
Éva a lu pour vous ..
Chroniques littéraires
Teigneux
Daniel Kraus
Fleuve
2018
318 pages traduites par Axelle Demoulin et Nicolas Ancion
Thriller
Chronique
28 avril 2018

Titre original « Scowler », Collection Outre Fleuve
Point de départ :
« Entre le 23 et 24 août 1981, au moins trois gros météorites sont tombés dans le sud-est de l'Iowa. Une prison, une ferme et un pont ont été endommagés par les impacts. De plus petits fragments sont encore régulièrement découverts de nos jours. »
C'est un thriller possédé, onirique, surnaturel, psychologiquement hallucinant, oscillant entre amour exclusif, tendresse, terreur, jusqu'à l'horreur. Celle-ci est justifiée. Les descriptions sanglantes et plus, imageant avec brio le ressenti d'une victime habitée par la souffrance du passé, par un désir de vengeance, de violence inouïe primaire, sont vertigineusement évocatrices. On sent le courant dans la nuque en décharge fulgurante à l'instar de Ry. Une victime dont la personnalité soudain se fractionne en une trinité, pour supporter l'indicible.
Les pages sont tournées vite, très vite, et on pense à de grands noms de la littérature américaine : un livre fabuleux, j'ose le dire, écrit avec un immense talent ; je salue d'ailleurs la qualité de la traduction, la musique du texte permettant une lecture à haute voix.
Je suis bluffée, mon bibliothécaire m'a imposé ce roman, ne me laissant aucun choix, il fallait que je le lise en exclusivité, il n'était pas encore mis sur les étagères. Quel cadeau ! Rarissime de découvrir une fiction d'une telle puissance, d'une noirceur maîtrisée et d'une lumière bienfaisante et salvatrice. Tout est à comprendre comme métaphore, l'illusion n'est que l'illustration des traumatismes intérieurs, certains êtres surnaturels, du domaine enfantin, des représentations de la psyché du personnage principal. Et soudain, nous sommes bouleversés, en apnée.
Neuf ans sont passées depuis une nuit cauchemardesque pendant laquelle Ry Burque, âgé de 10 ans, a fui dans la forêt la folie meurtrière de son père Marvin.
Il a dû sa survie à trois êtres d'exception : les innommables.
Aujourd'hui, un décompte est lancé, on attend un signe du ciel sous la forme de météorites, c'est surtout Sarah, la petite sœur qui trépigne à l'idée d'assister à l'événement.
Il fait chaud, l'ambiance est électrique, la communication difficile entre Jo la mère et son fils, toujours à fleur de peau, la cicatrice sur son front l'empêchant d'oublier.
Mais le départ de la ferme est proche, celle-ci ne leur permettant plus de survivre comme au temps du père, en prison depuis neuf ans.
Les innommables sont partis, au grand dam de Ry, mais bientôt ils reviendront, et le plus dangereux des trois plantera ses dents acérées et laissera s'exprimer toute sa fureur.
Je signale une scène finale d'anthologie entre Ry et Marvin, qui me marque à vie. Wouah !
Le matin du départ, Ry, entend une voix fredonner, le cauchemar recommence...