé de sidération.... Et puis soudain, l'humour féroce teinté de dérision d'un personnage de vieille femme prenant Araxie et Haïganouch sous son aile alors que l'ignominie les entoure, nous fait reprendre espoir, nous redonne la force, car nous sommes devenus ces deux sœurs.... La force de vie, de résistance de ces martyrs qui aujourd'hui nous transmettent le flambeau de la vérité et de la responsabilité de l'avenir de notre planète, est immense, incommensurable. En nous faisant suivre Araxie mais aussi un américain, trois jeunes Arméniens, une jeune Turque, une Allemande et son père, nous voici projetés dans un roman historique, d'amour, d'amitié, d'aventure, d'espionnage, de guerre, d'étude sociale et politique jusqu'aux portes grandes ouvertes sur le deuxième conflit mondial. C'est un livre édifiant, profondément humain, magistralement mené, merveilleusement rédigé qui remplit amplement son rôle de passeur de lumières. La famille de Patrick Manoukian devient nôtre et pour ma part je reste impatiente d'en suivre le destin encore sur une génération. Splendide travail de mémoire, témoignage bouleversant d'amour, une oeuvre incontournable. Entendez-vous ce chant ? C'est celui de l'oiseau bleu.... Il revient.... Quatrième de couverture « [...] un grand roman d'aventures doublé d'un récit poignant [...] » Paris Match L'odyssée tragique et sublime de deux petites filles rescapées du génocide arménien. 1915, non loin d'Erzeroum, en Arménie turque. Araxie, dix ans, et sa petite soeur Haïganouch, six ans, échappent par miracle au massacre des Arméniens par les Turcs. Déportées vers le grand désert de Deir-ez-Zor et condamnées à une mort inéluctable, les deux fillettes sont épargnées grâce à un médecin qui les achète comme esclaves, les privant de leur liberté mais leur laissant la vie sauve. Jusqu'à ce que l'Histoire, à nouveau, les précipite dans la tourmente. Séparées, propulsées chacune à un bout du monde, Araxie et Haïganouch survivront-elles aux guerres et aux trahisons de ce siècle cruel ? Trouveront elles enfin la paix et un refuge, aussi fragile soit-il ? C'est autour de l'enfance romancée de sa propre grand-mère que Ian Manook, de son vrai nom Patrick Manoukian, a construit cette inoubliable saga historique et familiale. Un roman plein d'humanité où souffle le vent furieux de l'Histoire, une galerie de personnages avides de survivre à la folie des hommes, et le portrait poignant des enfants de la diaspora arménienne. Précédent Suivant < Retour < Vers les auteurs < Vers les éditeurs

  • Matrices

    Éva a lu pour vous .. Chroniques littéraires Matrices Céline Denjean Pocket 23 février 2023 496 pages Thriller Polar Chronique 7 mars 2022 « Prisonnières jusqu'à ce que la vie naisse dans leur ventre. » Le tout premier opus « La Fille de Kali» m'a fait pressentir que cette autrice serait un grand nom de la littérature noire contemporaine grâce à son talent indéniable, son honnêteté morale, son indignation face à certaines dérives de notre société et du monde, sa capacité à remettre inlassablement l'ouvrage sur le métier dans un souci d'excellence, sa puissance de travail et ses doutes qui désignent le véritable artiste. On retrouve l'obsession de Céline Denjean pour tout ce qui concerne l'embrigadement sectaire, politique, religieux, grâce à la manipulation de l'opinion publique et de psychés fragiles par des êtres narcissiques, pervers, indignes, cyniques. Elle fait alors preuve d'un don pour l'analyse psychiatrique de ces malades, elle les dissèque au scalpel avec intransigeance. Cette dénonciation prend d'autant plus de force qu'elle s'inscrit dans un récit bouleversant sans aucun pathos facile, sans trash vulgaire et indécent. Là où d'autres surjouent leur partition, l'écrivaine préfère le tact, l'élégance, au service de la vérité des faits, des sentiments, par respect pour les victimes réelles, inspirations de maintes fictions sanglantes et racoleuses. L'empathie de Céline Denjean affleure en permanence entre les lignes, elle qui fut éducatrice spécialisée, rendant ce thriller policier des plus réussis, encore plus humain et pertinent. Un polar vif, un scénario parfaitement conduit et bâti à partir d'une documentation solide, des retournements de situation qui nous bousculent, des dialogues ciselés et enlevés, un souci du détail et un besoin de vérité quand tout n'est que mensonge et exploitation des âmes et des corps. Tour à tour émue, choquée, passionnée, haletante, j'ai aussi été bluffée par la beauté de certains passages, où l'amour de l'écrivaine pour sa région explose. Le style littéraire s'est affermi, s'est singularisé. L'autrice traite donc, d'une part, du thème de la manipulation de la pensée sur le plan religieux et politique, en particulier du rapprochement contre nature entre un certain catholicisme intégriste misogyne et patriarcal et des courants néo nazis, phénomène actuel des plus inquiétants jusqu'au Vatican. D'autre part, dans cette lignée, elle aborde le sujet au combien d'actualité du viol de l'intégrité corporelle des femmes, toujours et encore, depuis que les premières religions matriarcales ont disparu remplacées par le règne du mâle dominant, toutes civilisations confondues. La capacité d'enfanter est pour certains hommes un affront à leur supériorité autoproclamée. Ils mettent alors tout en œuvre pour avoir la main mise sur ce miracle de la nature, ce "pouvoir" des femmes. Un marché lucratif s'organise autour des matrices, des ventres, surfant sur le désespoir de certains couples stériles. Un vivier fertile est à disposition dans les pays pauvres, sur le Continent Africain... trafiquants de corps, sur place et en Occident, y trouvent leur bonheur. Mais c'est sans compter avec la colère des femmes, leurs capacités de résilience, de résistance, leur force originelle. Le tandem de gendarmes, Louise et Violaine, en est un parfait exemple, qui ne lâchera rien lors de cette course poursuite contre la montre. Louise y puisera-t-elle le courage d'affronter sa propre histoire ? Un thriller dense, puissant, inspiré, qui ouvre les portes à une réflexion élargie sur ce monde et les moyens de l'améliorer. Sur l'équilibre à trouver, sur les rôles que l'on nous force à jouer, sur ce diktat insupportable de la maternité imposée, seul mètre étalon de la réussite en nos sociétés. Merci à l'autrice pour son engagement et sa passion. Quatrième de couverture Jusqu'où la folie humaine est-elle prête à tendre pour assouvir un désir d'enfant ? Le nouveau thriller de Céline Denjean. En plein mois de décembre, une terrible tempête se déchaîne sur les Pyrénées. Sous la pluie battante, une jeune femme enceinte qui court à perdre haleine est percutée par une camionnette. Avant de mourir, elle murmure quelques mots en anglais : " Save the others. " Qui est cette femme sans identité ? Que cherchait-elle à fuir ? Que signifie la marque étrange sur son épaule ? Et qui sont ces autres qu'il faudrait sauver ? Les gendarmes Louise Caumont et Violaine Menou se lancent alors dans une enquête hors-norme. Au fil de leurs investigations se dessine la piste d'un trafic extrêmement organisé. Dès lors, les enquêtrices comprennent que l'horloge tourne pour d'autres femmes, sans doute prisonnières quelque part, et dont la vie ne tient plus qu'à un fil. Cet ouvrage a fait partie de la sélection pour le Prix de la Ligue de l'Imaginaire. Précédent Suivant < Retour < Vers les auteurs < Vers les éditeurs

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