Éva a lu pour vous ..
Chroniques littéraires
Les cicatrices
Claire Favan
Harper Collins Noir
4 mars 2020
368 pages
Thriller
Chronique
4 mars 2020
Claire Favan a dit :
« J'ai bâti mon histoire sur cette farouche volonté de bousculer le lecteur.... », « Pour moi, épargner le lecteur, ce serait reculer. Il doit être embarqué dans l'histoire et ne pas en revenir sauf...»
C'est parfaitement réussi. Mission accomplie.
J'ai aimé « Le tueur intime » et « Le tueur de l'ombre » ainsi que « Serre-moi fort »... J'aime l'écriture, l'intelligence, le sadisme, le jusqu'au-boutisme de Claire Favan, ses scenarii implacables, sa violence maîtrisée, sa capacité à manipuler le Mal avec précaution et mesure.
Je ne peux pas dire cette fois que j'aime « Les Cicatrices », cela me semblerait bien mièvre, tiède, pas au niveau de ce thriller. Je me sens groggy en l'ayant fini hier soir, comme je l'ai été pendant tout ce weekend cauchemardesque, où un nom qu'on ne doit pourtant pas prononcer, l'a été implacablement, continuellement.
Je me suis sentie le lundi matin comme après une mauvaise cuite, comme rouée de coups, salie... Concours de circonstances ou hasard : une rencontre très particulière hier après-midi pendant laquelle le sujet de la violence faite aux femmes a été évoqué, et ce livre que je découvrais en état second, comme détachée de moi, en mode survie.
C'est justement de survie qu'il est question principalement dans ce roman si diablement efficace, juste, violent à bon escient, sans surcharge. Une plongée dans la psyché du violeur et tueur en série Twice, dans celle des victimes de cet être monstrueux et enfin dans l'esprit d'un homme, Owen Maker, pris dans l'œil du cyclone : en effet son ADN correspond à celui du criminel recherché depuis des dizaines d'années.
Rien ne colle dans cette histoire : son profil, ses alibis quand des femmes disparaissent à nouveau... Rien de rien....
Quelqu'un veut-il le piéger ? Pourquoi ? Tout le monde patauge allègrement : Dwain et sa coéquipière Carol ainsi que l'agent du FBI en charge de ce dossier depuis le commencement.
Pendant les 368 pages de ce polar ténébreux, déstabilisant, nous échafaudons toutes sortes d'explications jusqu'au prochain retournement de situation, jusqu'au prochain piège sadiquement placé par l'auteure. On ressent la joie, la jubilation de Claire Favan à jouer avec nos petites cellules grises, nos émotions, notre tension artérielle.... Sacrément dangereuse, car nous sommes bien loin des livres trashs pour faire le buzz. Non, ici, tout est d'une grande subtilité, d'une indéniable intelligence. Rien, absolument rien n'est gratuit. Chaque ingrédient est savamment pesé, chaque épice forte est contrebalancée par une dose de douceur, de tranquillité, pour immédiatement relancer la cuisson.
Les Cicatrices des personnages de cette fiction sont remises inlassablement à vif par Claire Favan... Son empathie, son travail de recherche, son expérience, son authenticité, son immense talent, son épanouissement personnel, son courage, ses doutes et remises en question, font de son thriller un très grand livre de la littérature noire et la consacre définitivement à mes yeux comme une des meilleures.
Je ne saurais donc que vous enjoindre à sauter le pas, à vous rendre à Centralia, petite ville de l'État de Washington, sur les pas d'Owen et des ombres qui le poursuivent.