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Éva a lu pour vous ..

Chroniques littéraires

Zao, un mari

Myriam Dao

Editions des Femmes Antoinette Fouque

12 janvier 2023

144 pages

Historique

Chronique

12 janvier 2023

Texte court et dense, mise-en-page très soignée, mots choisis avec patience et pertinence, extrême délicatesse à décrire l'intimité d'un couple, finesse d'analyse d'une société colonisatrice en perdition, en mutation, souci de comprendre sans juger sans pour autant éviter la violence de certaines situations, de certaines pensées.


Le tableau complet ne se révèle qu'à la dernière ligne : toutes les pages, tous les termes sont autant de touches de peinture ou plutôt de couches de laque sur une oeuvre de Thanh Ley. Un couple franco-vietnamien créé à partir d'un désir irrépressible des corps dans la chaleur moite de l'Indochine, né de la volonté inconsciente de remplir des vides en soi, de redorer sa propre image en se regardant dans les yeux de l'autre.


La fracture de ce duo dissonant est prévisible d'autant plus à l'annonce d'une naissance dans une France raciste et rancunière des années 1950. Mais pour spécifique que soit ce couple, le texte revêt également une portée universelle car leur échec n'est pas seulement imputable aux origines ethniques éloignées mais aussi à des éléments qui, pour tout mariage, peuvent mener à la ruine.


La violence ordinaire que subissent Zao, le vietnamien, et l'épouse française, en tant qu'étranger et femme, auraient dû les rapprocher. Alors pourquoi n'ont-ils pas pu faire front ensemble ? Pourquoi la nature humaine est-elle toujours de vouloir dominer l'autre, de hiérarchiser la société, de créer des castes, d'appliquer des discriminations à l'infini ?

Pourquoi ?


Un livre glaçant d'une justesse douloureuse et terrifiante. Un texte passant de la lumière éblouissante à une noirceur abyssale avec parfois des éclairs d'espoir bien vite disparus.

Qui être lorsque l'on est l'enfant né de ce couple ? Et plus largement, que peut devenir une société qui ne regarde pas son passé colonial avec honnêteté, qui n'accepte sa nature multi-culturelle et multi-ethnique que si brusquement certains se révoltent et exigent l'égalité de traitement en tant que citoyens français, et une correction de l'Histoire nationale transmise aux générations futures.


J'ai été particulièrement sensible à ce texte ma famille ayant vécu en Indochine jusqu'en 1963 pour ensuite revenir en urgence en France. Puis ce fut l'Afrique... Je suis toujours cette enfant venue d'ailleurs aux horizons plus vastes que ceux des gamins de métropole ; je pose sur la société française un regard critique (en positif ou négatif), analytique et je m'étonne qu'au sein de la famille ou à l'échelle du pays, la reconnaissance des responsabilités, des crimes liés à la colonisation ou au système du protectorat n'aille pas de soi. Je m'étonne aussi du silence des Français dont l'origine ethnique est asiatique et en particulier vietnamienne et cambodgienne. Plus de textes, tels que celui-ci, doivent être diffusés. L'invisibilité et le silence doivent prendre fin.

Quatrième de couverture

Zao est un ancien colonisé de famille aisée, elle, une très jeune femme blanche d'un milieu pauvre. La rencontre a eu lieu en Asie dans l'empire colonial. Paris, où ils s'exilent, va devenir le décor de la décrépitude du couple. Face à un racisme "ordinaire", Zao perd son statut social et se mure. Sa femme rêve à la fois de liberté et de rentrer dans la norme, mais se confronte à une terrible misogynie. Obnubilés par leurs tragédies personnelles, les deux personnages avancent l'un contre l'autre, jusqu'à devenir l'enfer de leur partenaire. À travers le couple et à l'intersection des dynamiques de race, de classe et de genre, Myriam Dao propose une exploration des mutations qui traversent la société française au tournant des années 1950. Extrait : « Une ou deux fois on l'avait invitée à partager un café, mais elle hésitait à accepter de peur qu'au bout de cinq minutes de conversation ils ne découvrent sa situation véritable. Mais, après tout, pourquoi ne pas franchir le pas, prendre sa vie en main et quitter son mari ? Elle y pensait depuis longtemps. Son chef lui avait fait des avances, et, une après-midi, elle fut à deux doigts de lui confier ses rêves de partir loin. Mais tout ça, c'était sans compter avec la poisse. » Myriam Dao.

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