
Éva a lu pour vous ..
Chroniques littéraires
Les Revenants de l'inspecteur Sadorski
Romain Slocombe
Robert Laffont
Le 4 septembre 2025
512 pages
thriller historique
Chronique
16 novembre 2025

" En souvenir des artistes Marie Sperling (1898-1995) et Jozef Jarema (1900-1974)
Et à la mémoire du peintre et sculpteur allemand Otto Freundlich trahi par son pays d'adoption, la France, gazé au camp d'extermination de Sobibor (Pologne) en mars 1943. "
" La nuit noire est mon amie, les pleurs et les cris sont mes chants, le feu qui brûle les victimes est ma lumière, l'atmosphère de mort est mon encens, l'enfer est mon foyer. "
Zalmen Gradowski, Au cœur de l'enfer ( manuscrit déterré le 5 mars 1945 près du crématoire III de Birkenau )
Paru dans la collection La Bête Noire.
Printemps 1945, en Allemagne, un homme grand, maigre, boiteux, se met en route en direction de l'ouest. Tous sont morts mais lui est vivant...
Le régime nazi n'en finit pas de tomber, l'obscurité semble reculer, la capitulation de l'ennemi fait espérer en des jours meilleurs. C'est le temps des retrouvailles, des réconciliations mais aussi des grands procès, des exécutions, de la vengeance et de la justice pour les victimes assassinées dans les camps de concentration et par tous les collabos et traîtres à la patrie.
Une période trouble s'ouvre, les salauds se cachent tentant de fuir leur châtiment.
Ont-ils conscience de l'énormité de leur culpabilité ? Craignent-ils le retour des survivants ?
Bien entendu, ce salopard des salopards de Sadorski fait partie du lot, caché avec sa femme Yvette, grâce à l'aide d'un haut gradé de la police, dans l'appartement d'un juif, Haberfeld, ne risquant pas de revenir de si tôt, dans le quinzième arrondissement sous le nom de jeune fille de son épouse, Réquillard. Son procès doit s'ouvrir bientôt.
Cette vie dans l'anonymat coûte cher, ce n'est pas le maigre revenu de sa moitié comme vendeuse chez un fleuriste qui peut les faire vivre correctement. Il faut absolument que Léon trouve un boulot.
Alors que la vérité est révélée quant à l'horrible traitement des déportés dans les camps, Sado lui ne pense qu'à son entretien avec un certain mister Avivsohn, un juif américain, dirigeant une agence d'investigation au 69 avenue Kléber. Un nouvel univers s'ouvre devant celui qui se fait passer pour un juif et un résistant auprès de cet employeur potentiel : à lui la traque des trafiquants d'œuvres d'art volés aux juifs et la recherche minutieuse de ces dernières afin de les restituer à leurs véritables propriétaires ou héritiers.
Juste avant de partir pour ce rendez-vous, Sadorski trouve sur le pas de sa porte un rescapé des camps cherchant sa fille, Julie.
Les planètes semblent enfin s'aligner contre l'ancien inspecteur Sadorski coupable d'avoir envoyé à la mort près de 5000 personnes.
Les revenants, décédés ou vivants, se serrent les uns contre les autres autour de cet assassin, lui murmurent à l'oreille, le hantent dans ses cauchemars ! Serait-il humain ?
" Romain Slocombe poursuit sa radiographie d'une France libérée qui se met très vite à composer avec d'infâmes collabos au nom de la réconciliation. " François Lestavel, Paris-Match
Et en effet, dans ce huitième opus de la fresque monumentale consacrée à Léon Sadorski inspiré d'un personnage réel, bâti comme toujours scrupuleusement sur les archives, témoignages, documents de cette époque maudite, l'auteur réussit à traiter différents thèmes liés à cette période troublée de la libération ; nous devenons spectateurs tantôt horrifiés, tantôt amusés, tantôt bouleversés et nauséeux, d'un film en noir et blanc passant à la couleur, gagnant en réalisme cru, en profondeur, sans qu'aucune zone d'ombre n'échappe à l'écrivain. Nous restons sidérés par la performance littéraire et humaine de Romain Slocombe accomplissant pour nous, pour les générations futures, un travail de mémoire effroyable et admirable que bien peu serait capable de mener à bien.
" Ni l'auteur ni l'éditeur ne cautionnent les propos ou les agissements du personnage central de ce livre. Ils sont le reflets de son époque, comme ils peuvent présager celles qui nous attendent. Car " le ventre est encore fécond, d'où a surgi la bête immonde " .
Gratitude, Mr Slocombe.
