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Éva a lu pour vous ..

Chroniques littéraires

Le rire des déesses

Ananda Devi

Grasset

1er septembre 2021

240 pages

Roman

Chronique

29 décembre 2021

La guerre est déclarée par amour d'une enfant ;

Veena une des prostituées piégées dans la Ruelle d'une petite cité de l'Uttar Pradesh, et Sadhana une transexuelle de la communauté des hijras sa voisine, toutes deux face à Shivnath, un swami ou homme Dieu au service de Kali, la déesse tueuse.

Ils vont s'affronter pour la pureté, l'innocence, le futur d'une humble et rayonnante fillette, Chinti.


Veena ne voulait pas d'elle, elle ne lui a pas témoigné de tendresse, en mode survie, la cachant cependant derrière une paroi en contreplaqué, pendant les rapports avec ses clients. Le bébé, puis l'enfant n'a pas de nom, même cela, Veena n'ose pas le faire. Nommer, donner une réalité à cet être né en enfer. Peut-être une façon de la sauver, inconsciemment.

Surtout ne pas s'attacher. Survivre.

En grandissant, la parole vient, le regard de la gamine perçoit toutes les réalités crues à travers une fente dans la paroi. Elle apprend à être silencieuse, invisible comme une fourmi d'où le nom qu'elle se donne, Chinti.


Un jour, un homme charismatique devient un client régulier de Veena, c'est un être à part, riche, puissant, narcissique, pervers, hypocrite et démago qui en Inde peut être considéré et adoré comme un Dieu. Ses yeux se posent malheureusement sur Chinti. Un compte à rebours s'est enclenché dès lors. Veena connait ces oeillades libidineuses, offensantes pour la candeur et l'innocence de Chinti qui ne peut comprendre le danger. Le prédateur s'est mis en chasse, elle serait le fleuron de son existence, la cerise sur le gâteau de sa vie de mensonges et d'apparences. Elle serait un jouet qu'il pourrait détruire et jeter après usage comme toutes les femmes dans cette société patriarcale où le phallus est un dieu, ou des temples entiers lui sont consacrés.


Mais c'est sans compter avec la narratrice de ce récit, Sadhana, la hijra, à la frontière entre les deux genres, charmée comme toutes les femmes et transexuelles de la Ruelle par cette petite fille qui concentre en elle tous leurs espoirs. Sauver l'innocence devient le credo de cette communauté.... Lorsque Shivnath enlève la petite, la course poursuite commence. Direction la ville des morts, Bénarès....


« Le rire des déesses » est un roman prodigieusement et terriblement beau, nous plongeant avec crudité ou onirisme dans une communauté de femmes, victimes nées et désignées des hommes, dans un monde d'une cruauté infinie où certains, tels des dieux auto-proclamés, peuvent détruire les prostituées, les hijras, les enfants parce que c'est leur bon plaisir. Une gamine paraît, une fourmi insignifiante et l'avenir s'en trouve changé, tout est possible, la clarté peut écarter les ténèbres. Peut-être...


Rien n'est gagné pour Veena, Sadhana et Chinti dans cette Inde schizophrénique entre culture, croyances et superstitions millénaires et l'ère moderne et mondialiste.

Un magnifique ouvrage, dur, tendre, parfois insupportable comme un long cri de rage, de désespoir, de fureur qui pourrait se transformer en un grand rire triomphant.

À découvrir absolument.

Quatrième de couverture

Au Nord de l’Inde, dans une ville pauvre de l'Uttar Pradesh, se trouve La Ruelle où travaillent les prostituées. Y vivent Gowri, Kavita, Bholi, ainsi que Veena, et Chinti, sa fille de dix ans. Si Veena ne parvient pas à l'aimer, les femmes du quartier l'ont prise sous leur aile, surtout Sadhana. Elle ne se prostitue pas et habite à l’écart, dans une maison qu’occupent les hijras, ces femmes que la société craint et rejette parce qu’elles sont nées dans des corps d’hommes.
Ayant changé de sexe et devenue Guru dans sa communauté, Sadhana veille sur Chinti.
Leurs destins se renversent le jour où l’un des clients de Veena, Shivnath, un swami, un homme de Dieu qui dans son temple aime se faire aduler, tombe amoureux de Chinti et la kidnappe. Persuadé d’avoir trouvé la fille de Kali capable de le rendre divin, il l’emmène en pèlerinage à Bénarès. Comment se douterait-il que sur ses pas, deux représentantes des castes les plus basses, une pute et une hijra, Veena et Sadhana, sont parties pour retrouver Chinti, et le tuer ?
Des bas-fonds de l’Inde où les couleurs des saris trempent dans la misère à sa capitale spirituelle, Ananda Devi nous entraîne dans un roman haletant et riche pour fouiller, à sa manière, les questions brûlantes de notre époque : la place des femmes et des transsexuels, le règne des hommes et la sororité ; les folies de la foi, la pédophilie ; la religion, la colère et l’amour. Avec son style incisif et poétique, elle brise le silence des dieux pour faire entendre et résonner le cri de guerre des femmes – le rire des déesses.

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