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Éva a lu pour vous ..

Chroniques littéraires

Une femme

Sibilla Aleramo

Editions des Femmes Antoinette Fouque

15 avril 2021

176 pages, traduites par le collectif de traduction des éditeurs des femmes

Biographie

Chronique

14 juin 2021

Splendeur ! Autobiographie romancée de 1906 alors que l'autrice a réussi à sauver sa peau en sacrifiant la personne qui lui tient le plus à coeur, son fils. C'est aussi au nom de l'amour immense qu'elle lui porte, pour l'adolescent, l'adulte qu'il sera, qu'elle va se libérer des entraves d'un mariage violent pour devenir l'individu qu'elle sait pouvoir être. Pour en arriver à cette solution insupportable, laisser son enfant avec son époux, celle qui se nomme encore Rina Faccio analyse tout d'abord, sans concession ni auto-appitoiement, son parcours, de la petite fille à la post adolescente, de Milan à Civitanuova. Elle recherche les signes avant-coureurs de la tragédie maternelle, les indices qui aurait pu l'aider à comprendre les relations entre ses parents, à pouvoir juger son père bien-aimé à l'aune de ses actes et de ses trahisons. Il ne fait pas bon être une femme dans cette Italie du XIX ème siècle d'autant plus dans cette bourgade reculée où il n'y a rien à faire pour une jeune épouse abandonnée au milieu de nulle part avec ses quatre enfants. On assiste à la chute de cette mère, piégée par une union désespérante à l'heure où les hommes ont tout pouvoir. Rina, aveuglée par l'admiration et la passion qu'elle voue à son père, s'éloigne de sa mère, la catalogue, la réduit à son malheur sans essayer de comprendre les raisons de cette dépression. Elle évoque la violence de son géniteur, son autorité dictatoriale sur sa famille, sur les employés de l'usine qu'il dirige... De plus, il consacre à son aînée une attention particulière, faisant en sorte qu'elle étudie, qu'elle l'assiste. En pleine confusion psychologique, la fillette puis l'adolescente pense avoir supplanté sa propre mère dans le cœur de son père. Celui-ci avec un art consommé de la manipulation divise pour mieux régner et écraser sa femme... C'est sans compter avec l'intelligence prodigieuse de Rina qui peu à peu va découvrir le secret honteux qui tue sa mère ... Comment alors ne pas comprendre les décisions prises ensuite par Rina, trop vite, dans une sorte d'état second, juste après LE viol subi par cette jeune fille de quinze ans, qui gardera le silence, sidérée et culpabilisée. Le criminel est un employé de son père qui la courtise alors qu'elle travaille à l'usine déjà depuis quelques temps, se mêlant aux ouvriers, éveillant sa conscience sociale. Déjà la future protectrice des plus modestes apparaît en filigrane en même temps que la vérité sur son père lui explose au visage. Son sentiment d'injustice s'éveille quant au statut des femmes dans cette société misogyne et patriarcale. Son mariage malheureux à seize ans, reproduction inconsciente de celui de ses parents, avec cet homme d'origine sociale modeste, d'intelligence et de culture inférieures va finir de mener Rina Faccio à analyser sa vie, celle de millions d'italiennes, et la porter peu à peu à s'indigner et se révolter... Le déménagement de son couple avec leur petit garçon Walter à Rome permet à Rina de s'affranchir de certaines limites, de se faire connaître comme chroniqueuse pour plusieurs magazines ou revues, de rencontrer des intellectuelles et des artistes de tous horizons. Ainsi le champ des possibles s'élargit, son talent naissant est reconnu, sa soif de liberté et son désir de défaire son mariage s'affirment. Remarquablement, Rina devenue Sibilla Aleramo, tout en usant de figures de style propres à l'époque, ose raconter son quotidien de femme battue, dénigrée, violée par son mari. Leur petit garçon comprend tout, est témoin également de cette maltraitance, de cet acharnement d'un homme sur une femme. La mère qu'elle est pressent les dommages que tout ceci peut avoir sur l'individu qu'il sera. Elle a conscience également qu'elle ne peut plus nier sa nature profonde d'écrivain, d'artiste. Son féminisme grandit, ses yeux s'ouvrent sur la réalité du sort fait à toute la population féminine, toutes classes confondues, tant socialement que juridiquement. Elle n'est rien ! Mais elle veut être tout ! Un ultime retour douloureux à Civitanuova, son mari reprenant le poste de directeur de l'usine laissé vacant par son père avec la jouissance de la maison où elle a grandi, sera finalement un bien pour un mal car enfin, elle qui a tenté de se suicider, qui n'aspire qu'à disparaître tant son existence auprès de son bourreau devient insupportable, tombe sur un trésor, des lettres de sa mère... Un parcours douloureux presque insurmontable, un choix cornélien final, je m'interroge évidemment sur ce que devint son fils après le départ de sa mère, comment ont évolué leur relation... A-t-il réussi sa vie ? Être une femme à part entière, actrice de cette société, libre de ses choix, travaillant, faisant carrière tout en ayant des enfants n'est toujours pas simple aujourd'hui, sans oublier les millions de femmes battues, maltraitées, violées, assassinées, mises plus bas que terre au sein de leur couple mais pas seulement. N'être réduite qu'à notre apparence, notre capacité à faire des enfants, qu'à être insultée, harcelée par des mâles dits dominants et attaquée par certaines femmes collaboratrices du système patriarcal est toujours d'actualité. Nous réduire au silence n'est plus permis aujourd'hui, c'est pourquoi je suis particulièrement admirative de Sibilla Aleramo qui mena une lutte inégale et réussit au prix de sacrifices exorbitants à se libérer de ses chaînes au début du XXe siècle. Gratitude pour toutes nos aïeules qui se sont battues pour nous. Soyons dignes d'elles !

Quatrième de couverture

Une femme, autobiographie romancée d’une écrivaine italienne qui a marqué la première moitié du XXe siècle, continue, de génération en génération, à fasciner par sa modernité. Sa traduction française fut, en 1974, l’un des quatre premiers livres publiés par les éditions des femmes-Antoinette Fouque.
Dans un milieu provincial superstitieux et étriqué, qui ne laisse aucune chance aux femmes, la narratrice lutte pour son indépendance intellectuelle et affective, contre un mari tyrannique, brutal et veule. C’est au prix – terrible – du renoncement à son fils qu’elle échappera à la violence et deviendra une femme libre et active.
Michele Placido a tiré de ce livre un film présenté en mai 2002 au Festival de Cannes, avec Laura Morante.
« Nous avons toutes, à un certain moment de nos vies, la conscience de ce que celle qui nous a donné le jour a fait pour notre bien, et, avec cette conscience le remords de ne pas avoir compensé l’holocauste de cette femme bien-aimée qu’était notre mère. Alors nous reversons sur nos propres enfants ce que nous n’avons pas donné à nos mères, en nous reniant nous-mêmes pour offrir un nouvel exemple d’anéantissement et de mortification. Si une bonne fois la chaîne fatale venait à se briser et qu’une mère refuse d’étouffer en elle la femme, afin qu’un fils apprenne par son exemple ce qu’est la dignité ? » S. A.

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