Éva a lu pour vous ..
Chroniques littéraires
Nos années sauvages
Karen Joy Fowler
Presses de la Cité
21 avril 2016
368 pages traduites par Karine Lalechère
Roman
Chronique
16 avril 2020
Karen Joy Fowler obtient le prix PEN/Faulkner Award 2014 pour ce roman (« We Are All Completely Beside Ourselves »).
Trois raisons pour lire ce livre :
- Un retour à l’enfance lumineux et bouleversant qui nous rend ce récit très personnel. Il touche à un intime universel.
- Une écriture sensible, magnifique, drôle et bouleversante.
- Une sensibilisation à la cause animale et un appel à la responsabilité citoyenne.
Il était une fois deux soeurs, un frère et leurs parents qui vivaient heureux tous ensemble. Mais...... la grande soeur de Rosemary, Fern, disparaît quand elle a cinq ans, et dix ans plus tard son frère Lowell s'en va sans explication, et elle reste seule avec les parents. Que s'est-il passé? Rosemary nous fait partager son parcours qui fera d'elle un être humain ou plus justement comme l'a dit Fern surtout un ÊTRE ; elle va avec brillance, humour, ironie, pudeur nous illuminer par ses souvenirs encore si présents de ces moments avec son frère et sa soeur, à cinq ans, quinze ans, 22 ans.
Quelque fois nous avons le privilège, la chance inouïe de découvrir un livre qui certes, raconte l'histoire d'un personnage, mais qui surtout nous raconte notre propre histoire et nous permet de suivre un chemin initiatique nous menant à la connaissance, ou la reconnaissance plutôt, de nous-mêmes. Nous en sortons bouleversés, émus aux larmes, renoyautés.
Trois rendez-vous avec le destin à 3 âges d'une femme, Rosemary, en acceptation d'elle-même.
Je pleure rarement en lisant, mais là je fus chamboulée pour mon plus grand bien, car c'est un texte si bien écrit, si juste, le ressenti de la petite fille, dont tous les sens sont en éveil, m'étant si personnel. Tout le monde peut être concerné par ce retour à l'enfance. Sa parfaite honnêteté se traduit par le fait qu’elle s’embrouille et nous perd un peu au début dans l’ordre des chapitres courts, car tout lui revient en vrac. De plus, elle crée le suspense en ne dévoilant pas qui est réellement sa sœur. Elle joue aussi avec brillance sur la confusion entre animalité et humanité.
C'est aussi la description de faits, de réalités que l'humanité dénaturée préfère ignorer, pour pouvoir, avec toute son absence de modestie, continuer à se regarder dans un miroir l'avantageant. Grâce à Fern, Lowell, le père scientifique, la mère et évidemment Rosemary, nous ouvrons les yeux sur une histoire intime universelle, et un secret tragique et inacceptable qui, heureusement, est montré du doigt avec force et courage aujourd'hui. Ce texte est également une dénonciation de l’ingérence criminelle des humains dans la nature, des animaux cobayes en laboratoires dans l’indifférence et l’ignorance coupable des consommateurs.
Ce livre restera dans ma bibliothèque comme essentiel, à côté du chef d'oeuvre de Lee Harper « Ne tuez pas l'oiseau moqueur ». Ils se ressemblent. Ils traitent magnifiquement de l’enfance, de la fratrie, et défendent une cause.
Un des plus beaux livres concernant ce que signifie ÊTRE humain