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Éva a lu pour vous ..

Chroniques littéraires

Sorcières - La puissance invaincue des femmes

Mona Chollet

Zones

2018

229 pages

Essai

Chronique

30 janvier 2019

« Inutile d'adhérer à WITCH,

Si vous êtes une femme

et que vous osez regarder à l'intérieur de vous-même,

alors vous êtes une sorcière. »

Manifeste WITCH (Women's International Terrorist Conspiracy from Hell), New-York, 1968.


Alors je suis certainement une sorcière !


Je pensais à tort que les bûchers étaient éteints, que nous étions au XIX ème siècle et que le recours au mot de sorcières pour qualifier les femmes indépendantes, instruites, célibataires, libres de penser et de débattre, de procréer ou non, de subvenir seules à leurs besoins, de choisir leurs partenaires sexuels, était passé de mode. Et là stupéfaite, je constate le retour à la Renaissance après un Moyen-Âge éclairé : lors des dernières élections présidentielles pour Hillary Clinton, voilà l'émergence de nouvelles insultes et courants de pensée nauséabonds recréés de toutes pièces par des hommes évidemment ayant peur de perdre leurs pseudo virilité supérieure et, plus grave, par des " femelles" rêvant encore de passer de la tutelle de leur père ou famille à celle de leur mari, totalement dépendantes financièrement, sans réelle formation, ayant pondu plusieurs héritiers du nom paternel puisqu'elles ne sont qu'un ventre à qui on demande seulement d'être le faire- valoir de leur seigneur et maître, de créer et entretenir un foyer douillet pour toute la nichée et surtout de ne pas remettre en cause une hiérarchie immuable, intouchable. Caricatural ? Si seulement !


J'ai passé six ans d'enfer à cause d'une de ces femmes au foyer, sans aucune instruction secondaire, (quelques fois elles sont diplômées mais se sont volontairement mises au service de leurs conjoints, sans penser aux lendemains qui déchantent), cette appelons-la "Odile", pleine de rancoeur sitôt ses quarante ans sonnés, contre son mari, qu'elle émascule régulièrement auprès de ses amies, contre ses trois enfants pour lesquels elle dit s'être sacrifiée, justifiant pendant vingt ans sa débine face aux réalités de la société, victime de tous, elle bien sûr innocente de la moindre erreur de jugement, qui face à une femme de son âge, célibataire, sans enfant par choix, surdiplômée, reconnue de ses pairs, lauréate de concours internationaux, polyglotte et cosmopolite, curieuse, indépendante financièrement et moralement, libre de choisir un compagnon, un avenir, de créer, de chanter, d'être visible et applaudie par un public conscient du travail et de l'abnégation qu'il a fallu pour arriver à un tel niveau d'excellence, oui face à ça, Odile étouffe de haine meurtrière, fomente un harcèlement moral aidée de spécimens de son acabit, de son eunuque d'époux. Cela s'est terminé à la police avec quatre heures d'audition pour chaque harceleur et un procès gagné en janvier 2018. Reste une vie à reconstruire et la connaissance approfondie que certaines femmes sont des ennemies à la cause féminine, même si elles achètent « Causette » dès sa sortie en kiosque, histoire de faire croire que....


Pour une « femelle » qui a décidé d'être enfermée dans un rôle passéiste par fainéantise, par incapacité intellectuelle ou autre, la vue d'une telle Femme est une insulte, une gifle, elle doit la faire disparaitre, l'anéantir. Même si elles ont un travail en plus de toutes leurs tâches de mère et épouse au foyer, celui-ci doit répondre aux critères de féminité acceptables. Journaliste dans des magazines féminins propageant l'image de la pute ou de la mère, entre les deux pas grand chose, incitant les femmes à procréer car voyons, nous sommes des utérus et des ventres sur pattes avant toute autre chose. Dans le cas d'Odile, femme de ménage dans l'immeuble même de sa famille, grâce à la pitié condescendante des siens. Même des intellectuelles sont incapables dans leurs écrits ou leurs déclarations d'imaginer une féminité différente sans obligatoirement cocher les cases du fameux tableau qu'on nous a imposé à notre naissance.


Donc je suis une sorcière heureusement pas résidente dans certains régions d'Afrique, d'Inde, où là nos sœurs risquent le bûcher, d'être passées à l'acide, d'être lapidées. Non, je suis en Europe où des femmes meurent tous les jours sous les coups de leurs conjoints. Les bûchers ont simplement été remplacés, le mot" sorcière" réactualisé. Complètement fou. Un autre point est très justement soulevé : nous devons également nous méfier de nous-mêmes, de notre syndrome de Pavlov à répondre à certains stimuli par un comportement d'obéissance à des valeurs paternalistes. Cela demande une vigilance de tous les instants.


Oui, ce livre est rude, sans concession, honnête, complet sur la condition féminine d'hier et d'aujourd'hui, sans complaisance pour les autres ni pour nous-mêmes. Un texte remarquable, compact, très détaillé et construit. Respirez, plongez.... ! Que de chemin nous avons encore à parcourir tous ensemble !

Quatrième de couverture

Tremblez, les sorcières reviennent ! disait un slogan féministe des années 1970. Image repoussoir, représentation misogyne héritée des procès et des bûchers des grandes chasses de la Renaissance, la sorcière peut pourtant, affirme Mona Chollet, servir pour les femmes d'aujourd'hui de figure d'une puissance positive, affranchie de toutes les dominations.
Qu'elles vendent des grimoires sur Etsy, postent des photos de leur autel orné de cristaux sur Instagram ou se rassemblent pour jeter des sorts à Donald Trump, les sorcières sont partout. Davantage encore que leurs aînées des années 1970, les féministes actuelles semblent hantées par cette figure. La sorcière est à la fois la victime absolue, celle pour qui on réclame justice, et la rebelle obstinée, insaisissable. Mais qui étaient au juste celles qui, dans l'Europe de la Renaissance, ont été accusées de sorcellerie ? Quels types de femme ces siècles de terreur ont-ils censurés, éliminés, réprimés ? Ce livre en explore trois et examine ce qu'il en reste aujourd'hui, dans nos préjugés et nos représentations : la femme indépendante - puisque les veuves et les célibataires furent particulièrement visées ; la femme sans enfant - puisque l'époque des chasses a marqué la fin de la tolérance pour celles qui prétendaient contrôler leur fécondité ; et la femme âgée - devenue, et restée depuis, un objet d'horreur. Enfin, il sera question aussi de la vision du monde que la
traque des sorcières a servi à promouvoir, du rapport guerrier qui s'est développé alors tant à l'égard des femmes que de la nature ; une double malédiction qui reste à lever. "

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