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Éva a lu pour vous ..

Chroniques littéraires

Manifeste incertain  7 -  Emily Dickinson Marina Tsvetaieva

Frédéric Pajak

Noir sur Blanc

le 18 octobre 2018 aux Éditions ‎Noir sur Blanc, ‎320 pages.

320 pages

biographie illustrée

Chronique

2 septembre 2024

Complément de titre : L'immense Poésie


Goncourt de la biographie 2019

 

"The world feels dusty,

when we stop to die...

We want the dew then

Honors taste dry...

Flags vex a dying face

But the least fan

stirred by a friend's hand

Cools like the rain

Mine be the ministry

when thy thirst comes...

Dews of thyself to fetch

and holy balms."

                                       Emily Dickinson


"Toute mort de poète, même la plus naturelle, est contre-nature, c'est à dire un meurtre."

Extrait des carnets de Marina Tsvetaieva 


Somptueux ouvrage, incandescent et ténébreux à la fois, nous invitant à "boire le vent" qui souffle dans les ramures, à nous étendre afin de regarder au-delà de la frontière de la canopée, à nous isoler du vacarme, à ressentir la vérité absolue, l'essence de notre être et de toute chose, bien loin des contingences matérielles et sociétales. 

Biographie de deux âmes transfigurées plongées malgré elles dans un monde qui semble poussiéreux ; âmes immortelles, âmes romantiques assoiffées d'amour, âmes d'artistes absolues créant leur propre loi, leur propre univers, leur propre métrique, leur propre style, hors du carcan imposé par les hommes ; des femmes capables d'un geste poétique parfait, singulier, transcendant, vital pour elles, pour nous, finalement transgressif et innovant après leur disparition. 

Peu ou pas comprises pendant leur vie, Emily Dickinson et Marina Tsvetaieva sont aujourd'hui incontournables, hautement reconnues comme essentielles à la Poésie américaine ou russe, des figures majeures de la littérature mondiale. Cependant...

Ce livre, illustré magnifiquement, revient sur le parcours chaotique ou tragique d'Emily et Marina. Au premier abord, on peut ne pas comprendre ce qui relie ces deux êtres : et pourtant, en lisant leurs poèmes, en observant simplement l'aspect de ceux-ci, entre autres ces tirets, qui gêneront tant certains éditeurs conservateurs, l'on comprend que leurs cœurs battaient au même rythme, que leur pulsation, leur façon de reprendre leur souffle, la ponctuation et le tempo qu'elles imprimaient à leurs existences, étaient identiques. 


Pour elles, voir, analyser, sonder l'âme humaine, le destin, ne peut être réalisé hors la Poésie, seul moyen d'atteindre à la vérité absolue.


" Certains sont de pierre, d'autres d'argile 

Et moi - je miroite et scintille !

Mon œuvre est mouvance, mon nom est Marine,

Je suis de la mer l'écume fragile." 

Marina Tsvetaieva, 1920


Une fragilité qui poussera l'une, Emily, à se limiter aux frontières de sa maison, puis de sa chambre, réussissant à partir de l'observation par sa fenêtre d'un paysage réduit à comprendre des réalités universelles, de l'infiniment petit à l'immensité, et qui forcera l'autre, Marina, à fuir la violence et la dictature, à survivre dans des conditions effroyables, à s'exiler tout en s'accrochant désespérément à son art. 


Toutes deux ne vivaient, ne respiraient que pour écrire des poèmes... Emily ne souhaitant pas forcément être éditée au contraire de Marina espérant la reconnaissance de ses pairs. 


La Nature, les forêts, sont essentiels pour nos deux héroïnes et omniprésents au fil des pages grâce aux illustrations superbes de Frédéric Pajak : 

"à la fois corps et âmes", Marina a envie de les embrasser"; je n'ai pas rencontré chez les hommes de tels corps spiritualisés..."


La partie consacrée à Marina prévaut sur celle dédiée à Emily dont l'existence fut moins orageuse. Mais ne nous trompons pas : elles furent toutes deux des âmes fortes, au caractère bien trempé, parfois auto-centrées, toujours engagées dans une lutte en premier lieu contre elles-mêmes, exigeantes et ne visant que l'excellence, faisant preuve de courage, d'ironie, d'humour grinçant parfois, de soif d'absolu toujours.

  

Laissons le dernier mot à Emily Dickinson :

"Sleep is supposed to be

Sleep is supposed to be

By souls of sanity 

The shutting of the eye.

Sleep is the station grand 

Down which on either hand 

The hosts of witness stand!

Morn is supposed to be 

By people of degree 

The breaking of the Day.

Morning has not occurred!

That shall Aurora be— 

East of Eternity— One with the banner gay— 

One in the red array— 

That is the break of Day!"

                                                  J13, Fr 35 (1858)

"Le sommeil est censé être,

pour les âmes saines,

la fermeture des yeux.

Le sommeil est la grande station

En bas de laquelle de chaque côté

Les armées des témoins se tiennent debout !

Le matin est censé être,

pour les gens de haut rang,

le lever du jour.

Le matin n'est pas encore venu !

Cette aurore sera

à l'est de l'éternité ;

L'un avec la bannière gaie,

L'autre dans l'uniforme rouge, —

C'est l'aube !"


Quatrième de couverture

Nous partons virtuellement pour le Massachusetts et voyageons réellement en Russie, à Saint-Pétersbourg, à Moscou, à Kazan, à Samara, à Koktebel, à Yalta. Ce septième volume est consacré à deux poétesses majeures : une Américaine du XIXe siècle et une Russe de la première partie du XXe siècle. Emily Dickinson et Marina Tsvetaieva n'ont apparemment pas grand-chose en commun. La première reste recluse chez elle, à Amherst, dans la vallée du Connecticut, tandis que la seconde, née à Moscou, étudie à Nervi, Lausanne et Paris ; contemporaine de la révolution d'Octobre, elle séjourne à plusieurs reprises en Crimée, avant de s'exiler en 1922 à Berlin, puis en Tchécoslovaquie et en banlieue parisienne. En 1939, elle retourne en Union soviétique où elle se suicide deux ans plus tard. À travers les vies héroïques de ces deux femmes, le livre évoque deux aventures littéraires qui ont survécu à l'indifférence, à l'hostilité, voire à la censure. Femmes, elles ont refusé de se plier aux convenances et aux procédés du genre poétique, faisant preuve d'une inspiration existentielle à la fois féminine et universelle. Formellement, rythmiquement, métaphoriquement, elles ont bousculé l'ordre littéraire pour imposer un art poétique nouveau. Ni Dickinson ni Tsvetaieva n'ont douté de leur postérité, convaincues que leur œuvre, surgie du plus profond de leur être, entrerait un jour dans la grande histoire de la poésie moderne.

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