
Éva a lu pour vous ..
Chroniques littéraires
Les Disparus de Pukatapu
Patrice Guirao
Robert Laffont La Bête Noire
Février 2020
384 pages
Thriller
Chronique
22 novembre 2020

P 340 : « Elle [Lilith] est remontée contre Hotz, contre les habitants de Pukatapu, contre la colonie de l'atoll...., contre tous les salopards qui hantent la planète, détroussant l'avenir, étouffant le présent et rendant le passé irrespirable. Elle en veut à cette frange de l'humanité qui pollue toute l'humanité. Quelle folie habite les hommes ? Qu'y a-t-il dans le mot "vivre" qu'ils ne comprennent pas ? Elle a le cœur au bord des lèvres. »
Excellent thriller dans une île paradisiaque du Pacifique à des milliers de kilomètres au Nord Est de Tahiti. Cadre suffisamment exceptionnel pour déjà vous intriguer.... « Le bûcher de Moorea » est le premier tome de cette série, « Le Tiaré noir » sera le suivant.
La quatrième de couverture met l'eau à la bouche sans évidemment évoquer le sujet principal de ce récit car il est impossible de l'aborder sans en dévoiler trop. Cependant, je peux tout de même avouer que je suis sortie de ces pages révoltée et dégoûtée par les faits historiques, ayant inspiré l'auteur ; leurs répercussions restent gravissimes sur les populations de ces territoires encore aujourd'hui et le seront à l'avenir. J'ai copié sur ma page Eva Impressions littéraires la traduction d'un article de novembre 2018 paru chez Reporterre. Vous pourrez le lire après avoir terminé ce polar tahitien.
Le duo Lilith et Maema, photographe et journaliste, fonctionne très bien en apportant l'humour, la dérision et le soupçon de glamour féministe indispensables à cette histoire terrifiante.
Elles sont, de par leurs âges et leurs métiers, modernes et en même temps porteuses de leur culture, de leur histoire familiale et nationale.
Ayant proposé à leur patron de La Dépêche de Papeete un article sur le réchauffement climatique et ses répercussions sur les îles, les voici parties à Pukatapu, un îlot où vivent quelques familles et un prêtre.
Peu à peu, sans réel contact avec Tahiti, l'île devient pour elles, insidieusement, une prison. L'horizon se referme, les journées sont interminables, le soleil est implacable... La plage et le lagon, ça va cinq minutes !
Elles rencontrent une population vivant dans l'attente de la navette apportant matériel et denrées alimentaires, s'arrangeant du Dieu représenté par le père Hotz, personnage autoritaire et d'un autre âge. Cependant les habitants continuent à pratiquer toujours leurs rites ancestraux. « Sorcière », guérisseuse, curé, et leurs protégés cohabitent plus ou moins bien, l'autorité étant partagée entre Kumi-Kumi, le chef du village, et le représentant catholique. C'est une entente "cordiale" de circonstance. Donc, lorsque Lilith découvre une main d'enfant sans pouce dans le sable alors qu'elle se reposait sur la plage, tout bascule dans le drame.
Les morts vont se succéder, les passions se réveiller. Les enquêtrices vont très vite réaliser qu'il n'y a aucun enfant sur l'île excepté celui qu'attend la fille de Kumi-Kumi, Miri.
Étrange et inquiétant, un climat anxiogène et paranoïaque s'installe.... Lilith et Maema attendent avec impatience l'arrivée du chercheur de L'IFREMER en mission à Tuamotu.
Parallèlement nous assistons au naufrage de Franck ayant tout quitté, volé un voilier à l'île de Ré, pour finalement s'échouer non loin d'une terre mystérieuse...
Tout est en place. Oubliez la carte postale, plongez dans un autre monde : magie, mauvais sort, malédiction, destin implacable, croyances millénaires, superstitions, relents de colonialisme, mais aussi Poésie, Sagesse, transmission, Amour.
Un thriller à lire absolument. Vous en sortirez édifiés.