
Éva a lu pour vous ..
Chroniques littéraires
Le manuscrit inachevé
Franck Thilliez
Fleuve Noir
2018
525 pages
Thriller & Polar
Chronique
7 juillet 2018

Pour une fois je suis allée lire les avis de lecteurs sur les sites de vente de livres ou d'autre chroniqueurs, et ouf ça va, je ne suis pas la seule à être restée perplexe. Je pense que Franck Thilliez à dû beaucoup s'amuser à écrire ce livre et doit jubiler de constater de l'effervescence de tous à essayer de comprendre. Torture thilliezienne donc, histoire que nos petites cellules grises bouillonnent.
Vous prenez un miroir, vous placez en face une autre glace, et vous voilà avec l'infini. Reflet du reflet de la vérité transformée jusqu'au bout du monstrueux concernant cette histoire. C'est le phénomène des poupées russes ou de la boîte dans la boîte dans la boîte.... Vous avez compris."Le manuscrit inachevé" est donc si nous comptons bien le titre de trois thrillers, celui de notre auteur sadique et génialissime, de Caleb Traksman terminé par son fils, et dans le récit raconté par celui-ci du dernier opus de l'écrivaine Léane Morgan alias Enael Miraure ( signifiant miroir !?! ) .
Vous n'avez pas oublié votre paracétamol j'espère. Ce n'est que le début.Première ligne en préface et du roman de Franck et Caleb, aïe mes neurones, « juste un mot en avant : un xiphophore, » yes ! Merci ! Me voilà illuminée par la grâce.
Ajoutez en ingrédients très prisés par notre serial writer adoré des palindromes disséminés dans tout le roman, qu'évidemment bien obéissants nous relevons consciencieusement. Au final, vous avez un lecteur hagard, perdu, au bord de la crise de nerf.« Tordu, labyrinthique, angoissant à souhait », tu l'as dit fils de Caleb, une prise de tête carabinée.
Le récit en lui-même :23 Janvier 2014, 17h30 : Une jeune fille Sarah disparaît un soir enlevée dans la maison de ses parents « L'Inspirante » à son retour de jogging sur la côte du Nord, près de Berck-sur-mer. Sa mère est une écrivaine célèbre Léane, son père Jullian est chef de chantier en restauration du patrimoine. Leur couple bat de l'aile, ce drame va les détruire.
Quatre ans plus tard, décembre 2017 :Un petit loubard qui vient de réussir un casse minable dans une station service appuie sur le champignon de la voiture qu'il a volée à la vue d'un barrage de police. Perte de contrôle, sur cette route de montagne près de Grenoble, l'auto s'encastre dans la barrière tandis que le gamin fait un magnifique vol plané à travers le pare-brise. Dans le coffre de la 308, le corps d'une femme sans main, le visage arraché. Dans l'habitacle un flingue, un portable cassé par le choc, un peu d'argent, un CD de Mozart dans le lecteur.
Vic Altran et Vadim Morel, V &V pour les intimes, travaillent depuis dix ans dans le même bureau de la section criminelle de l'antenne de Grenoble qui dépend comme Chambéry, Annecy, Valence et Saint-Étienne de la direction interrégionale de la police judiciaire de Lyon, soyons précis, il vaut mieux. Uneparticularité,Vicesthypermnésique,ilenregistretout,absolumenttout,mêmecequ'ilaimeraitoublier. Ilssont appelés sur les lieux de l'accident. Immédiatement l'évidence : qui est le propriétaire de la voiture, criminel potentiel, où sont les vidéos de la station service ? Sans ce braquage, ce corps aurait disparu dans les limbes.
Le dernier thriller de Léane sous le pseudonyme de Enael Miraure est un succès d'édition encore une fois. Les interviews s'enchaînent à Paris où elle s'est réfugiée voici quatre ans, rester à Berck étant impossible. L'écriture n'a pas été facile, la page blanche pendant des mois suite à la disparition de Sarah, puis le déclic, soudain une évidence.
« Judith Moderoi, femme banale, institutrice, qui entretient une relation avec un vieil écrivain solitaire, un homme au passé trouble qui vit dans une immense Villa sur une île bretonne, Bréhat, et n'a pas publié depuis des années.....Arpageon... fait lire à Judith son manuscrit dont il n'a parlé à personne : il s'agit d'une sordide histoire de viols et de meurtres d'adolescentes commis par un écrivain. Kajak Mœbius. » Là encore manquent les dix dernières pages ....
Le roman de Léane est librement inspiré de « Misery » de Stephen King.Sa noirceur, le thème du tueur écrivain, est une belle mise en abîme dit la journaliste qui l'interviewe. Celle-ci veut gratter les cicatrices, aimerait dévoiler l'identité de Léane pour faire le buzz. S'en est trop ! Le traumatisme est encore énorme ; on a toujours pas retrouvé le corps de Sarah. L'incertitude la tue, pendant que son mari lui fait des recherches d'une manière obsessionnelle. La fuite ne résoud rien, il va falloir revenir à « l'Inspirante » , le destin s'en chargera....
Captivant, glauque à souhait, multipliant les retournements, les Indices, les pièges, un premier élément de réponse dont on se doute assez rapidement, si évidemment on connaît l'esprit tortueux de Thilliez, et puis l'impression tout de même d'avoir été achevé par l'auteur et qu'il gagne la partie d'échecs par la prise de la Dame. Des évocations d'autres écrivains Arthur Conan Doyle, King..... Une fin digne de celle de Moriarty en haut d'un précipice, une lumière blanche au milieu de l'obscurité soudain.... Et nous sur le carreau.... C'est pourtant là, devant vos yeux.... Evident ! Il est où mon Doliprane ?