Éva a lu pour vous ..
Chroniques littéraires
Machiavel et Savonarole - La glace et le feu
Max Gallo de l'Académie Française
XO Editions
12 février 2015
368 pages
Biographie
Chronique
24 novembre 2023
Savonarole Moine dominicain, prophète, chevalier de Dieu, pendu et brûlé à Florence le mercredi 23 mai 1498
Machiavel Pour conquérir et détenir le pouvoir, écrit Machiavel, il faut « la ruse du renard» et «la force du lion».Machiavel, homme de l'ombre, fonde la science politique et conquiert la gloire de la pensée.
Double biographie donc de deux figures illustres qui ont marqué l'histoire de la république de Florence.
Girolamo Savonarole en premier, moine dominicain analysant et jugeant durement et avec raison le comportement de ses contemporains, autant des familles puissantes de la cité que de l'Eglise et du pape. D'un discours sensé sur les dérives de l'époque, le personnage se prend peu à peu à son rôle de prophète, de martyr, certain de détenir la vérité, d'être la voix de Dieu. Ses convictions font des émules, des factions émergent entre pro et anti Savonarole, la ville est en crise, à feu et à sang. Les actions de Savonarole ont évidemment des conséquences sur la vie personnelle de ses adeptes mais également sur la politique. Le pouvoir en place et le pape veulent se débarrasser de ce trouble fête. De plus en plus fanatique, le moine est incapable de mesurer ses mots, en fait il appelle de ses vœux le martyr, et il va être servi.... Bien d'autres vies seront détruites dans son sillage sacrifiées sur l'autel de sa mission.
Nicolas Machiavel est témoin des évènements, écoute Savonarole sans forcément le condamner... Mais il sait que l'attitude franche et directe de Savonarole le mènera à la mort. Déjà Nicolas Machiavel, narrateur de cette seconde partie de l'ouvrage, a l'instinct de préservation très développé, un art de la diplomatie naturelle que certains nommeront hypocrisie, roublardise, manipulation.Il est étonnant que le nom de Machiavel ait été transformé jusqu'à définir une aptitude haïssable, le machiavélisme, presque diabolique.
Or, en se replongeant dans le quotidien de cette époque sanguinaire où la vie humaine ne valait pas grand chose, où la cruauté était habituelle, où la versatilité des puissants et décadence de leurs mœurs étaient effectives, on comprend mieux que Machiavel ait appris à louvoyer, à sauver sa peau et la vie des siens. Il ne sert pas les Seigneuries, il sert la République. Les chefs changent mais pas les intérêts de sa cité. Qu'il soit en ambassade en France, en Allemagne ou ailleurs, il se languit de chez lui, de ce décor somptueux, de ces murs qui auraient bien des choses extraordinaires à raconter.
Il rencontrera les grands de ce monde, il regardera, écoutera, analysera et couchera ensuite le résultat de ses déductions sur le papier, offrant à ses contemporains des essais et des pièces de théâtre remportant un vrai succès, une réelle reconnaissance.
Son rôle et son action souvent en sous main, dans l'intérêt de Florence, l'on mené à dépasser ses limites, et à porter un regard distancié sur le présent. Il prend de la hauteur, imagine des stratagèmes, est un pion sur le jeu d'échecs européen. Cette passion pour la diplomatie, la politique lui coûte cher car les Seigneuries ont des oursins dans les poches, il ne s'enrichit pas grâce à cette activité mais par ses écrits et pièces jouées avec succès.
Le fait que max Gallo utilise le « je » pour la biographie de Machiavel nous rend celui-ci proche, honorable. Nous comprenons plus aisément ses actes, coincé comme il était dans le carcan imposé à tous par les grandes familles, l'Eglise, les us et coutumes de l'époque.Un ouvrage remarquablement rédigé, très précis et factuel mettant face à face deux hommes extérieurement opposés qui pourtant ont également défendu leurs convictions jusqu'au bout usant de méthodes très différentes.
Qui sommes-nous pour juger ?