
Éva a lu pour vous ..
Chroniques littéraires
Marie Talabot
Louis Mercadié
De Borée
14 mars 2024
648 pages
historique
Chronique
17 mars 2024

Paru dans la collection Terre de poche avec en sous titre : Une Aveyronnaise dans le tourbillon du XIXe siècle.
"Le fabuleux destin de Marie-Anne Savy, née pauvre, orpheline à 5 ans, qui devint l'une des femmes les plus riches du Second Empire."
Présentation de l'éditeur :
Près de 6000 exemplaires vendus, toutes éditions confondues.
- Une biographie romancée richement documentée.
- Un récit au fil du siècle en pleine mutation
- Le quotidien de l'époque, de la bourgeoisie aux laissés pour compte
Extrait :
" Un domestique arrêta le balancier de toutes les pendules et le deuil s'appesantit sur la bastide. Dehors, sur les hauteurs du Roucas Blanc, il neigeait, attestant peut-être selon une croyance populaire juive que " les anges pleurent et accueillent parmi eux l'âme du défunt ". Il neigeait sur les hauteurs de Marseille, comme il neigeait soixante-sept ans plus tôt sur le hameau de Lous lorsqu'une petite fille naquit dans un foyer pauvre mais honorable...à six heures du soir ! La naissance et la mort de Marie-Anne Savy s'étaient donné rendez-vous exactement à la même heure! "
Quelle biographie !
Je suis toujours stupéfaite de constater encore et toujours jusqu'où le patriarcat peut aller surtout lorsqu'il s'agit de ne pas rendre aux femmes leur juste place dans la narration de l'Histoire.
J'ai cherché sur internet Marie Talabot : presque rien, excepté la mention de cet ouvrage édité plusieurs fois avec en couverture le portrait photographié de notre belle héroïne. Elle fut la femme de ... ! Bel épitaphe !
Donc merci à Louis Mercadié d'avoir rendu hommage à cette femme d'exception, d'avoir rétabli les faits et de lui avoir redonné ses lettres de noblesse... de coeur et d'âme si ce n'est de naissance. Car celle-ci fut modeste et le malheur s'inscrivit bien vite dans la vie de cette petite fille orpheline de mère toute jeune et élevée d'abord, tant bien que mal, par un père aimant mais très âgé, puis en orphelinat.
Comment a-t-elle réussi l'exploit de passer de cette misère et d'un probable avenir bien sombre à cette existence de lumière, d'aisance financière et de richesse intellectuelle et artistique ?
Une rencontre avec un homme célèbre, ingénieur respecté et visionnaire, Saint-Simonien, fortuné, beaucoup plus âgé, alors qu'il est invité par des amis chez qui Marie-Anne Savy est domestique ; il remarque bien vite la finesse, l'élégance innée, l'intelligence de cette ravissante jeune femme que le destin n'a certes pas favorisée.
Elle est curieuse de tout, a un caractère bien trempé, est tenace, courageuse, travailleuse, désireuse d'apprendre. Ces deux-là sont faits pour s'entendre et s'aimer à la folie alors que tout les sépare en apparence.
La vision égalitaire et moderne des adeptes de Saint-Simon quant aux femmes n'est pas étrangère à l'ouverture d'esprit de Paulin Talabot totalement séduit par celle qui deviendra sa partenaire en tout, qu'il formera en pygmalion éclairé. Marie est une véritable éponge, elle comprend, intègre des multitudes de notions qui forment les fondations de sa propre pensée. Ce n'est pas un singe savant, c'est un être à l'esprit affûté, une tête bien faite secondée par un cœur immense. Elle s'élève ainsi dans l'échelle sociale accompagnant de plus en plus son illustre amant puis mari lors d'événements d'importance pour la France et la politique internationale.
En suivant Marie Talabot nous cheminons à travers le XIXe siècle, revivons les grands événements de la révolution industrielle, économique, sociale qui mit la société française en ébullition et provoqua les révoltes réprimées dans le sang de 1848 et 1871.
Issue d'un milieu pauvre en Aveyron, jamais, alors qu'elle fréquente les grandes figures de ce monde, qu'elle tient salon, se rend à l'Opéra Garnier, assiste à l'ouverture du Canal de Suez, jamais, dis-je, elle n'oublia d'où elle venait. Elle ne tourna pas le dos aux plus démunis, elle ne joua pas les grandes dames. Elle en était une qui entreprit avec son époux d'amoindrir la misère et d'apporter du réconfort aux plus nécessiteux.
Elle eut la chance d'être distinguée, aimée et protégée par un être extraordinaire, anticonformiste, faisant fi des conventions sociales en ce qu'elles imposaient un carcan insupportable à sa dulcinée et à lui-même. Le mariage vint bien tard mais fut nécessaire afin d'assurer à sa jeune femme la sécurité matérielle s'il venait à disparaître.
Cet homme a littéralement oeuvré à créer le monde tel que nous le connaissons aujourd'hui, ne serait-ce que par la création de réseaux de trains étendus.
Un grand parmi les hommes illustres de son temps qui pu s'appuyer sur Marie, fidèle, loyale, toujours de bon conseil.
Quelle belle histoire d'amour !
Quelle magnifique fresque historique et biographique, foisonnante et somptueuse, largement documentée et d'une précision sidérante. Pensez donc : sur 648 pages, 150 concernent les notes annexes !
Du haut de son mausolée de marbre blanc dominant la vallée d'Olt, j'imagine notre héroïne souriante. Elle le peut, sa vie fut une réussite n'en déplaise aux fâcheux et jaloux.
Merci aux Éditions De Borée pour leur confiance renouvelée.