Attention : " thriller historique de la Renaissance, résolu au XXI ème siècle."

Je viens de lire et chroniqué le dernier formidable opus de l'auteure « Léonard de Vinci l'Indomptable » paru en janvier 2019 aux Éditions de Borée, et j'ai donc retrouvé ici la cour de François 1er, sa sœur Marguerite de Navarre, et nombre de personnages déjà croisés au fil des pages. Ainsi, j'étais en pays de connaissances avec quelques repères en tête.

Comme d'habitude, une sensation, dès les premiers mots, de plonger dans un univers parallèle, ici faussement burlesque et fantaisiste, tant le style de cet écrivaine est unique, incomparable, se teintant des couleurs de vieux français, de tournures de phrases, de jeux de mots. Un peu perdue, je dois dire, me demandant si j'y arriverais, comme lorsque je lisais les textes de Rabelais adolescente et que je désespérais franchement de le comprendre.

La truculence, l'intelligence diabolique, les codes et sens cachés, vrais marottes de ce joueur invétéré, jonglant avec les sonorités, le sens premier des mots en grec ou latin, pouvant se le permettre tant son érudition était phénoménale et en bien des domaines.

Un homme de la Renaissance dans toute sa splendeur, surdoué comme le grand Léonard, mal compris souvent, dans un siècle où la liberté de bien penser pouvait vous mettre en danger, condamné par l'Eglise, la Sorbonne et tous les sbires de l'Inquisition. Où être protégé ou soeur du Roi n'était pas suffisant pour ne pas se retrouver pendu ou exécuté en place de grève. Guerres de religions, tout le monde surveille tout le monde d'où la nécessité de coder ses textes, ses lettres, pour se faire comprendre des siens et continuer à diffuser la vérité.

Moine, docteur, sa grande vocation, scientifique à l'origine de bien des découvertes médicales, écrivain de génie, et espion pour François 1er, toujours dans les bagages d'un Jean ou Guillaume du Bellay, à Rome où ailleurs, à multiplier les allersretours, les traversées de pays pour mener discrètement des missions diplomatiques.

Le grand ennemi : Charles Quint évidemment. Toutes les guerres menées contre lui par François 1er jusqu'à son enlèvement, ont permis aux femmes de sa famille, dont Marguerite de Navarre sa sœur, de donner la pleine mesure de son talent diplomatique, politique, de négociatrice hors pair.

Marguerite qui, de plus, fut un des esprits les plus éclairés de son temps, écrivaine célèbre en son siècle, une femme étourdissante de charme, consciente de ses devoirs envers le roi et le royaume, attachée aux valeurs protestantes, plusieurs fois inquiétée tant ses écrits pouvaient gêner par leur modernité et liberté de ton, une mère soucieuse pour sa progéniture, obligée d'accepter des décisions royales insupportables avec stoïcisme en cachant sa douleur. Le secret fait partie de sa vie, il est indispensable, recourir au langage des oiseaux pour communiquer ou écrire ses livres est une nécessité.

La rencontre entre Marguerite et François Rabelais était inévitable et vouée à être un instant exceptionnel. De cette relation, Henriette Chardak construit tout un roman basculant entre 2009 et alors, entre deux couples en parallèle : d'un côté la journaliste Agathe Belladone ( ça ne s'invente pas !) à la Lantern'Oise et William, un collectionneur américain richissime passionné par la France, sa langue et Rabelais, de l'autre côté, une jeune Clarisse, Françoise, appelée au chevet d'un homme vivant ses derniers 10 jours, François Rabelais.