Éva a lu pour vous ..
Chroniques littéraires
Mazie, sainte patronne des fauchés et des assoiffés
Jami Attenberg
Les Escales
18 août 2016
369 pages traduites par Karine Reigner-Guerre
Historique
Chronique
11 juin 2017
Voilà un de ces livres précieux qui bien que situé dans une période particulière de 1918 à 1939, par son humanisme sans mièvrerie, le thème de la générosité et de l'amour de son prochain dans New York ruinée et cruelle, est un incontournable de la littérature américaine contemporaine. C'est un roman à plusieurs voix centré sur le journal intime de Mazie PhilippsGordon caissière puis propriétaire du cinéma du Bowery, quartier populaire de Manhattan, mais aussi sur les témoignages de ceux qui ont croisé le chemin de cette femme remarquable, une reine parmi les miséreux, les mafieux, les trafiquants d'alcool, les victimes du crash boursier. Grâce à elle, nous passons dans les rues au milieu des laissés pour compte de la Grande Dépression, les sans abris, les enfants abandonnés. Née déjà avec une personnalité et une intelligence exceptionnelles, elle aura également le courage de ne pas détourner les yeux, de se sentir concernée et investie d'une mission. Pourtant sa vie de femme, de soeur, n'est pas facile dans une Amérique qui se noie dans l'alcool pour endormir la terreur, au retour d'une première guerre mondiale ignoble puis frappée par une crise boursière sans précédent. Une héroïne hors du commun fascinante par sa ténacité, sa fragilité, sa causticité et son immense courage, qui illumine ce très beau récit et nous présente toute une série de personnages plus attachants et humains les uns que les autres. Amants, amour, amis, compagnons d'infortune ou de fêtes, une description délicate et précise de ces vingt ans d'Histoire et de ses acteurs les plus humbles. Le sujet est grave, bouleversant, mais le lyrisme, la gouaille, l'humour et le bon sens terrien de Mazie ne nous laissent pas nous apitoyer. Ce roman s'inspire d'une femme évoquée par Joseph Mitchell dans un long article "Mazie" paru dans le New Yorker. Incontournable pour les lecteurs et les êtres humains que nous sommes.