Éva a lu pour vous ..
Chroniques littéraires
Le roman vrai de Gorbatchev
Vladimir Fédorovski
Flammarion
10 février 2021
272 pages
Biographie
Chronique
24 février 2021
Biographie ou roman ?
En ces temps où certains dirigeants de pays au bord de l'explosion s'essaient à réécrire l'Histoire, eux-mêmes devenant de facto des personnages de leur roman, de cette réinterprétation des faits, le titre de cet ouvrage est révélateur et répond en quelques sortes aux velléités de fiction d'un Poutine et de certains de ses prédécesseurs. Sans oublier, évidemment, certains présidents occidentaux. Manipuler l'opinion publique est un sport international depuis la nuit des temps. Exercice plus difficile aujourd'hui où des preuves audio, filmées ou testimoniales se multiplient sur ce qui s'est passé depuis les années 40.
L'auteur, qui fut sur place en tant que diplomate lors des évènements, et qui est également l'ami d'Alexandre Yakovlev, conseiller de Mikhaïl Gorbatchev, nous rapporte ici les fruits de son enquête sur le personnage insaisissable et déroutant que fut donc Gorbatchev, celui qui, pour les uns, mit fin à la guerre froide et libéra le monde du communisme et qui, pour d'autres, fut traître aux valeurs de son pays. Encensé par les premiers, haï et ridiculisé par les seconds, on peut se demander où est la vérité.
Je vous invite à lire la quatrième de couverture des plus claires.
Un roman vérité, court et concis, remarquablement écrit, qui brosse en quelques pages la vie de cet homme, tentant de retrouver dans son enfance et sa jeunesse les éléments révélateurs de sa personnalité et de ses futurs choix intimes et politiques, de remonter à la source de ses courages ou ses atermoiements incompréhensibles, de son indépendance et soudain de ses alliances contre nature avec le KGB, menant inexorablement à sa chute, puis à sa déchéance dans la mémoire des Russes d'hier et étonnamment d'aujourd'hui.
La nostalgie du communisme efface miraculeusement pour certains la réalité de ce système totalitaire, inhumain, coupable de génocide et d'assassinats monstrueux. Certains oublient vite le poids de l'épée de Damoclès qui les empêchait de respirer jour après jour, de la terreur qui vrillait le ventre, de la paranoïa créée dans la société, dans la cellule familiale même. Tout était empoisonné au nom d'un système dictatorial maintenant les plus fragiles, les plus pauvres, à leur place et enrichissant ignominieusement les plus puissants. Rien de nouveau.
Alors qu'est ce qui a poussé ce fils d'agriculteurs de la région de Stavropol, du Midi, à vouloir gravir les échelons et à se lancer dans la politique ?
Peut-être sa rencontre en 1950, alors qu'il étudie le droit à Moscou, avec son épouse Raïssa Maximovna Titarenko, étudiante en philosophie, future professeure de « matérialisme dialectique ».
« Le génie du Sud, celui de Gorbatchev, sensible et fantasque, souvent artistique, s'oppose à un Nord plus cérébral, caractéristique de son épouse Raïssa. »
Plus que s'opposer, ils se complètent.
C'est une véritable équipe, un réel partenariat qui se forment en même temps que naît une étonnante et rarissime histoire d'amour.
Les moments clés sont déchiffrés pour nous par le biais du regard de l'auteur, historien de formation, ancien diplomate, donc témoin et acteur de la pièce qui se jouera dès l'avènement de Gorbatchev au pouvoir jusqu'à son départ forcé.
C'est aussi un livre qui, d'une certaine manière, nous met en garde sur les interprétations des uns et des autres, de par et d'autre des frontières, qui tire la sonnette d'alarme quant aux versions fictionnelles que certains gouvernements souhaiteraient nous voir adopter comme vérité historique.
L'auteur cherche à tout prix à rester impartial, juste, dans son analyse des réussites et des échecs de Gorbatchev qui pourtant, jusqu'au bout semble rester pour lui une énigme.
Restons vigilants, restons informés, ne collaborons pas insidieusement à l'écriture d'une Histoire falsifiée, dépouillée des preuves irréfutables de certaines vérités incontournables et incontestables.