
Éva a lu pour vous ..
Chroniques littéraires
Le vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire
Jonas Jonasson
Audiolib
2013
12 heures 48 minutes, lu par Philippe Résimont
Roman
Chronique
20 janvier 2019

Traduit par Caroline Berg.
« Le vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire devrait définitivement enterrer les clichés tenaces d'une prétendue mélancolie nordique. » Le Figaro
C'est le moins que l'on puisse dire ! La couverture, le titre, tout vous fait penser que vous allez pénétrer dans un univers burlesque, fantaisiste, bien barré, gags et crises de rire garantis. Les chroniques que j'avais pu lire à sa sortie étaient d'ailleurs axées en grande partie sur ce monde décalé créé par Jonas Jonasson. Oui, effectivement, j'ai beaucoup ri, d'autant plus grâce à l'interprétation savoureuse, brillante d'intelligence du comédien Philippe Résimont, à la voix grave si belle et bien placée, donnant immédiatement à ce texte ses lettres de noblesse.
Les portraits des intervenants sont parfois dans l'outrance, la caricature, ou la tendresse et la profondeur. Tout est en camaïeu, irisé comme une belle aurore boréale.
Ainsi l'histoire de ce centenaire, Allan Karlsson, qui décide de fuguer en chausson par la fenêtre de sa chambre de la maison de retraite, le jour de son anniversaire a de quoi attirer notre attention ; toutes les aventures rocambolesques qui s'ensuivent, les rencontres improbables pendant sa fuite avec au final quatre complices aussi déjantés que lui, sont délicieusement absurdes et caustiques. Je dirais même que c'est très acide et détonnant, car sur le passage de ces cavaliers, apocalypse et carnages sont tout de même de la partie. Hum hum ! Cela n'aurait pas suffi à remporter mon suffrage. Je ne suis pas adepte de l'absurde....
Non, ce que j'ai trouvé formidable et passionnant, en parallèle de ce road trip avec police et procureur aux fesses de notre lascar et ses amis, ce sont les flashbacks de la jeunesse de ce suédois jusqu'à nos jours. Et là c'est un festival d'étincelles.... Allan Karlsson, sans aucune éducation, ni croyance religieuse ou politique, totalement indépendant, traçant sa route sans regarder en arrière, est un génie des explosions, des bombes. Le Léonard de Vinci des artificiers. Et cette aptitude exceptionnelle va lui permettre de rencontrer toutes les figures les plus marquantes du XX ème siècle, sur toutes les zones de conflits, de guerres, de révolutions, des USA à la Russie, à la Corée du Nord, à l'Espagne, Paris, Bali, Iran, et j'en passe, de Truman, Johnson, Churchill, Staline, Mao, Franco, de Gaulle,..... et j'en passe encore.
Jonas Jonasson s'amuse à tranquillement incruster dans le décor à des moments de l'histoire contemporaine charnières, notre Allan, pour en faire l'élément déclencheur de multiples catastrophes et retournements de situation. Au-delà de ce jeu, nous voilà face à une sacrée description en détails des évènements essentiels du siècle dernier, une description épique, tragique, comique et diablement efficace.
Guerres mondiales ou froide, révolutions industrielle ou bolchévique, des palaces, au goulags au dos d'un chameau ou sur les routes de la Suède contemporaine, ce roman décoiffe violemment.
C'est irrésistible car le ton est sérieux, la construction au cordeau sur des bases et une analyse historiques indiscutables.
On rit, on réalise aussi la gravité de ce qui nous est raconté, et on prend conscience que le détachement, l'humour peuvent nous permettre de nous distancier suffisamment pour devenir très vigilant à ce que certaines choses ne recommencent pas. Un hymne à l'indépendance et la liberté de penser, à la jeunesse éternelle et l'espoir.