top of page
IMG20230707173456_edited.jpg

Éva a lu pour vous ..

Chroniques littéraires

Le théâtre des Merveilles

Lluis Llach

Actes Sud

2019

394 pages traduites par Serge Mestre

Historique

Chronique

16 novembre 2019

Troisième roman bien nommé, de Lluis Llach, qui fut une célébrité de la chanson pendant une trentaine d'années, puis se consacra à la politique, élu comme député en 2007 au Parlement catalan. Il faut savoir que cet homme de conviction s'est battu pour la culture catalane pendant le franquisme, et se consacre à une fondation au Sénégal aidant la commune de Palmarin. Tout ce qui constitue cet écrivain né en 1948 à Gerone se retrouve dans ce dernier opus : Barcelone, le monde du théâtre et du spectacle, le chant, la musique, la carrière internationale, la lutte politique sous dictature, le Sénégal.... La quatrième de couverture qui en dit trop encore, malheureusement, en résumant une grande partie de ce récit captivant, bouleversant, exceptionnel, patiemment construit et mené par son auteur, touche juste pourtant dans sa dernière strophe : « Vie et mort d'un théâtre, crime passionnel, amours interdites, feu sacré de la vocation, portrait saisissant des années de guerre civile et de dictature, Lluis Llach, avec une légèreté de ton toute nouvelle, met merveilleusement en scène, dans ce troisième roman, les deux combats de sa vie : la liberté et la musique. » C'est le seul roman que j'ai lu, jusqu'à aujourd'hui, totalement juste, impeccable, dans son évocation du chant lyrique, de la technique vocale, du ressenti du chanteur vis-à-vis d'une certaine société qui gravite autour de lui, qui le vampirise, quant à ses interrogations sur sa mission en tant que musicien et interprète, oui ! le seul roman traduisant parfaitement la réalité de cette profession d'artiste lyrique soliste dans le circuit international, qui fut et est encore, la mienne... Et Dieu que cela fait du bien.... Cette grande fresque historique brossant le tableau de Barcelone et plus largement de la Catalogne, à travers le destin d'un théâtre merveilleux, avant, pendant et après le franquisme, vu par le prisme du regard d'un homme, Roger Ventos, devenu un des plus grands barytons dans les années 60/70, est une grande idée. Lui qui voyage partout, souvent absent, pose un regard distancié sur l'Espagne sous Franco et sur la vie des membres de la troupe théâtrale. Il va donc écrire sur les premières années de sa carrière pour son ami et éditeur à Paris, Germain Deschamps, non sous la forme d'une biographie classique, mais sous celle d'un roman intitulé « Le Théâtre des Merveilles », où la magie le dispute à la tragédie des destins intimes de tous ceux qui se croiseront dans ce grand navire, battu par le souffle de l'Histoire. Il raconte ainsi avec une grande pudeur, beaucoup d'humour et de délicatesse tout ce qui fut proscrit, interdit, condamné, par Franco et ses sbires : la liberté de vivre pleinement sa vie, ses amours, sa sexualité, la liberté de créer, d'inventer un monde nouveau, de repousser certaines limites passéistes, de se mélanger à tous les autres peuples, à se frotter à toutes les autres peaux quelques soient la couleur, l'origine, la langue.... Il prône le métissage des coeurs, des influences, des pensées... Il aborde aussi la Musique en son essence la plus pure, celle qui transcende l'interprète, qui fait de lui un simple instrument au service de plus grand que lui. Egalement, ce que j'ai trouvé très drôle et savoureux est le traitement de la question des goûts et préférences de chaque public selon le pays... Un exemple qui m'a évidemment interpellée est celui de l'interprétation des oeuvres de Gabriel Fauré en France, si particulière, aseptisée, intellectuelle, désincarnée.... La souffrance que ce chanteur passionné, intègre, ressent face à la bêtise de certains livrets, rôles, de certaines mises en scène, directions d'orchestre, obligé quelques fois d'aller devant le public à contre cœur, allant chercher au plus profond de lui la flamme qui lui permettra à nouveau de servir la Musique est parfaitement, magnifiquement retranscrite.... Lorsqu'en plus, le contexte politique est celui d'une dictature qui censure tout, qui efface toutes les couleurs et saveurs constituantes de la vie, on est évidemment très admiratifs face à tous ces artistes et techniciens sur scène et en coulisse, qui, sans être forcément célèbres, reconnus, ont continué pendant des décennies à porter le flambeau de l'Art, du mieux qui le pouvaient. Ici, les artistes du Théâtre des Merveilles ne sont pas les meilleurs, les plus capables, les plus doués, mais ils se singularisent par la grandeur de leur cœur, par leur générosité. Celle-ci va s'étendre jusqu'à Roger Ventos, arrivé à seize ans dans ce lieu fantastique qui fut le décor de la jeunesse de sa mère, Mireia, ancienne machiniste, anarchiste condamnée à l'exil, ayant laissé derrière elle un frère Lluis et un grand amour.... Attention, écoutez... Les trois coups sont frappés, le grincement des poulies se fait entendre, le public se tait, les lumières baissent... Lever du rideau.... Place au spectacle ! Le décor, les couloirs d'une prison en 1978...

Quatrième de couverture

Roger Ventós, le fabuleux baryton que se disputent les plus grandes scènes du monde, voit le jour en 1939 à Sète, fruit de l’étreinte éphémère sur les plages d’Argelès entre un tirailleur sénégalais et une anarchiste espagnole exilée. Pour elle, ex machiniste de théâtre dans l’ardente capitale catalane, s’ouvre une ère de privations et de solitude, à toujours tirer le diable par la queue, mais la musique est là qui va sauver l’enfant. À l’adolescence du garçon, sa mère est frappée par un mal incurable et l’envoie à Barcelone afin qu’il soit élevé par son oncle dans les coulisses du cabaret où elle a elle-même grandi : le Théâtre des merveilles. Entre mécanismes magiques, décors extravagants et danseuses légères, c’est là, parmi les membres bigarrés de la troupe, qu’il se découvrira une famille aimante pour l’aider à cultiver son inestimable don pour le chant ; et c’est de là qu’il partira conquérir le monde.
Vie et mort d’un théâtre, crime passionnel, amours interdites, feu sacré de la vocation, portrait saisissant des années de guerre civile et de dictature, Lluís Llach, avec une légèreté de ton toute nouvelle, met merveilleusement en scène, dans ce troisième roman, les deux combats de sa vie : la liberté et la musique.

bottom of page