Éva a lu pour vous ..
Chroniques littéraires
Valentine ou le temps des adieux
Theresa Révay
Belfond
2002
663 pages
Historique
Chronique
24 décembre 2018
Lu la version Pocket.
Je lis au dos « (Une) saga digne des romans russes qui nous emmène aux confins de l'Oural. » Jérôme Béglé du Figaro littéraire.
Effectivement, c'est la réflexion que je me suis faite en cours de lecture : l'âme slave, le souffle du destin, le dramatisme y font penser d'autant plus, lorsque nous nous retrouvons en Sibérie dans des villages éloignés où la vie est dure et simple dans une nature inviolée, ou lors du siège de Stalingrad ou à l'arrivée des Russes à Leipzig.
Également ce roman, débutant en 1921 et se prolongeant sur près de cinquante ans, est encore l'occasion idéale pour l'auteur de faire un tour d'horizon de l'Europe, dans certains pays pendant l'entre-deux guerres puis lors du nouveau conflit mondial, à Paris, à Leipzig, et tous les lieux où se tiennent les grandes foires des fourreurs.Car Valentine Despresle en cette belle journée vient de s'unir à André Fonteroy, héritier de la célèbre Maison Fonteroy, fourreurs de père en fils, possédant une demeure à Montvallon, un appartement à Paris évidemment dans les beaux quartiers et la Maison mère où les collections de manteaux, étoles, blousons, plaids en fourrure sont imaginés, créés, vendus à une clientèle richissime.
Un nouvel univers pour Valentine, blasée, insensible, faisant ce que son père et la société attendent d'elle. Rien ne la passionne, elle n'aime personne, quelque chose est cassée en elle, orpheline de mère, et surtout en deuil de son frère adoré, son héros mort sur les champs de bataille de la der des der. Depuis elle ne croit plus en rien, laissant errer sur le monde un regard glacé et vide.
André, un ami de son frère, est réellement amoureux de Valentine et sait qu'il va devoir l'aimer pour deux. Celui-ci a la lourde charge de gérer et diriger avec son père la Maison Fonteroy ; normalement son frère Léon aurait dû être à ses côtés mais celui-ci après un premier voyage au Canada auprès des trappeurs, a disparu dans le nord de la Russie où il poursuivait sa quête de lui-même. Plus aucune nouvelle, André est piégé à Paris, pensant que son frère poursuit une vie de liberté, débarrassé des obligations familiales.
Nous allons suivre ce couple, découvrir la vie des ateliers et du magasin, des artisans, des amis fourreurs ou banquiers, faire la connaissance de leurs enfants Camille et Maxence.À mes yeux, certes nous commençons notre lecture et la finissons avec Valentine, mais la deuxième figure centrale de ce roman est Camille, reprenant le flambeau de son père à la Maison Fonteroy, acte subversif puisqu'un héritier mâle existe. Mais ce dernier est comme son oncle Léon, il brûle de partir et de fixer le monde sur des photographies.
Ainsi pourrons-nous suivre les évènements tragiques en France mais aussi en Allemagne, en Russie, et même à Budapest. La folie de cette période emporte et détruit des innocents, des résistants, des victimes des différents dictateurs. Un point essentiel à mes yeux est l'héritage de malheur et d'incapacité à témoigner de son amour aux siens, à ses proches, aux enfants, passant de génération en génération comme une maladie génétique. Camille espère désespérément un signe d'affection de Valentine, totalement et douloureusement handicapée. Cette inaptitude est au centre de ce récit, tétanisant et affligeant de douleurs indicibles tous les acteurs de ce roman. Comment vont-ils pouvoir se libérer de cette malédiction afin de vivre enfin pleinement ?