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Éva a lu pour vous ..

Chroniques littéraires

Mon corps ma prison

Hatice Karakuyu avec Serge Herbin

City Editions

30 mars 2022

224 pages

Autobiographie

Chronique

30 mars 2022

« Dans le coma, elle ressentait tout. Un incroyable témoignage. Un hymne à la vie. »

« Cette guerre que j'ai menée m'a offert une sorte de pouvoir. Une force qui me permet aujourd'hui de surmonter tous les obstacles. »


Un témoignage désarmant tant son autrice est déroutante de franchise presque brusque, ne jouant plus avec les codes de bienséance ou de politesse si tant est qu'elle l'ait fait un jour.

Sans pathos, sans empathie non plus vis-à-vis des autres, ne voulant ni de notre pitié ni de notre compassion, elle s'attache avec Serge Herbin, à nous relater les faits, à nous exposer sa situation actuelle et ce que la vente de ce livre pourrait lui permettre de réaliser : le financement de la reprise de ses études supérieures. Le deal est clair.


Ses souffrances physiques, psychologiques, émotionnelles sont effleurées, évoquées chirurgicalement, factuellement. En fait cette froideur apparente, cette incapacité à communiquer en utilisant tout le prisme des sentiments, accentue la force du récit, met l'accent sur le dramatisme de cette vie.


Hatice Karakuyu n'essaie pas de se faire aimer, ce n'est pas son problème, elle a un but qu'elle poursuit inlassablement. C'est ce qui la caractérise bien avant l'accident de la route, percutée par une voiture, qui la plongera dans le coma. Une forte personnalité en rupture avec son père et les traditions turques, partie loin de Paris pour pouvoir étudier et se forger l'avenir qu'elle ambitionne. Elle se sait intelligente, ses résultats sont là pour le prouver, elle est bosseuse multipliant les petits boulots. Elle est pétrie de littérature, elle ressent le monde en couleur. Chaque teinte a une signification, c'est comme un langage qu'elle maîtrise parfaitement à l'instar de Daniel Tammet, autiste de haut niveau auquel j'ai pensé immédiatement, non seulement par rapport à cette faculté mais aussi par les formulations et le ton de ce texte. Elle y fait référence plus tard.


Le rapport à l'autre est donc déjà plus difficile certainement. Hatice Karakuyu est dans son monde et celui-ci lui sera d'un grand secours pendant son coma puis à son réveil.

Le parcours du combattant imposé aux accidentés mais également à l'entourage et la famille est d'une violence folle.

Hatice est lovée sur elle-même, elle ne reconnaît personne, elle doit tout réapprendre. Elle entend mais elle n'écoute pas, elle voit mais elle ne regarde pas. La douleur des autres, elle ne l'a ressent pas, ce n'est pas une absence d'empathie, ce n'est pas voulu, c'est ainsi. Par honnêteté, par le biais des lettres qu'elle reçoit et nous communique, elle donne la parole à sa famille que l'on sent totalement désarmée, catastrophée.


Elle est donc prise en charge dans des structures spécialisées pendant de longues années, son frère est très présent, il devient son tuteur et l'accueille également lorsqu'elle est virée d'une unité de soins parce qu'elle a enfreint le règlement quant à l'interdiction d'avoir une quelconque intimité avec un petit ami. Là aussi la rupture est contée factuellement sans désir de faire pleurer dans les chaumières. Quant à l'accident, on se doute qu'il y a eu un procès, des dommages et intérêts, une condamnation du chauffard qui l'a renversée. L'information est lâchée assez tard et l'on comprend mieux comment le frère a pu faire face matériellement à la prise en charge de Hatice. Malheureusement, cet argent dépensé par le frère curateur, elle n'en voit plus trace et sa colère, qui enfle depuis des années face à l'injustice du destin, trouve là une cible. Il n'est pas le seul avec lequel Hatice rompt tout lien.


C'est une jeune femme volontaire, entêtée parfois, perdue entre deux cultures, ne sachant pas où se situer, dans une instabilité émotionnelle et matérielle. Le mot impossible pour elle n'existe pas, elle n'entend que possible. Dans certaines situations, elle a raison de ne pas écouter les médecins, les proches, puisqu'elle réussit à remarcher par exemple, à trouver un travail, un logement seule, ce qui est admirable ; en même temps, ce caractère l'isole, la fait rompre avec des personnes qui ont fait ce qu'elles pouvaient, elles aussi débordées par une situation hallucinante, cauchemardesque. Elle le sait, elle le pressent. Formons le vœu qu'elle puisse retisser certains liens, et mieux communiquer entre autres avec ce fils resté en Turquie.


Aujourd'hui, après des tentatives de suicide qui sont autant d'appels à l'aide, elle se trouve à la croisée des chemins et l'administration française tarde à lui donner sa carte d'handicapée, sésame ouvrant bien des portes. Je finis ce texte tout aussi déroutée qu'au début souhaitant avoir compris entre les lignes tout ce qui ne fut pas exprimé et qui pourtant doit peser lourd sur le cœur et l'âme de cette jeune femme.

Quatrième de couverture

Un soir, Hatice rentre chez elle en scooter sur une route de Savoie. Soudain, la jeune fille de 19 ans est percutée par une voiture. Le choc est tel que son corps est projeté sur la chaussée comme une vulgaire poupée de chiffon. A l'arrivée des secours, la jeune femme est dans un état critique. Elle va rester dans le coma pendant trois longs mois, et les médecins sont persuadés qu'elle ne se réveillera jamais. Pourtant, Hatice est consciente et ressent tout. Sans pouvoir bouger, ni rien dire, elle est enfermée dans son corps. Aujourd’hui, la jeune femme témoigne de ce cauchemar où, prisonnière de son propre corps, elle pensait ne jamais revivre. Elle raconte également sa renaissance et son parcours du combattant pour tout réapprendre. Une incroyable leçon de vie et de courage.
Dans le coma, elle ressentait tout. Un incroyable témoignage. Un hymne à la vie.

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