
Éva a lu pour vous ..
Chroniques littéraires
Les refuges
Jérôme Loubry
Calmann-Lévy Noir
2019
395 pages
Thriller
Chronique
7 novembre 2019

Les hommes dansent parfois avec le diable ou le Roi des Aulnes, quelque soit le nom donné à cette entité maléfique... souvent c'est cette dernière qui sourit et mène le jeu....
Ne vous laissez pas entraîner dans cette valse macabre qui peu à peu vous tourne la tête, brouille vos repères, vous emporte dans un tourbillon. Vous serez propulsé vers le fond, là où tout est vaseux, sombre... Vous penserez pouvoir revenir vers la lumière, mais sitôt une goulée d'air avalée, vous vous sentirez inexorablement tiré vers le bas... Et cela recommencera et recommencera sans que vous puissiez retrouver la clarté.... Les refuges peuvent être des prisons, la fuite impossible.
Ici, le geôlier est Jérôme Loubry qui réussit à nous enfermer dans un scénario étouffant, anxiogène, labyrinthique, à nous pousser dans un long, très long toboggan à plusieurs niveaux.
J'ai beaucoup aimé les opus précédents de cet auteur mais celui-ci est exceptionnel. D'ailleurs il gagné le prix Cognac 2019 du meilleur roman francophone.. Ennivrant en effet, tellement bon qu'on ne peut reposer le flacon.
Il nous fait pénétrer dans un univers où les personnages de poèmes ténèbreux sont réels et viennent réclamer leur part de chair fraîche...
« Mein Vater, mein Vater, und siehst du nicht dort
Erlkönigs Töchter am düstern Ort ?
Mein Sohn, Mein Sohn, ich seh es genau :
Es sheinen die alten Weiden so grau. »
« Mon père, mon père, ne vois-tu pas là-bas
Les filles du roi des aulnes cachées dans l'ombre ?
Mon fils, mon fils, je le vois bien,
Les saules de la forêt semblent si gris. » Goethe, Erlkönig - Le Roi des aulnes, poème de 1782
2019, François Villemin, universitaire, vient donner une conférence à la faculté de Tours, sur un sujet bien particulier et mystérieux : « Le refuge Sandrine ». Ce cas n'est répertorié nulle part. Dès lors les étudiants vont être hypnotisés par ce récit, accompagnons-les...
Leitmotiv inquiétant précédent la deuxième partie....:
« Occupe-toi l'esprit...
Récite-toi ta poésie par exemple...
Ce sera plus facile...
Tu verras, demain lorsque ta maîtresse t'interrogera, tu me remercieras...
Viens...
Rapproche-toi...
Ce sera plus facile... »
1949, sur une plage avec son chien Gus, Valérie savoure la paix et la liberté retrouvées après des années de terreur et de cauchemar... Son bonheur sera de courte durée, il se brisera dès le premier aboiement de son compagnon face à une nuée de mouettes.... Mauvais présage, à nouveau la mort s'invite.... Une vision d'horreur, l'enfance martyrisée, massacrée s'imprime à jamais sur les rétines de la jeune femme.... Un cri..... Des secours....
1986, Sandrine Baudrier, jeune diplômée de l'école de journalisme de Paris, bien notée, a accepté un poste en province histoire de s'aérer et de mettre des kilomètres entre elle et son passé douloureux, prompt à se rappeler à elle à l'instar de ses cicatrices à son poignet, cachées sous un bracelet de force en cuir. Elle va interviewer un paysan de cette région de Normandie dont les vaches ont été taguées....
De retour à l'agence régionale du journal, son directeur lui remet une lettre d'un notaire :
Sa grand-mère Suzanne est décédée sur une île, elle doit s'y rendre afin de libérer la maison qu'elle louait, là-bas, de ses effets personnels. C'est l'affaire de quelques jours... Ça ne l'enchante pas, cette femme est pour elle une inconnue, sa mère y a veillé... Mais son patron insiste, qu'elle prenne une semaine pour régler cette succession tranquillement... La voilà donc partie vers ce qui deviendra vite un pas de deux avec le Mal...
Dans ce périple, sur cet océan d'incertitudes trois points d'accroche :
Première balise : l'île
Deuxième balise : le Roi des aulnes
Troisième balise : Les enfants
Vous sentez le danger, vous avez raison, tremblez...