
Éva a lu pour vous ..
Chroniques littéraires
Vera
Karl Geary
Payot & Rivages
2017
254 pages traduites par Céline Leroy
Romance
Chronique
28 avril 2018

Titre original « Montpelier Parade » là où habite Vera.
« Tu rêvais d'être le héros qui la sauverait, même avec tout ce que tu ignorais d'elle. »
Livre totalement adapté à une journée grise, pluvieuse et déprimante. Roman d'amour dramatique.... On est là pour pleurer, préparez les mouchoirs.
Je ne sais pas si certains écrivains sont persuadés que la beauté réside dans le pathos, pour moi ce n'est pas le cas. J'ai été très touchée pourtant par le jeune garçon, que l'auteur tutoie, pour induire plus d'empathie.
Sonny semble condamné dès le départ : surtout ne pas espérer s'élever, rêver à un autre avenir que celui que ses parents, son milieu modeste, sa famille et ses amis et toute la société bien pensante fonctionnant selon un système de caste, lui imposent de facto.
Mais dès qu'il lèvera les yeux sur Vera, une cliente de son père maçon, il sera en quelque sorte en son pouvoir, raide dingue, et pourtant rien ne devrait rapprocher ces deux êtres diamétralement opposés par leurs origines sociales, élèvant un mur infranchissable pour tous, sauf pour eux. Ajoutons l'âge, l'éducation, d'autant plus qu'elle est anglaise, dans un Dublin noyé en permanence sous la pluie. Pleurons !
Franchement pas une publicité pour l'Irlande, on dirait que tout est écrit d'avance, prédestiné. La description des manœuvres employées par tous pour éloigner Sonny de Vera, les dialogues de mise en garde contre cette adulte, anglaise forcément aux intentions douteuses, sont hallucinants. Tous sont contre, tous sont incapables d'imaginer, que peut-être, cette rencontre pourra élargir l'horizon de Sonny, que peut-être, cette rencontre a eu lieu parce que Sonny était différent d'eux.
Une scène frappante dans la National Galery illustre parfaitement la terreur de Sharon, une de ses potes, voulant que surtout il reste du bon côté de la barrière, pauvre, inculte, sans avenir réel.
(Je trouve cette vision de ce microcosme irlandais un peu caricaturale : être modeste ne rime par forcément avec lutte de classe, ignorance, manque de culture, ou absence d'ambition. Quand on est curieux et intelligent, rien n' empêchera jamais de lire, d'apprendre, d'ouvrir son esprit. Je n'ai pas réussi à déterminer l'époque non plus.)
Je dirais donc que Sonny est un alien pour sa famille, son entourage ; il se jette dans cette histoire d'amour entièrement, sans peur, généreusement, en écoutant personne, comprenant qu'un mal secret ronge Vera et que le temps est compté.
Je n'ai pas été emportée, mais j'ai trouvé cette histoire très juste, cruelle et incisive ; Dieu quel égoïsme de la part de tous les intervenants, même Vera, surtout Vera ! Je me plais à penser que les dernières lignes sont bien ce que je crois, et là je suis coincée, je ne peux m'expliquer, car il y a risque de trop en dire. Quant à l'analyse sociologique, je l'aurais voulu un peu plus nuancée. Par dessus tout, ce récit est tellement triste... Déjà je ne suis pas très romance, mais si en plus je pleure, non ! À noter aussi des dialogues réussis, teintés de désespoir ironique, caustiques, drôles et parfois très tendres. Je suis donc mitigée. Et la pluie continue à tomber derrière mes fenêtres....