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Éva a lu pour vous ..

Chroniques littéraires

Un jour j’irai à Sagres

Nélida Piñon

Editions des Femmes Antoinette Fouque

26 mai 2022

480 pages traduites par Didier Voïta et Jane Lessa

Historique

Chronique

1 juin 2022

Bien que ce récit se situe au XIXe siècle et que cela soit reprécisé plusieurs fois, j'ai la sensation d'avoir lu un texte du XVe siècle avec cependant une évocation du grand séisme de Lisbonne en date du 1er novembre 1775 resté dans toutes les mémoires.Surtout dans celle de notre héros qui, lui aussi, a subi un tremblement de tout son être dans son enfance et ne s'en est jamais remis.


Petit-fils de paysan, bâtard d'une prostituée qui le laisse dès après sa naissance à son grand-père, élevé avec tendresse et rigueur par celui-ci et éduqué, par chance, par un précepteur ami de l'aïeul au nom Ô combien évocateur de Vasco de Gama, (l'immense navigateur lui-même affilié au grand poète Luís de Camões marquant ces pages de sa présence tutélaire), il était prévisible que le petit garçon devenu jeune homme se réfugierait dans l'histoire de l'Infant Henrique le navigateur... Partir de son village nordique pour rejoindre Sagres, port de tous les possibles, de tous les voyages, de l'oubli de soi devient son obsession... « J'irai à Sagres » devient leitmotiv...


Il y a beaucoup de Don Quichotte poursuivant ses fantasmes et son impossible amour dans ce personnage de Mateus, sans Sancho Panza juste un chien baptisé évidemment Infant.


Mateus court après lui-même, cherche à se libérer du poids de son enfance : il veut effacer une tâche que lui seul voit, il se focalise dessus, il se dévalorise en permanence quant à sa virilité et les désirs naturels qui en découlent, il se juge coupable dont ne sait quoi, et partout où il va, de la province du Minho en passant par Lisbonne pour enfin atteindre la fantasmée Sagres, par delà les mers même, il ne trouve jamais grâce à ses propres yeux.

L'affection ou l'amour qu'on lui porte, il ne les voit pas se concentrant sur ce qu'il ne peut atteindre...


Ce texte est un voyage autant géographique qu'intérieur, nous plongeant dans les circonvolutions complexes de la pensée de Mateus qui cherche à toucher à une certaine vérité, à s'accomplir en s'inspirant de ses héros dont les actes et les œuvres ont fait la gloire et la fortune du Portugal.

Pourra-t-il enfin trouver la paix ? Pourra-t-il comprendre qu'il n'est coupable de rien ? Réussira-t-il à accepter la tendresse que les autres veulent lui témoigner ? Pourra-t-il vivre sa vie et non plus la rêver ? Ne plus s'excuser d'être qui il est ?


Texte déchirant d'une quête sans fin...

Quatrième de couverture

A la fois roman d’action et roman d’un flux de conscience, ce récit, de forme autobiographique, est un voyage dans un Portugal de la deuxième moitié du XIXe siècle.
Le narrateur, Mateus, y retrace son existence marquée par un traumatisme affectif initial. Une action structurée autour de trois lieux : Le village pauvre de la province du Minho, à l’extrême nord du pays où il a passé son enfance auprès de son grand-père. Lisbonne où il se confronte aux modes de vie de la grande ville. Sagres, dans l’Algarve, destination mythique qui hante ses rêves depuis l’enfance, cité située entre l’Afrique et l’Europe, à l’extrême pointe du Portugal et du continent européen, choisie par l’Infant Henrique (Henri le Navigateur) pour y fonder une école navale et en faire la base de départ des expéditions qui permettront la constitution de l’empire mondial portugais.

« Tout triste rebelle que je suis, j’attribue des formes informes aux miettes de pain éparpillées sur la table. Alors que j’apprécie les produits de la terre, il n’y en a pas beaucoup chez moi, je me nourris pour ainsi dire de petites bricoles. Pourtant sans eux, je ne serais pas ici, sur cette colline de Lisbonne, une des sept existantes, que je parcours en m’appuyant aux murs pour ne pas tomber. Après avoir quitté les terres de mon grand-père et m’être établi à Lisbonne, à Sagres, et puis dans le monde, c’est ici que je suis revenu.
Qui suis-je sans les ruines des villes humaines et sans les bribes de mon existence ? Qui suis-je sans ces histoires, mes décombres ? Je vis avec une parcimonieuse économie. Les pièces de monnaie que j’ai dans la poche nourrissent à peine mes rêves. Les restes d’un travail presque esclave, des voyages où jadis nous autres Portugais nous étions passés maîtres. » N.P.

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