Éva a lu pour vous ..
Chroniques littéraires
Sadorski chez le docteur Satan
Romain Slocombe
Robert Laffont
Le 26 septembre 2024
512 pages
thriller policier et historique
Chronique
3 décembre 2024
LE PIRE DES SALAUDS, LE MEILLEUR DES ENQUÊTEURS
" - Que voulez-vous dire ?
- Rien... Qu'on ne sait pas, quand on remue la base du fond, ce qui montera à la surface... "
Georges Simenon, Le Voyageur de la Toussaint
" Entre la Toussaint et l'Avent, attends-toi à pluie et vent. " Dicton
" À chaque jour suffit [sic] ses horreurs... " Alphonse Boudard, La Cerise (en argot la cerise signifie la poisse, la malchance).
Après " La Trilogie des Collabos" 1942-43, " La Trilogie de la Guerre civile" 1943-44, voici le premier opus d'un nouveau triptyque intitulé La "Trilogie des Damnés" 1944-45.
À venir : Tome 2, "Les Revenants de l'inspecteur Sadorski", et Tome 3, "Sadorski et la mort subite".
Les chroniques concernant les six premiers épisodes consacrés à l'effroyable inspecteur Sadorski sont à votre disposition sur Évanances littéraires.
Ainsi le revoilà cet anti-héros par excellence, cet enquêteur hors pair doublé d'un collabo des plus haïssables, symbolisant à lui seul tout ce dont a été coupable cette France pétainiste, antisémite, si longtemps niée.
Je me souviens, après avoir lu le tout premier tome, " L'Affaire Sadorski ", avoir écrit que je ne pouvais pas dire que j'avais aimé ce texte basé sur des archives et des recherches faramineuses concernant un personnage réel, Louis Sadosky, dont s'était inspiré l'auteur.
Je réitère ma déclaration d'alors pour ce septième épisode. Je n'aime pas ce livre justement parce qu'il est encore sidérant et effroyable de pertinence, parce que c'est un grand roman réaliste sur un sujet totalement terrifiant : la banalité du Mal, de l'inhumanité, l'absence totale de conscience, d'empathie.
Notre époque étant des plus anxiogènes, nos écrans saturés d'horreurs et de crimes, nos dirigeants d'un cynisme détestable, et nous rabaissés au statut de simple statistique, sachant qu'aucune leçon du passé ne semble digérée ni comprise, la découverte de ce nouvel opus réussi et percutant de Romain Slocombe s'accompagne d'un profond malaise et, en même temps, d'une réelle gratitude pour le courage dont il fait preuve en mettant les mains dans les ordures afin de déterrer la vérité. On sent l'inquiétude malgré l'humour, l'ironie, la cocasserie de certaines scènes, on sent le désespoir face à l'aveuglement.
Depuis le début, on attend le moment où Sadorski va s'avouer vaincu, va recevoir enfin le châtiment qu'il mérite... Impossible qu'il s'en sorte éternellement et, par extension avec lui, tous les autres monstres...
C'est, je crois, ce qui me choque le plus.
L'auteur pousse le curseur encore plus loin en
imaginant la rencontre improbable entre le Docteur Petiot, tueur en série effroyable sous l'Occupation dont le nom nous fait encore trembler, et Sadorski.
Celui-ci va-t-il enfin trouver son maître ?
Ou cette confrontation va-t-elle lui donner un nouvel élan et l'inspirer quant à l'élaboration d'un nouveau coup fumant, rémunérateur, d'un nouveau crime sur l'humanité ?
Acide, caustique, pertinent, diablement efficace, superbement intelligent et tellement dérangeant, ce septième épisode est un des plus percutants de la série. À lire le cœur bien accroché.
Remerciements envers l'auteur : je ne sais pas comment vous pouvez ainsi affronter la noirceur, mais je suis persuadée de l'importance de votre œuvre.