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Éva a lu pour vous ..

Chroniques littéraires

Le rapport Gabriel

Jean d'Ormesson

Gallimard

1999

426 pages

Roman Essai

Chronique

23 août 2018

J'avoue que j'avais un peu du mal pour arriver à la fin, mais cette fin est épatante ! Je ne m'y attendais pas du tout.


Dieu est hors de lui, furieux contre l'humanité qui ne croit plus en lui, qui ne tourne plus rond.« Le visage fermé, le regard sombre, les mains derrière le dos, il faisait les cent pas dans son éternité. »Le ton est donné, la beauté de l'écriture, l'humour, une douce dinguerie encore et toujours, de l'érudition, l'œil qui frise, l'auto dérision et surtout voici 19 ans déjà l'anticipation de la mort, de sa mort. On passe des larmes de rire de douce moquerie ou de réelle vacherie, à celles de tristesse et du chagrin du deuil ; Marie, l'amante perdue, passe telle une ombre bien-aimée tout au long du récit.


Donc reprenons : Dieu peste et décide d'abandonner les humains à leur sort, ni plus ni moins ! Il leur a tout donné, et lui gâchaient sa vie. Que deviendraient-ils si plus rien ne marchait normalement dans l'univers ? Dysfonctionnement total, grève générale, la terre ne tournerait plus, le soleil s'éteindrait, etc..... etc.... Avait-il bien fait de les créer, ces enfants ingrats ?


Il fait appeler l'ange Gabriel, le professionnel des messages sur terre, qui doit donc y redescendre pour établir les faits et surtout un rapport afin que Dieu tranche la question.


Chez qui atterit-il ? Je vous le donne en mille : chez un Jean d'Ormesson en triste état, déprimé ! Est-ce un bon choix ? À eux deux, ils vont essayer de convaincre l'Éternel que l'humanité vaut le coup d'être sauvée. Pour ce faire, notre académicien va donc raconter sa vie et des moments clefs de l'Histoire universelle.


« Les hommes étaient capables, dans leur orgueil, de mettre fin à la planète où ils s'étaient développés, au choix, selon vos repères et selon vos modes de calcul, depuis quarante mille ans, ou depuis deux cent mille, depuis trois millions ou quatre milliards ou cinq milliards ou quinze milliards d'années. Ils étaient capables de se changer eux-mêmes en autre chose, en monstres, en robots, en créatures de rêve ou de cauchemar, en amas de cadavres ou en génies à la chaîne. Ils étaient capables de tout. Et de défier à eux seuls l'Éternel et ses lois.

- Eh bien, dit Gabriel, nous y voilà. » C'est bien là le noeud du problème.


Ainsi en apprend-on beaucoup sur une certaine France, sur la politique, la presse, le monde de l'édition, sur l'organigramme précis des anges, archanges et autres habitants du ciel, sur l'auteur qui doute toujours ! Comme d'habitude je souris après avoir écouté Jean d'Ormesson avec le regret de son absence. Mais son éternité est toute dans ses livres.

Quatrième de couverture

Ce n'était pas la première fois que les hommes mettaient Dieu hors de lui. Le visage fermé, le regard sombre, les mains derrière le dos, il faisait les cent pas dans son éternité. Il se disait que sa vie serait meilleure sans les hommes. Il leur avait tout donné. Et d'abord l'existence. Il finissait par se demander s'il avait bien fait de les tirer du néant.
La tentation lui venait de les abandonner à eux-mêmes. On verrait bien ce qu'ils deviendraient s'il se refusait tout à coup à soutenir l'univers, si la Terre cessait de tourner, si le Soleil ne les chauffait plus et ne les éclairait plus, si les lois de la physique s'effondraient brutalement, si le temps s'arrêtait.
Il fit appeler l'ange Gabriel, qui lui avait déjà, à plusieurs reprises, servi de messager auprès des hommes.
Gabriel, une nouvelle fois, descendit sur la Terre. Il s'installa chez moi. Et, pour essayer de fléchir l'Éternel, je rédigeai avec lui le rapport qui porte son nom.

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