Éva a lu pour vous ..
Chroniques littéraires
Les Quatre
Ellie Keel
City Éditions
Le 6 novembre 2024
400 pages traduites par Lisa Boron
thriller
Chronique
5 novembre 2024
" Dans un monde de privilèges, ils vont tout faire pour survivre... "
" Ils semblaient avoir à cœur de rendre nos vies insoutenables, mais ils n'avaient pas pris en compte ce qui nous avait amenés ici : notre détermination à réussir. "
Lorsque j'ai reçu ce livre j'ai dit "wouah !" Tellement l'objet en lui-même est beau avec la tranche des pages imprimée, ce mélange de noir et rose, de mat et brillant, les rabats et la mise en page.
Ne vous fiez pas à cette apparence girly sophistiquée, le contenu est d'une noirceur absolue, dérangeant dans le bon sens du terme, fracassant de réalisme. Cet un thriller vénéneux où pourtant passent quelques éclats de lumière aveuglante. Celle de l'amitié et de l'amour vrais.... Mais sont-ils assez puissants pour contrer les forces du mal absolu qui règnent dans le prestigieux lycée de High Realms, lieux d'éducation élitiste créé pour les rejetons de grandes familles aristocrates ou richissimes. Ici règne en maître le principe des castes, la hiérarchie discriminatoire, un ordre quasi militaire, une absence de bonté, de chaleur, juste la compétition, la perpétuation de principes dépassés et surtout un manque total de bienveillance, d'humanité.
C'est dans ce joyeux contexte qu'arrivent quatre jeunes gens de seize ans, cobayes désignés d'un programme de démocratisation de l'institution. En effet, nous sommes en 1999 et Rose, Marta, Sami et Llyod sont les "boursiers du Millénaire". Un titre ronflant pour dire qu'ils sont pauvres ou modestes, qu'ils ont réussi un concours difficile et ont prouvé leur intelligence, qu'ils vont être les têtes de Turc des autres élèves, et dans le collimateur de la redoutable Patrouille des anciens formée d'étudiants portés au sadisme et à l'autoritarisme. Cette meute est menée par Genevieve secondée par Sylvia et d'autres énergumènes de la même espèce.
Dès que Marta paraît, être extra-ordinaire, supérieure intellectuellement sous un aspect fragile, Rose, la narratrice, sait qu'un drame s'annonce, que les mois à venir vont être extrêmement difficile, que s'adapter à ce milieu malsain sera impossible.
Les adultes laissent faire, prêts à tout pour défendre la renommée de leur lycée jusqu'à fermer les yeux sur ce qui se passe réellement derrière les portes fermées de cet enfer somptueux. L'indicible, l'incompréhensible, sont possibles dans un tel lieu de perdition malgré la vigilance de la doctoresse en charge de la santé des élèves.
Tout est donc en place dans ce décor majestueux et ténébreux pour que la tragédie advienne. Mais laquelle ?
Marta est le catalyseur de tous les sentiments extrêmes éprouvés par les acteurs de cette pièce en quatre actes, elle est le centre. Celle par laquelle la terrible vérité va se frayer un chemin.
C'est un roman dur, âpre, violent, un huis clos étouffant et terrifiant. Pourquoi, alors que certaines scènes peuvent apparaître comme irréalistes ?
Parce que l'autrice, j'en suis persuadée, sait parfaitement, intimement, de quoi elle parle. Elle est concernée, certaines descriptions, certains détails le laissent à penser. L'enjeu n'était pas simplement d'écrire un roman noir situé dans un lycée anglais, mais bien de dénoncer certaines dérives et pratiques nées dans ces lieux fermés au public, comme exemptes du respect des lois humaines.
J'ai été dérangée, bouleversée par ce texte à part, remuée par certaines lignes. Signe que ce livre a touché juste. Je finis en soulignant la qualité de la traduction.