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Éva a lu pour vous ..

Chroniques littéraires

Skeleton Road

Val McDermid

Flammarion

2018

454 pages traduites par Perrine Chambon et Arnaud Baignot

Polar

Chronique

21 avril 2018

« La géographie est une question de pouvoir. Bien qu'on la juge souvent innocente, la géographie du monde n'est pas un produit de la nature, mais le fruit de luttes entre des puissances concurrentes pour obtenir le pouvoir d'organiser, d'occuper et d'administrer l'espace. » Gearoid O Tuathail, Critical Geopolitics.


En effet, et les hommes se retrouvent écrasés par le rouleau compresseur de l'Histoire, celle qu'on veut bien nous raconter partiellement. Les faits, les circonstances sont changés pour coller à une réalité de pacotille, qui ne souffre pas un examen plus approfondi.


« Bobards.

Je disais que si nos dirigeants n'aiment pas tellement parler des Balkans, c'est qu'on a vite fait d'avoir une vision manichéenne de la situation.... Personne n'a les mains propres dans ces conflits. Ni les croates, ni les Albanais, personne. Ils étaient tous capables du pire.... »


Les Balkans, vite oubliés et pourtant ! Une guerre aux accents moyenâgeux, vengeance de siècles en siècles, mémoire qu'on ranime en permanence comme on gratterait les croûtes d'une plaies pour ne jamais cicatriser. Loi du Talion frappant les coupables mais aussi les innocents au passage, dommages collatéraux.


Un coucher de soleil magnifique sur le port crétois de La Canée. En terrasse, il fait bon siroter un fond de Metaxa sept étoiles pour cet homme d'une soixantaine d'années, large d'épaules et avant-bras musculeux. Quelques kilos en trop trahissent le relâchement bien heureux dans lequel se prélasse ce retraité. Il s'en va enfin pour rejoindre son appartement. Soudain, une voix lui murmure un nom à l'oreille qu'il n'a plus entendu depuis des années, trop tard, de la gorge tranchée jaillit le sang, éclaboussant tout sur son passage, emportant avec lui les cris des victimes...


Presqu'au même moment, dans le centre historique d'Édimbourg, Fraser Jasmine arrive sur les toits de la John Drummonds School, abandonnée depuis vingt ans, et bientôt restaurée pour créer des logements étudiants. Fraser doit donc inspecter le bâtiment et la maçonnerie, et malheureusement pour lui sujet au vertige, également ce fichu toit. Arrivé au troisième pinacle, ce qu'il voit le terrifie, plus que le vide... Un squelette abandonné depuis des années.


C'est l'inspectrice Karen Pirie de l'Unité des Affaires Historiques, flanquée de son adjoint balourd, l'inspecteur Jason Murray, qui est chargée de l'affaire. Celle-ci les mènera à Oxford et en Croatie, dès que l'identité de la victime, tuée d'une balle dans la tête, sera établie. Elle les conduira aussi dans le royaume des morts, des monstres, dans un monde où des criminels de guerre restent impunis pendant que leurs proies crient toujours d'effroi du fond de leur cauchemar ou de leur tombe.


Et puis il y a la figure presque théâtrale de l'amante, la femme, l'épouse, qui telle une gente dame attend le retour de son beau Chevalier depuis huit ans, lorsqu'il a disparu de sa vie, d'Oxford où ils vivaient heureux, tournés vers l'avenir.


Ce policier est un des plus réussi et bouleversant de Val McDermid, touchant à un drame indicible, indescriptible qu'on pensait impossible 45 à 50 ans après la seconde guerre mondiale : l'histoire tragique aux couleurs Shakespeariennes des Balkans.


L'auteure s'appuyant sur les travaux de deux femmes exceptionnelles, Kathy Wilkes, professeur de philosophie à St Hilda's College à Oxford, et du professeur Sue Black, Directrice du centre d'anatomie et d'identification humaine à l'Université de Dundee, peut déployer tout son talent pour émouvoir, effrayer et révolter son lectorat.

Toutes deux sont allées sur le terrain, l'une pour enseigner, ayant donc vécu le siège de Dubrovnik, ayant témoigné par ses écrits de ce qui se déroula vraiment dans cette zone de guerre, dont une rue de la ville reconstruite porte aujourd'hui son nom, et l'autre, médecin légiste anthropologue dirigeant l'équipe médico-légale britannique envoyée au Kosovo par le ministère des Affaires étrangères sous l'égide des Nations unies.


Combien d'horreurs, d'atrocités ont été perpétrées dans les années 90, qu'ont elles dû voir et répertorier pour que justice soit faite au Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie ?

Les comptes-rendus de ces deux héroïnes de l'après guerre œuvrant pour la mémoire des disparus ont inspiré l'auteure.

C'est donc une fiction quant à l'enquête elle-même, parfaitement menée et maîtrisée jusqu'au bout par l'écrivaine, mais également un récit d'une valeur historique et humaine indiscutable. On sent l'implication personnelle et l'émotion de Val McDermid entre les lignes de ce thriller.

L'écriture limpide, claire sans pathos inutile, ajoute à la dramaturgie. Les victimes se tiennent dignes, souvent silencieuses face à l'inexprimable.


L'espoir reste en cette nouvelle génération connectée aux autres, via les fameux réseaux sociaux si souvent décriés, qui pourtant rendent l'autre si proche, si semblable. La technologie luttant contre l'obscurantisme d'un autre âge, vieux seulement de 25 à 30 petites années.

Quatrième de couverture

Des ouvriers découvrent les restes d’un cadavre au sommet d’un immeuble du centre historique d’Édimbourg. À qui appartient ce squelette, et comment est-il arrivé jusque-là ? C’est à l’inspectrice Karen Pirie qu’est confiée la résolution de l’énigme. Entre passé et présent, elle va devoir s’enfoncer plus loin qu’elle ne l’aurait cru dans l’histoire tragique des Balkans, là où couve encore la violence de crimes de guerre inavoués.
Val McDermid signe ici un polar sombre, puissant et parfaitement maîtrisé, hanté par le souvenir sanglant des guerres de Yougoslavie des années 1990.

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