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Éva a lu pour vous ..

Chroniques littéraires

Porca Miseria

Tonino Benacquista

Gallimard

6 janvier 2022

208 pages

Biographie

Chronique

27 juin 2022

Beau, beau, beau.

Un petit garçon devenu adulte nous raconte son enfance, sa famille, ses douleurs et ses joies, ses difficultés à l'école, à lire, ses sœurs, le grand frère, le père ivre, sa mère mélancolique et dépressive, les films italiens, et enfin l'entrée dans le monde merveilleux de la littérature grâce à Cyrano de Bergerac de Edmond Rostand puis Une vie de Maupassant.


« Lire c'est entrer dans une cathédrale. Écrire c'est y mettre le feu. Lire c'est un patriarche qui vous veut du bien. Écrire c'est une petite traînée qui n'en fait qu'à sa tête. Lire c'est l'excellence des autres. Écrire c'est l'insuffisance de soi. » P. 147


On découvre un gamin avec un sacré sens de l'observation et de l'humour, une faculté de distanciation et donc d'analyse de toute cette smala, un jeune homme d'une grande maturité. Petit dernier de la famille resté seul avec des parents totalement défaillants et en conflit permanent, il se réfugie dans son imagination ou avec ses copains dehors dans cette banlieue où tous les ritals se retrouvent et recréent une petite Italie avec nostalgie. Mais lui, il ne se sent pas italien, il est français né en France. Encore un point de divergence avec son entourage, avec sa mère qui n'attend que de retourner auprès de ses sœurs et qui du coup ne vit pas sa vie en France campée sur ses positions, ou ce père issu d'une famille de voyageurs qui ne sait pas s'il a eu raison d'émigrer en France.


« Mes amis d'alors, eux-mêmes auteurs de polars, me surnomment affectueusement le rital. Tous ayant de grandes affinités avec le pays de Dante, ils s'étonnent que je ne revendique pas plus mon italianité et inventent pour moi une pathologie rare : la dénégation péninsulaire. » P. 152


Tonino imagine ce que leur vie aurait pu être s'ils étaient partis en Amérique ou s'ils étaient restés en Italie.... Auraient-ils été plus heureux ? Déjà le gamin est scénariste, déjà il sait qu'il veut écrire même s'il ne lit pas assez. Est-ce par loyauté envers ses géniteurs incultes et analphabètes qu'il s'empêche de ce plonger dans des romans extraordinaires qui auraient pu l'aider à surmonter le quotidien ?

En surface, il est lisse, imperturbable, mais quelques années après, la violence du chagrin et de la peur ressortira soudain sous forme d'une agoraphobie qui lui faudra dompter pour pouvoir reprendre sa vie d'écrivain et de scénariste


« Si on m'avait cité alors la phrase d'Oscar Wilde : il y a deux tragédies dans la vie, l'une est de ne pas vivre ses rêves, l'autre est de les vivre, j'aurais rétorqué que nul n'est à l'abri d'une ineptie. » P. 172


Un livre bouleversant, drolissime, entre larmes et éclats de rire, beau à couper le souffle de n'importe quel adulte gardant en lui une part de la gravité de l'enfant qu'il fut. L'écriture, les images sont splendides... Certaines scènes mythiques de par leur qualité cinématographique. Magnifique biographie romancée d'un homme affublé par sa mère d'un surnom et non d'un prénom comme Antonio peut-être pour l'obliger à ne pas se prendre pour qui il n'est pas, pour l'obliger à se souvenir de qui il est, un gamin dont les parents italiens ont émigrés en France..... Une malédiction au départ, un héritage lourd à porter qui peu à peu s'est transformé en trésor pour lui comme pour nous ses lecteurs.

Grazie mille Tonino Benacquista !

Quatrième de couverture

Porca miseria est l’histoire d’une famille, celle de Tonino Benacquista. De ses parents, Cesare et Elena, émigrés italiens arrivés en banlieue parisienne dans les années 50. De sa fratrie, dont il est le benjamin, et le seul à être né en France. Il y retrace son enfance à l’ombre d’un père ouvrier à l’usine, qui noie son amertume dans l’alcool, et d’une mère déracinée, éprouvée par l’exil. Toutefois il est question ici avant tout d'une conquête, souvent drôle et inattendue, celle de la culture et de la langue françaises, non par la lecture, mais par le farouche besoin d'écrire. "Ma patrie, c'est la langue française", disait Camus. En racontant le devenir d’un jeune autodidacte que la fiction sauvera des affres du réel, Tonino Benacquista signe un récit des origines d’une humanité poignante.

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