Il est toujours bouleversant et sidérant de soudain découvrir dans le texte d'une autre une phrase si juste, une analyse si incroyablement pertinente, de se voir soi dans une inconnue, car quelle que soit notre origine ethnique, nous sommes si semblables et en même temps si singuliers. 

Ce troisième recueil proposé par le Parlement des écrivaines francophones après "Toi, ma mère" en 2024 et "Corps de fille, corps de femme" en 2023, tous parus aux Éditions des femmes Antoinette Fouque, aborde le sujet de l'exil. Mais lequel ? 

Avec infiniment de respect, d'honnêteté, de courage et de délicatesse, ces 20 femmes d'exception réussissent à évoquer leurs/nos blessures émotionnelles, encore à vif ou presque cicatrisées, touchant à un exil géographique ou intime. 

Exil, expatriation, exfiltration, exit, ex-il, exclusion, expérimentation, extraordinaire.... Qu'il soit imposé ou espéré, qu'il soit prémédité, préparé, ou dans l'urgence pour une question de vie ou de mort, qu'il soit un écho de la migration d'un parent ou expérience personnelle, dans toute sa multiplicité, il est révolution, bouleversement, source d'interrogation, de souffrance mais aussi de joie, de nostalgie, de tristesse, de manque, d'allégresse, de liberté et de métamorphose bienvenue. 

De celle qui a fui son pays en raison de sa pauvreté, à cause des menaces d'un régime dictatorial, pour atteindre une indépendance ; de celle qui fut exilée de son propre corps, de sa propre féminité par la mère, la famille ; de celle qui se mit dans les pas de ses parents pour comprendre son sentiment d'appartenance à plusieurs pays, plusieurs langues, plusieurs mondes ; de celle adoptée en Suisse venue de Corée en équilibre sur une frontière entre ses deux univers ; de celle qui mesure le bénéfice que représente finalement ce qui fut arrachement, abandon insupportable. 

Exils vécus dans sa chair, dans son cœur, exils imaginés, fantasmés, traversés par d'autres mais résonnant pourtant dans nos vies, exils assénés comme une condamnation par un groupe, une famille, un pays en raison de notre indépendance, notre différence, considérées donc comme dangereuses pour le maintien d'un certain ordre... 

Je me suis reconnue dans plusieurs textes, portraits. Ils forment tous ensemble une vérité universelle, ils nous rassemblent, au moment où la mondialisation sensée abattre les frontières géographiques arbitraires ou du cœur, ne fait qu'exacerber la discrimination au sein même des sociétés où entre les pays.

 Alors que la politique migratoire est au centre de toutes les préoccupations, alors que la version officielle de l'Histoire est remise en question, tant parce qu'elle a oublié la moitié de la population mondiale, les femmes, dans le récit, que parce qu'elle ne s'est attachée qu'à la vision des sociétés sédentaires au mépris de l'apport incommensurable des nomades à nos civilisations, écrire sur l'exil est fondateur et fondamental. Comprendre d'où l'on vient, ce qu'on vécu nos aïeux, pour mieux construire demain, pour élargir notre horizon, pour comprendre intimement que l'autre est nous.