Prix Escargot Noir 2025 - Salon du Polar de Sens

"J'aime qu'on me plonge dans une atmosphère baroque, j'aime que l'imagination jaillisse de l'intrigue. Je me fiche pas mal d'y entendre les échos de la vie quotidienne." 

John Dickson Carr, Trois cercueils se refermeront 

Depuis la Trilogie de Bayard, on sait la passion d'Éric Fouassier pour les codes, énigmes, casse-têtes. On ressent donc le plaisir qu'il a pris à nous concocter ce récit crépusculaire où tout n'est qu'illusion et tours de sorcier. 

Ce roman est un bel hommage à tous ces auteurs oubliés ou passés à la postérité, adeptes des mystères ou énigmes en chambre close ; l'intrigue de cette forme particulière de roman policier tourne le plus souvent autour d'un meurtre commis dans une pièce hermétiquement fermée, d'où l'assassin n'a pu s'échapper après le crime.

Éric Fouassier relève le défi et pousse le curseur encore plus loin puisque trois meurtres vont être perpétrés de cette façon dans notre cas : l'un dans le cockpit d'un avion, le deuxième dans un mausolée, le troisième dans une chambre. 

On retrouve la sensation délicieuse du frisson et du suspens comme à la lecture de certains ouvrages de Edgar Allan Poe, Eugène Chavette, 

G. K. Chesterton, Gaston Leroux...

La plupart des énigmes en chambre close appartiennent à la catégorie du whodunit (contraction de « Who [has] done it? » litt. « qui l’a fait ? »).

Vous connaissez certains des nombreux auteurs de whodunit devenus célèbres : Conan Doyle, Jacques Futrelle, Edgar Wallace, Agatha Christie (Le Crime de l'Orient-Express, etc.), Elizabeth George, Stieg Larsson... Pour ne citer qu'eux. 

Mais plus que le "qui a commis le crime ?", Éric Fouassier veut que le "comment le tueur s'y est pris ?" devienne notre obsession. Mission réussie car effectivement cette question lancinante ne nous quitte pas du début à la fin de ce thriller historique fantastique, mené de main de maître. 

La presque totalité du récit est un huis clos se situant dans une maison en Picardie dans la région de la Somme, défigurée par les bombardements et les batailles de la Première Guerre mondiale. Quinze ans après les faits dramatiques, presque toutes les traces de l'horreur ont disparu si ce n'est dans la mémoire et les âmes tourmentées des protagonistes. 

Il suffit d'un détail, d'un minuscule incident pour que tout bascule et que la vérité refasse surface. 

Il suffit d'un pauvre pigeon voyageur mort retrouvé dans une conduite de cheminée pendant des travaux pour que tout l'échafaudage de mensonges construit par le meurtrier menace de s'effondrer et que les voix des victimes se remettent à chuchoter. 

Alors que la France écoute la TSF et les chansons gouailleuses d'un Maurice Chevalier, un message d'outre-tombe est extrait de la bague métallique passée à la patte du volatile. Soudain, des nuages noirs obscurcissent l'horizon en même temps que le dossier classé concernant la mort énigmatique d'un jeune pilote, Albert Saulx, émerge des ténèbres. 

Une silhouette furtive et évanescente en robe blanche réapparaît, réclamant justice. 

L'hiver s'installe alors que cinq hommes et une jeune femme se retrouvent bloqués par la neige dans un manoir isolé de tout. Le moment est venu de rendre des comptes aux morts comme aux vivants. 

À lire dans le noir à la lueur d'une bougie, ambiance parquet qui craque, sensation de courants d'air dans la nuque et portes qui claquent. Frissons garantis. 

Challenge réussi cher Éric Fouassier ! Comme toujours.