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Éva a lu pour vous ..

Chroniques littéraires

Les anges noirs de Berlin

Bernard Cattanéo

City Editions

5 Janvier 2022

304 pages

Historique

Chronique

5 novembre 2022

"La guerre rassasiée de millions de morts

s'est installée dans son lit de fange,

de tripaille et de terre truffée de ferrailles.

Les arbres sont manchots.

Les oiseaux ont disparu.

Le ciel est noir."

Jean Vautrin


"Entre drames et espoirs, le combat d'une femme dans l'Allemagne nazie."


" Elle avait basculé dans un univers inconnu, celui des hors-la-loi noyés dans la nuit sale, fugitifs traqués par les bienpensants..."


"Est-ce une faute de vouloir vivre, un péché d'être heureuse ?"


C'est curieux mais pour moi Eva, anciennement Gudrun, enfuie de chez son père pasteur sympathisant des idées d'un certain Hitler, n'est pas le personnage principal ; elle est peut-être le fil conducteur, celle par qui tout commence et finit, mais elle s'inscrit surtout dans un choral de voix, de destinées, de silhouettes, brisées, inoubliables, égales en importance. Eva, mais aussi Helwige la parfumeuse, Oskar le banquier, Fritz le peintre, Marieke L'Ange Noir, Bronstein le galeriste, forment un tout qui donne à cette reconstitution des années trente à l'après guerre, une saveur particulière, une originalité de points de vue multiples et complémentaires sur une période complexe, sur un peuple allemand si peu et difficilement compris par l'opinion publique une fois que tout fut terminé.


Mais est-ce vraiment terminé ? Peut-on oublier, peut-on tourner la page, a-t-on compris la leçon cruelle de l'Histoire ? On peut en douter.


En plusieurs coups de pinceau précis, nets, Bernard Cattanéo utilise une palette d'abord haute en couleurs, associant audacieusement certaines teintes improbables propres à cette effervescence culturelle et artistique berlinoise des années 1930, pour privilégier ensuite le rouge sang de la douleur, des crimes, des assassinats du règne nazi, et finir en un noir et blanc sans concession, où chaque détail est perceptible, explose à la vue. Est-il encore envisageable, en 1945 de se réinventer, de réintroduire peu à peu des nuances, des perspectives, après avoir traversé l'indicible, après avoir subi la noirceur absolue ou collaboré à sa propagation par lâcheté, indifférence, ou par plaisir de se croire du côté des plus forts.


Lorsque toute une société bascule dans la dictature, acceptant jour après jour l'impossible, le grotesque, la laideur, le mensonge, quel rôle les artistes de toutes disciplines doivent-ils jouer ? Dans quelle mesure est-il concevable qu'ils restent spectateurs, ou au pire acteurs et vecteurs de la barbarie ? L'Art est-il une excuse, une raison acceptable à ne pas être avant tout un humain, un citoyen travaillant à la beauté et la paix de ce monde ? Qu'est-ce qu'un artiste au fond ? Un artiste dans son entièreté j'entends. Parce que certains ont du génie, cela les autorisent-ils à bafouer, à transgresser toutes les lois, les tabous ?


Au delà de ce sujet délicat, Ô combien toujours d'actualité, l'auteur choisit de mettre en scène des personnalités compliquées, jouant toutes des rôles, dans l'apparence des choses, en reflet les unes des autres... On entend déjà les grondements de l'ouragan, tout est électrique, l'ambiance est délétère, malsaine, suicidaire. On se berce d'illusion, on se ment à soi-même.


Eva du coup apparaît seule pleine d'espoir, d'énergie, forte de sa jeunesse, de sa naïveté aussi, triomphante pour un court laps de temps.


Les miroirs vont se briser l'un après l'autre pour laisser chaque protagoniste de cette tragédie face à sa propre vérité : héros ou salauds, collabos ou résistants, palpitants de vie ou morts intérieurement... Ils ne pourront plus tricher et s'il le font, un jour ou l'autre, leur conscience leur reviendra en boomerang en plein visage.

Certains trouveront le moyen enfin en pleine tragédie mondiale de ne plus mentir, d'exister, d'aimer, de se définir non pas par leur nationalité, genre, préférence sexuelle, confession, niveau social, métier etc... mais en tant qu'individu. Tous devront traverser un enfer de feu et une vallée de larmes. Des amours impossibles verront enfin le jour, alors que d'autres passions seront autant de malédictions. Un roman très fort qui interroge sur l'essence même de chaque être humain.


Un roman qui résonne en ces jours d'obscurité.

Quatrième de couverture

Dans l'Allemagne des années 1930, la jeune Eva fuit sa triste province et s'installe à Berlin où elle rêve de devenir chanteuse. Grâce à sa tante, qui voit en elle toute la fougue perdue de sa propre jeunesse, Eva rencontre une pléiade d'artistes plus ou moins fréquentables. Commence alors une vie tourbillonnante où Eva s'étourdit dans des fêtes et tombe amoureuse de Fritz, un génie de la peinture, artiste maudit aussi talentueux que sombre. Mais alors qu'Hitler renforce son emprise sur l'Allemagne, l'insouciance cède peu à peu la place à la peur. Tandis que Fritz choisit de mettre son art au service des nazis, Eva est approchée par la Résistance. Dans ce monde qui sombre dans le chaos, écartelée entre son amour, ses convictions et ses rêves de grandeur, la jeune femme va devoir faire des choix difficiles. Au péril de sa vie.

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