
Éva a lu pour vous ..
Chroniques littéraires
Un hiver pour s'écrire
Angeles Doñate
Calmann-Lévy
Novembre 2019
334 pages traduites par Catalina Salazar
Roman
Chronique
16 mars 2021

Un très très beau roman d'amour et d'amitié, profondément touchant, émouvant sans être mièvre, humaniste et inspirant l'espoir en l'entraide et l'action de groupe. On finit ce texte très bien écrit, malgré les erreurs de frappe et les coquilles, avec le cœur plus gros, rempli d'envie.... « Impossible » est un mot à rayer définitivement de votre vocabulaire.
À l'origine de cette fiction, une réalité sociale dans les petites localités, touchant également maintenant les villes : la fermeture des bureaux de poste, un peu partout, que nous vivons très difficilement au quotidien et qui peut, vraisemblablement, mener à la mort d'un village et à la désertification d'une région. Un phénomène des plus néfastes sous le fallacieux prétexte que les gens ne s'écrivent plus. Je ne sais pas comment cela fonctionne en Espagne où se situe l'action, mais cela signifie en fait que toute personne n'ayant pas un ordinateur se retrouve démunie, sans moyen de communiquer, en danger de fracture sociale. Cela signifie aussi que la distribution du courrier n'est faite qu'une à deux fois par semaine puisqu'il n'y a plus de facteurs. Enfin, cela induit que sans bureau de poste, plus d'accès direct, en France, aux comptes bancaires postaux pour une grande partie des personnes les plus âgées, non équipées informatiquement. Une aberration et une injustice totale en matière d'égalité des droits de tous, quelque soit le niveau social ou l'âge, et concernant l'accès à l'information et à son courrier, rapidement. Les facteurs perdent leurs emplois, les usagers sont mis en difficulté sans possibilité de s'opposer à cette régression que l'on dit faussement induite par le progrès des moyens de communication.
J'ai eu un grand plaisir littéraire mais aussi un véritable émoi en lisant cette si belle histoire au scénario complexe, étonnant, où les fils des différentes destinées s'entremêlent pour finalement constituer une étoffe à la trame solide et à l'aspect moiré tout en nuances.
Un roman qui fait du bien psychologiquement et je le répète qui n'a pas une once de mièvrerie, préférant mettre en avant la tendresse, la solidarité et l'amour avec délicatesse, justesse et humour. Une analyse également sans concession de l'évolution de notre société, accumulant souvent les aberrations dans une course effrénée au rendement et à l'efficacité.
Toute une philosophie de vie à revoir.
Gros soupir de contentement !!!!
Vivement conseillé !
« Toutes les lettres d'amour sont ridicules.
Ce ne serait pas des lettres d'amour si elles n'étaient pas ridicules.
Moi aussi, à une époque, j'ai écrit des lettres d'amour
Ridicules, comme les autres. Les lettres d'amour, si amour il y a,
Doivent être ridicules.
Mais au bout du compte, seuls ceux
Qui n'ont jamais écrit de lettres d'amour
Sont vraiment ridicules.
Si seulement je pouvais retrouver le temps où j'écrivais
Sans le savoir des lettres d'amour ridicules La vérité, c'est, qu'aujourd'hui mes souvenirs
De ces lettres d'amour sont ridicules. (
Tous les mots accentués comme les sentiments accentués sont naturellement ridicules.) »
Fernando Pessoa, Poèmes d'Álvaro de Campos, Éditions Christian Bourgeois, 2001,
Traduit du portugais par Patrick Quillie