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Éva a lu pour vous ..

Chroniques littéraires

May Ziadé La passion d'écrire

Carmen Boustani

des femmes Antoinette Fouque

le 13 juin 2024 aux Éditions des femmes Antoinette Fouque, 320 pages.

320 pages

biographie

Chronique

13 juin 2024

Ô mes rêves dorés !

Ô mes folles chimères 

Où courez-vous ainsi jalouses et légères,

Pourquoi m'entraînez-vous dans ces hautes régions 

Où l'amour est la vie, où vivent les passions, 


Isis Copia (pseudonyme de May Ziadé), 

                                              Fleurs de rêve, 1911


Ce portrait en couverture de toute beauté accroche l'œil immédiatement, intrigue, nous pousse à en apprendre davantage sur la femme derrière l'inconnue à la chevelure ébène, au regard direct, profond, attentif, au sourire à peine esquissé. Un moment suspendu immortalisé avant que la belle n'éclate de rire et lance de sa voix inoubliable une réflexion piquante, brillante et d'une pertinence folle. 


"La beauté de tout ce trésor retourne à la terre ! May ne vaguait dans les autres sphères de l'imaginaire comme le faisait Gibran dont les écrits lui plaisaient. Son angoisse existentielle remonte à ses années d'école, elle résulte d'une forte intelligence qui interroge les énigmes de l'existence, à un âge où ses camarades jouent et s'amusent. La vie la prépare à un autre avenir sur un chemin parsemé de roses et d'épines qui hélas la mène dans les ténèbres. "  

Poème élégiaque d'Abas Mahmoud al-Acad plein de désolation et de tristesse suite au décès de son amie. 


Folle ! Hystérique ! Les mots sont lâchés pour condamner, enfermer, spolier celle qui fut trop intelligente, trop supérieure, trop engagée, trop respectée et écoutée en un temps où une femme, orientale qui plus est, n'avait pas voix au chapitre que ce soit au Liban, pays natal ou en Égypte, patrie d'adoption... Et pourtant, May Ziadé a réussi à mobiliser l'opinion publique et les autorités sur des questions cruciales pour ses sœurs : le voile, la répudiation, les crimes d'honneur et l'excision. 

Elle s'est élevée contre la domination du mari sur son épouse totalement dépendante de son bon vouloir, économiquement, socialement ; elle s'est prononcé sur l'éducation de tous et particulièrement des filles. Elle a insisté sur la liberté des femmes à disposer de leurs corps. Son regard sur la société de son époque est tout à fait singulier, original. Elle veut bousculer les codes, mettre à mal le discours bien rodé de ces messieurs, la façon dont ils se présentent, leur toute puissance. Ce faisant elle a réussi l'exploit de changer la vie de ses contemporains. 


Écrivaine, poète, journaliste, conférencière, nouvelliste, sociologue, traductrice, épistolière, féministe, polyglotte, en équilibre entre Orient et Occident, tenant un salon littéraire célébré par les intellectuels et artistes où son charisme, son humour, sa vivacité et sa sagesse font merveille, c'est avec courage, passion, conviction, charme, et force qu'elle dénonce, fait part de ses conclusions sur tel ou tel sujet politique ou sociétal appelant à une réforme des comportements, des lois. Elle se mêle aux hommes dans tous les domaines où les femmes n'avaient pas droit au chapître. 

Sa beauté, son apparente assurance, cachent cependant une sensibilité à fleur de peau la rendant perméable aux malheurs des autres, incroyablement empathique et compréhensive des réalités de l'existence. Capable de soulever des montagnes, quelques fois emportée et entêtée, elle peut aussi s'effondrer quand le sort s'acharne la laissant désemparée et fragile. Une proie facile pour les vautours...


Après un avant-propos des plus éclairant quant aux motivations de l'autrice à rédiger cette édifiante et bouleversante biographie, nous sommes immédiatement projetés dans l'horreur absolue, le cauchemar de toute être humain. L'enfermement, le diagnostic de folie, l'impuissance soudain à pouvoir décider de son avenir. Les morts rapprochées de ses parents et de l'amour de sa vie, Gibran Khalil Gibran, l'ont terrassée. Enfin une brèche dans son armure s'est ouverte que son cousin Joseph Ziadé et certains membres de sa famille vont exploiter ; le but est simple : la spolier de son héritage, la faire taire, la détruire. 


En effet, " May dépasse les hommes de son temps, elle n'est pas seulement, comme la qualifie Abas al-Acad, une féministe chevronnée, mais aussi une femme de lettres du même calibre que les écrivains de son époque. La société de la première moitié du XXe siècle n'admet pas qu'une femme s'autorise le droit à la pensée et à l'action. Si la classe intellectuelle reconnaît ses mérites dans la lutte des droits de la femme, il lui est  difficile de la placer sur le même plan que les hommes. Cette classe cherche plutôt à la réduire à la place assumée à la femme dans son rapport à l'autre sexe." 


Plus loin, Carmen Boustani ajoute:

" "Je souhaite être comprise après ma mort ", a dit May Ziadé. Son souhait de réalise. Elle est une personne inspirante d'une personnalité rassurante dans ses écrits ; elle invite au partage sans brusquer et s'infiltre en nous. Merci à May. C'est un plaisir de parcourir son chemin semé de mystère que ses correspondances ont contribué à éclaircir. "


Alors refaisons ce chemin vers le passé afin de découvrir les étapes qui ont jalonné le parcours hors du commun de cette intellectuelle féministe engagée, de cette magnifique amoureuse, de cette figure inoubliable de la littérature orientale. 

Merci aux Éditions des femmes Antoinette Fouque pour leur confiance renouvelée.


Quatrième de couverture : 


Quatrième de couverture

Pionnière du féminisme orientale, la vie passionnante de May Ziadé, grande poétesse libano-égyptienne.

Ayant grandi entre la Palestine et le Liban, Marie Ziadé (1886-1941) immigre finalement au Caire avec sa famille. C’est là qu’elle choisit, avec la complicité de sa mère, son nouveau prénom, May. Née dans une famille d’intellectuels, elle déploie son écriture dans la presse nationale et rédige des biographies pour mettre en lumière des personnalités féminines de talent. La finesse de son style et sa force imaginative la dirigent également vers la poésie et le roman. Figure majeure de la vie culturelle de l’époque, elle se lie d’amitié avec nombre de ses contemporains, et développe une relation amoureuse épistolaire avec le poète Gibran Khalil Gibran. Adorée par ses pairs puis reléguée vers l’oubli, May a subi la misogynie de ses cousins qui ont voulu la spolier de son héritage jusqu’à la faire interner en hôpital psychiatrique dont elle est finalement sortie, à jamais brisée par les deuils et la souffrance.

C’est avec une précision d’orfèvre que Carmen Boustani a rédigé cette biographie. Le portrait extrêmement fourni de May Ziadé, considérée comme l’une des premières féministes du Moyen-Orient, dévoile une femme au caractère affirmé et à la sensibilité sans pareille. On y découvre également une fresque vivante et passionnante de la vie culturelle de Beyrouth et du Caire aux XIXe et XXe siècles.

May Ziadé casse l’idée qu’une femme créatrice appartient à la gent masculine. Cette femme sans enfants engendre des générations de femmes qui lui ont succédé, et qui, tout en innovant, lui restent liées par une parenté de pensée. C’est ce qu’on pourrait appeler une “fonction maternelle” dans le champ du symbolique. Sa vie est un roman, au cœur des choses, toujours ouvert, qui ne connaît pas de fin et ne prend sens que revisité par la littérature. CB

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