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Éva a lu pour vous ..

Chroniques littéraires

Les Vendanges du Loubiac

Michel Giard

De Borée

22 août 2019

456 pages

Historique Terroir Recueil

Chronique

20 août 2019

« Dieu n'avait donné que l'eau,

Mais l'homme a fait le vin. »

Victor Hugo, Les Contemplations.


« En Bordelais, tous les chemins du coeur et de l'esprit conduisent à un pressoir, à une vigne, à une maison remplie par l'âme du vin. »


Une affiche fixée sur le panneau devant toutes les mairies reprend en 1914 l'appel du Président du Conseil René Viviani aux femmes de France :

« ..., Debout, donc, femmes françaises, jeunes enfants, filles et fils de la patrie ! Remplacez sur le champ du travail ceux qui sont sur le champ de bataille. Préparez-vous à leur montrer, demain, la terre cultivée, les récoltes rentrées, les champs ensemencés ! Il n'y a pas dans ces heures graves, de labeur infime. Tout est grand qui sert le pays. Debout ! À l'action ! À l'œuvre !... »


Un appel auquel va répondre l'héroïne de ce roman historique, Léonie, jeune femme brisant ainsi le carcan de son éducation, épouse de Philippe Marciac, propriétaire d'un domaine viticole au Loubiac.

Les femmes, depuis la révolution française ont tenté d'obtenir une égalité de droits en tant que citoyennes, en vain ; elles ont été de toutes les guerres, mais cette fois-ci, lors de ce premier conflit mondial de l'ère moderne ouvrant véritablement le XX ème siècle, elles refusent de se taire. Des journaux confidentiels comme La Voix des Femmes ou L'Equité, des livres tel Une voix de femme dans la mêlée de Marcelle Capy paraissent au moment même où les anglaises et les américaines, très en avance, se battent pour le droit de vote.


Avec l'aide de son beau père, André Marciac, et du maître de chai, Lucas Drion, Léonie va donc apprendre son nouveau métier mais bien vite l'élève va dépasser ses instructeurs, projetée dans un avenir où de nouvelles méthodes de publicité, de communication, de commerce international vont voir le jour. Mais, malgré tous ses efforts, dans l'ombre, des profiteurs de guerre attendent patiemment la mort du patriarche et celle de son fils. Celui-ci, en vrai professionnel, se rend rapidement compte, sur le front, que le vin servi aux soldats est de qualité inférieure et que la distribution est anormalement irrégulière. Manifestement certains s'enrichissent sur le dos des guerriers avec un cynisme insupportable. Son courrier d'avertissement à son père est détourné, la censure joue son rôle, Philippe devient l'homme à abattre. Sa mort est programmée, sa carrière au sein de l'armée stoppée, afin de le laisser en première ligne et favoriser son trépas.


La piquette est rebaptisée "pinard", des chansons à boire sont écrites, mais celles-ci ne peuvent couvrir les cris et la fureur.


Un roman de terroir situé de 1914 à l'aube de la seconde guerre mondiale n'est pas forcément unique ; cependant celui-ci l'est par la vision que l'auteur nous offre, par le biais du regard des viticulteurs, producteurs ou ouvriers agricoles, sur cette guerre dont on a tant débattu. Ils nous révèlent des vérités incroyables quant à ce vin, enjeu commercial et économique énorme, en ces temps de conflit barbare. Des fortunes se sont construites sur le sang des victimes, des propriétés ont été rachetées après guerre, pour rien, par des vautours qui ont attendu leur heure ; des assemblages de plusieurs cépages ont commencé à être imaginés pour baisser les coûts, ainsi que l'importation de vins étrangers.


Aujourd'hui, où la consommation d'alcool est limitée, nous ne pouvons imaginer que ce vin était sur toutes les tables, même celle des enfants. Que cela allait de soi bien mieux que l'eau, et qu'il devait impérativement faire partie du paquetage des poilus. Que son absence a fait gronder la révolte, que certains soldats, considérés comme des contestataires dangereux, ont été fusillés ou mis en première ligne.

Un roman qui fait froid dans le dos... L'arrivée des américains et d'un des leurs, Alexandre Noisette va changer le destin de Léonie et de l'entreprise familiale.


Une fiction passionnante, extrêmement bien écrite, foisonnante de détails et précisions amusants ou sidérants sur la petite et la grande histoire de notre pays. À ne pas rater en cette rentrée littéraire.

Quatrième de couverture

Rien ne prédestinait Léonie Marciac à diriger le domaine viticole familial en Bordelais. Pourtant, tout change avec la mobilisation de son mari en août 1914. Visionnaire, habile et décidée, Léonie se révèle une remarquable femme d’affaires et s’émancipe, au grand désespoir de son époux. Des foires aux vins à l’Europe des palaces, des beaux jours de l’été 1914 à ceux de 1939, quel sera le destin de Léonie, femme de tête et de cœur ? Saveurs des huîtres du bassin d’Arcachon et soupe amère, passions et déchirements, jeunesse et déclin, grands malheurs et petits bonheurs alternent sur les rives de la Gironde et au bord de la mer.

Extrait :
« Au Loubiac, le 30 juin 1914, la pluie avait cessé dès l'aube. Le ciel resplendissait et l'air chargé de senteurs estivales poussait la porte du domaine. de la terrasse, la vue sur l'admirable perspective du fleuve. La Gironde indolente glissait entre les rives comme un ruban plissé par le sillage des voiliers et des vapeurs qui gagnaient le large. Vers l'amont, après les îles, à la hauteur de Saint-Julien et de Margaux, on imaginait les fumées des usines et des ateliers, l'agitation du port et de la ville de Bordeaux. Pour arriver à la molle ondulation du relief où s'étendait la propriété, la route gravillonnée dessinait quelques lacets, ponctués de maisonnettes qu'occupaient les ouvriers du domaine. »

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