Éva a lu pour vous ..
Chroniques littéraires
Les jours de Vita Gallitelli
Helene Stapinski
Globe
2018
311 pages traduites par Pierre Szczeciner
Historique
Chronique
10 avril 2019
Un livre très touchant puisqu'il raconte les recherches réelles de Helene Stapinski sur son arrière arrière grand-mère, arrivée aux États-Unis a la fin du XIX ème siècle, avec deux de ses enfants dont l'un disparaîtra lors de la traversée.Le nom de cette aïeule est Vita Gallitelli, les italiennes gardant leur nom de jeune fille même après le mariage pour s'éviter des tracasseries administratives, inévitables hier comme aujourd'hui. Elle s'installe à Jersey City, son premier fils ayant déjà, en éclaireur, trouvé un logement et un travail.
Cependant dans la famille Vena-Gallitelli, Vita est un personnage célèbre, dont Ma raconte l'histoire à sa fille helene tous les matins avant de partir pour l'école puis le dimanche midi avant la messe. La tante Katy, le grand père aussi, ont des détails à apporter à cette saga incroyable d'une femme arrivée seule à quarante ans avec ses enfants sans son mari Francesco Vena, ce qui est proprement étonnant.
On dit que le couple maudit aurait assassiné quelqu'un sans plus de précision. Cette émigration fut-elle alors une fuite devant les forces de police ? Aucun élément concret ne renforce cette théorie.
Helene, journaliste pigiste décide à 39 ans, lorsque ses deux enfants sont assez autonomes, de partir sur les traces de Vita sur place, en Italie du Sud, entre les Pouilles et la Calabre, dans une région oubliée, la Basilicate.
Se faisant, elle nous entraîne également à sa suite dans une machine à remonter le temps jusqu'à la moitié du XIX ème siècle, où les padroni ou propriétaires terriens se comportaient comme des seigneurs féodaux, ou la vie des paysans était un cauchemar, proies de la faim, de la cruauté du patron, de la maladie. Vita nait dans ce contexte, elle n'est pas vraiment
belle mais a un certain charme, un sacré caractère, une langue bien pendue, et énormément de courage et de ténacité. Il va lui en falloir pour affronter les malheurs et injustices de ce monde.
L'unification de l'Italie est lente à se faire, on plonge donc dans une région pierreuse, sèche, inhospitalière où chaque village parle son propre dialecte différent de celui du paese voisin. Un climat de suspicion, de méfiance contre l'étranger quel qu'il soit est palpable (encore aujourd'hui malheureusement), il n'y a pas de sentiment réelle d'être italien mais plutôt natif de Basilicate et d'un village. L'horizon est très donc limité, aussi en raison de l'illettrisme. Comment se défendre contre les puissants alors ou faire valoir ses droits. Difficile pour tout homme alors pour une femme, impossible. Vita va donc être obligée de prendre certaines décisions pour sa survie et celle des siens, jusqu'au départ définitif.
Pour Helene, il est vital de trouver l'origine du mal comme la pomme pour Eve et Adam. Le péché originel pour sa famille de délinquants ou criminels, remonte-t-il au meurtre perpétré par Vita et Francesco ? Helene a peur que le mauvais gène ne se réveille chez ses enfants, une peur irrationnelle mais qui aura l'avantage de la ramener à ses racines et aux fondamentaux de l'existence. L'histoire qu'elle découvrira sera plus tragique et en même temps plus belle et pleine d'espoir que ce qu'elle aurait pu imaginer. Ses trouvailles vont lui permettre de remettre en perspective toute sa conception de la vie comme Vita.
J'ai adoré ce livre pour sa quête familiale, ce retour sur les terres italiennes qui me sont inconnues au sud de Rome, pour la découverte des us et coutumes de ce peuple fier, taiseux et courageux au XIX ème siècle, pour la description des lieux, des repas qui me faisaient saliver, pour la langue, pour la référence à l'histoire lointaine de cette région qui fut d'abord grecque sous l'Antiquité, ce pays de légendes, de contes, de magie, de sorcellerie.
Un très bel hommage à tous ces aïeux qui ont réussi à survivre sur place ou en s'exilant, à l'Italie en clair-obscur, à ces femmes pour lesquelles la vie était Infernale. Très beau livre dont je préfère nettement la couverture d'origine plus attrayante. J'ai lu le début du roman sur ma page en vidéo.
« Il cueillit ( quoiqu'il ne fût ni le seul, ni le plus beau)
De tous les fruits la Pomme défendue.
[...]
Et il la mangea, pour sa grande douleur et perpétuel dommage."
Serafino Della Salandra » Adamo Caduto, 1647