Éva a lu pour vous ..
Chroniques littéraires
Le pacte
Didier Fohr
Lajouanie
8 novembre 2017
258 pages
Polar
Chronique
4 avril 2018
Certains pactes ne devraient pas être passés, ils empoisonnent votre conscience, votre vie et celle de vos proches. Les mensonges gardés après une promesse « à la vie, à la mort », comme dans un jeu jamais innocent, débouchent inévitablement sur un drame.
Et Mélanie Grandjean va en faire l'expérience macabre. Cette retraitée de l'éducation nationale de 67 ans, veuve depuis treize ans, est retrouvée massacrée à son domicile. Elle n'est que la première de la liste.
Antoine Chamas, commandant à la PJ de Belfort est dépêché sur place pour les premières constatations. La scène est ignoble, les raisons du meurtre de cette femme discrète sont incompréhensibles. La voisine leur apprend que l'ancienne prof passait tout son temps sur son ordinateur à surfer. Une piste bien mince peut-être. Ses fils sont prévenus, l'un remonte de Marseille dans la journée et le deuxième SDF à Paris est attendu.
Ce n'est pas le moment pour Antoine, toujours pas remis de son divorce, presque la quarantaine, entre les livres de Boris Cyrulnik , son canari Damien et son psy, avec son air de chien battu à la Droopy, évidemment il attire la sympathie, la compréhension de la gente féminine, très entreprenante ma foi, de sa belle voisine Annabelle, à une jeune inconnue très sexy Héloïse, jusqu'à son amitié avec sa collègue Aline, qui n'attend qu'un coup de pouce pour se transformer en romance.
Disons-le, il est paumé, le charmant Antoine, entre l'enquête qui se profile déjà difficile à Belfort et bientôt Colmar, et sa vie sentimentale compliquée, il semble survoler un peu les évènements, bien conscient de son état, maniant le désespoir comique, l'auto-dérision avec talent, ce qui le sauve d'être sinistre.
De soirées en boîtes de nuit, aux bars pour des bières avec un copain journaliste, on dirait un adolescent en pleine crise, en pleine déprime existentielle.
Et puis, un idiot aviné dans une soirée soudain lui dit : " Il faut trouver l'album photo du Retable chez Mélanie Grandjean". Juste après cette déclaration, il est écrasé devant le bar. L'affaire de la cybermamie se complique.
À l'hôpital, le type, Jean-Pierre Baud qui à son réveil criait " Gamaliel, Gamaliel...", raconte qu'il a vu des morceaux de cadavres de vieilles femmes sur son lieu de travail, l'usine d'incinération. Ça sent mauvais et effectivement, une seconde mamie est découverte assassinée, Marie-Thérèse Ramonchamp.
Bientôt le fils SDF de Mélanie, Christian, se présente à la PJ, et raconte alors une bien étrange histoire de pacte entre sa mère et cinq de ses copines, il y a cinquante ans, autour du corps du conservateur gisant au pied du Retable d'Issenheim exposé dans le Musée Unterlinden de Colmar.
Décidément, ce dossier mène Antoine, Aline et leur collègue Durrieux sur des chemins curieux....
Un saut dans le passé des six victimes s'impose. l'histoire du Retable célèbre, peint par Mathias Grünewald, est emplie de légendes et élucubrations fumeuses ; des pouvoirs de guérison du mal des ardents sont attribués à cette œuvre, ce polyptique, (d'ailleurs un des panneaux centraux représente le Christ en croix portant tous les stigmates de cette maladie terrible), serait aussi le support d'un traité caché d'alchimie !!!!
Un temps attribué à Dürer, il a passionné au cours des siècles les plus sérieux aux plus loufoques, et est à l'origine de théories, thèses, monographies nombreuses. Le destin fabuleux de cette œuvre mériterait à lui seul un roman historique.
Donc direction Colmar, la Venise d'Alsace et l'oeuvre de Grünewald....
J'ai eu beaucoup de plaisir à lire ce policier au ton léger ou ironique, à l'atmosphère particulière dû à l'état un peu flottant de Antoine, un peu à côté de ses pompes, qui s'accroche de plus en plus à cette enquête, d'autant que les évènements deviennent dramatiques et poignants. Il va devoir se dépasser et s'oublier pour résoudre cette affaire complexe, mêlant histoire, légendes, culpabilité, ésotérisme et alchimie.
J'ai aussi été heureuse de retrouver Colmar où j'ai vécu deux ans inoubliables, habitant juste en face du Musée Unterlinden, ayant admiré les œuvres qui y sont exposées et évidemment le Retable. J'adore le Jésus Superstar très psychédélique sur un des panneaux, ouvert au moment de Noël, Pâques, etc.... La carte postale de ce Jésus m'a suivie dans tous les déménagements. Et puis la bibliothèque était dans le même bâtiment donc un de mes refuges préférés.
Je n'ai pas résisté, j'ai ajouté des photos de cette citée bien aimée, de Belfort, du Musée et du Retable, et aussi les différentes configurations de ce dyptique selon les moments de l'année.
Enfin, je trouve ce personnage d'Antoine bien touchant et mine de rien courageux. Un policier à part à lire avec bonheur et curiosité.