
Éva a lu pour vous ..
Chroniques littéraires
On la trouvait plutôt jolie
Michel Bussi
Presses de la Cité
12 octobre 2017
464 pages
Thriller divers
Chronique
18 novembre 2017

C'est un beau livre déjà en tant qu'objet avec ce bleu sombre irisé, cet argent, cette chouette en relief en couverture presque enfantine. Cette lune et ce soleil pour marquer le passage de l'obscurité amie de l'oiseau nocturne à la lumière. Une impression d'ouvrir un volume des contes et légendes africaines, où l'histoire d'une petite fille puis d'une femme et enfin d'une mère nous est narrée. Les parfums épicés des jeunes années m'ont soudain à nouveau entourée de leur protection.
Cela commence ainsi, de la magie, de la tendresse, de la poésie rien que dans le titre et le prénom de l'héroïne ; de l'humanisme toujours, nous sommes dans l'univers de fausses vérités, de douceur amère, de nostalgie de Monsieur Bussi, un univers aussi très féminin où le courage est de mise pour affronter la vie, les autres, le mal toujours et encore.
" Qu'est-ce qui ne va pas, Leyli ? Vous êtes jolie, vous avez trois jolis enfants, Bamby, Alpha, Tidiane. Vous vous en êtes bien sortie. "
Apparences que tout cela, un mauvais sortilège a été lancé sur cette famille et sur cette guerrière opiniâtre au destin comme une déesse antique perdant et retrouvant la vue, bien obligée alors de regarder la vérité en face.
Ce moment là du récit m'a encore coupé les pattes, comme dans " Les Nymphéas noirs". Je n'ai rien vu venir et au fur et à mesure que le stratagème prodigieux de l'auteur m'était révélé, je sentais mon admiration grandir. Encore une fois, un magistral tour de magie.
Ce récit est un hommage à tous les réfugiés, migrants, exilés de la terre, que nous avons été, que nos aïeux furent nécessairement, que nous serons peut-être obligés de devenir.
La brutalité des faits, l'inacceptable cruauté des passeurs, des profiteurs de tous ces voyageurs précaires et fragiles, l'innommable mort par noyade dans cette Méditerranée qui pour certains est un lieu de plaisir et pour d'autres un immense cimetière marin, où nul ne peut venir se recueillir sur les tombes, condamnant à un deuil sans fin insoutenable.
Et pour les rescapés, le cauchemar concocté soigneusement par notre administration française bien vicieuse, bien retorse, histoire de continuer la torture de la terreur au ventre, du manque, de la solitude.
Tout commence banalement, Leyli habite dans un tout petit logement au septième étage d'une tour de Aigues douces, les trois enfants dans la chambre, elle sur un clic clac dans le salon. Après plusieurs années de lutte courageuse, elle obtient un CDI dans un hôtel comme femme de ménage. C'est sa chance et celle des enfants pour demander à l'agence de HLM un plus grand appartement, au moins 60m2. Tout se passe bien, les nuages s'éloignent enfin.
Au même moment, le corps d'un représentant de commerce est découvert dans un hôtel, une trace de prise de sang et les veines des poignets sectionnées.
" Du désert sahélien à la jungle urbaine marseillaise, en quatre jours et trois nuits.... "
Poignant, dérangeant, paniquant, bouleversant, remarquable en un mot . Et la chanson de Pierre Perret tourne sans fin....
