Éva a lu pour vous ..
Chroniques littéraires
Une rose seule
Muriel Barbery
Actes Sud
19 août 2020
157 pages
Roman
Chronique
10 novembre 2020
Rose en a très gros sur le cœur. Comme si une lourde pierre était posée sur sa poitrine l'obligeant à vivre à moitié, en apnée. Elle a grandi auprès d'une mère dépressive, une grand-mère qui faisait tout pour alléger la vie, et l'ombre d'un père japonnais absent. Donc aimer, faire confiance, cela lui est impossible. Peu à peu, elle se fossilise, devient une adulte-enfant de quarante ans toujours en colère qui perd une énergie folle à ne rien ressentir. Même ses études et son métier focalisés sur les plantes ne la ramènent pas vers le côté clair, palpitant de l'existence. Elle est comme ces jardins zen où les végétaux auraient été oubliés dans la composition. Mais voilà, déjà orpheline de mère, sa grand- mère vient de disparaître également.... Puis un notaire la contacte, son père, ce grand inconnu, est décédé, enterré, mais elle est son héritière. C'est donc une gamine en colère dans un corps d'adulte que nous retrouvons en ce début de roman à Kyoto se réveillant dans la maison paternelle. Tout n'est que beauté, simplicité, dépouillement.... Comme ce livre onirique, aussi perturbant qu'il est réconfortant, tout en aridité et exubérance, en asphyxie et respiration, alliant minéralité et luxuriance, contrôle et abandon, contemplation et trépidation, comme la ville, comme un jardin de temple bouddhiste, comme la Vie. De pierre, rose devient fleur qui s'ouvre peu à peu aux sentiments, à l'armistice après cette guerre intérieure menée contre des ombres. Son guide, Paul, belge installé au Japon depuis vingt ans, assistant du père marchand d'art contemporain, suit le plan de visite imaginé par le défunt pour ramener sa petite fille vers la lumière et la paix. Beau roman poétique, impressionniste et oriental de par sa philosophie et son atemporalité... Des contes et légendes introduisent chaque chapitre renforçant le lien à l'enfance, à sa sagesse instinctive.... À découvrir...