Éva a lu pour vous ..
Chroniques littéraires
Un appartement à Paris
Guillaume Musso
XO Editions
30 mars 2017
464 pages
Divers
Chronique
18 septembre 2017
Guillaume Musso est un drôle de zèbre, ( clin d'œil ), raison pour laquelle j'ai toujours un peu peur de commencer un de ses livres. L'un me transporte, le suivant me laisse perplexe, je ne suis donc pas fan quoiqu'il arrive, mais toujours prête à être enthousiasmée. Bien m'en a pris pour ce tout dernier thriller entre Paris, Barcelone, New York.
On retrouve avec plaisir les descriptions de la capitale et du XIVE arrondissement, le New York bien aimé de l'auteur, sur une période très courte et symbolique du 21 au 25 décembre 2016. Fête pour la célébration de la naissance d'un enfant, car évidemment le thème récurrent pour cet auteur de la parentalité est à nouveau au centre de cette course-poursuite, sur fond de noir et blanc, dans un monde qui se perd dans ses zones de gris infinis, sans jamais trancher. Or les deux héros de ce récit sont plutôt manichéens, plus proches du noir et du désespoir que de l'optimisme et la pureté du blanc.
Pas facile donc l'existence pour Gaspard Coutances, dramaturge à succès venu écrire comme d'habitude à Noël à Paris, une énième pièce annuelle bien grinçante et pessimiste dont raffole le public, s'en remettant à son agent pour toutes les questions matérielles de son séjour.
Mais pour Madeline Greene, ancienne flic anglaise, l'arrivée dans cette ville à laquelle pourtant elle prête des vertus de résilience, sous la pluie en gare du nord un jour de grève généralisée est aussi un cauchemar. Heureusement elle a loué une maison près de la rue du Cherche-Midi, sur cours, ancien atelier d'un peintre célébrissime Sean Lorenz, décédé un an auparavant d'une crise cardiaque à New York. Un vrai coup de foudre atteint la jeune femme dès l'entrée dans les lieux dédiés à l'art, la lumière, la couleur. Après une Expérience de Mort Imminente, de ce passage du noir à l'extrême blanc, Madeline se sent arrivée dans cette maison comme dans un havre où se reconstruire.
Au même moment, le pauvre Gaspard voit sa haine du genre humain s'accroître de minute en minute en sortant de l'aéroport. Tant bien que mal il réussit à rejoindre, non sans avoir acheter une caisse de grands crus sur le chemin, la maison extraordinaire sélectionnée par son agent, où il va pouvoir se terrer pour écrire sa pièce et se saouler consciencieusement.
Mais voilà, tout d'un coup une jeune femme nue enroulée dans une serviette apparaît dans le salon, c'est Madeline ! Ils ont loué la même maison !
Début savoureux digne d'un succès de théâtre de boulevard. Madeline se précipite chez celui qui lui a établi son bail, M. Benedik, galériste, qui se trouve être l'héritier et l'exécuteur testamentaire de Sean Lorenz.
En parallèle Gaspard fait en quelque sorte la connaissance de l'artiste par le biais des photos et d'une biographie illustrée.
Chacun de son côté va apprendre le destin fulgurant, magnifique puis dramatique de ce génie qui a tout perdu au moment de l'assassinat de son fils. M. Benedik charge Madeline de reprendre son métier en enquêtant sur la disparition des trois dernières toiles du maître.
Étonnamment, les deux colocataires par défaut vont unir leurs forces et leurs talents respectifs dans cette quête.
Évidemment c'est aussi après une forme de guérison et de rédemption qu'ils vont courir. Ils sont au bout d'un certain chemin, sont ils capables de bifurquer et d'en prendre un autre ?
Ce roman noir et au fur et à mesure de l'action de plus en plus terrifiant, est également passionnant quant à la description du principe même de création artistique, plus spécifiquement ici celle du peintre.
-" Les artistes....ne cherchent pas à représenter, ils présentent. Ils ne dépeignent pas, ils peignent pour reprendre une expression de Soulages."
- Ou encore " l'art est un mensonge qui nous fait comprendre la vérité"
- et enfin " Le noir est une couleur en soi, qui résume et consume toutes les autres." selon Henri Matisse.
Mais ne dit-on pas aussi que le blanc est la somme de toutes les couleurs ? Noir et blanc sont indissociables. C'est la leçon que devront comprendre notre tandem afin de revenir à la couleur.
Très beau thriller artistique sombre et lumineux, que j'ai lu quasiment d'une traite.
Un bémol, Picasso souvent cité n'est pas, si ma mémoire est bonne, catalan mais espagnol né à Malaga. Et puis l'orthographe des noms lors du passage de Madeline à Barcelone est étrange. Ce sont des détails.
J'aurais voulu une couverture moins girly, bien qu'en noir et blanc bien sûr, car ce texte n'est pas léger, n'est pas une romance. C'est d'ailleurs toute sa force. Merci aux éditions XO pour la clarté de la police très agréable à lire.