Éva a lu pour vous ..
Chroniques littéraires
Le maître des esprits
Robert De Laroche
Editions du 81
2020
Policier Historique
Chronique
30 juillet 2020
Collection Romans noirs historiques. Illustration de la couverture : Giovanni Domenico Tiepolo, Le départ de la Gondola, 1760.
Une cité entre ciel et eau où le reflet des êtres et des choses dans l'onde deviennent réalité pour tous ceux qui souhaitent se réfugier de l'autre côté du miroir où règnent les esprits des quatre éléments : gnomes, salamandres, ondines et sylphes. Les âmes tourmentées et crédules sont nombreuses en la Sérénissime, tous ceux qui veulent croire en la magie et le surnaturel. Le quotidien n'est que terreur et difficulté, le sol tremble et tous les Vénitiens sont terrorisés. L'Acqua Alta menace de recouvrir la ville et ses habitants... les morts surgissent de leurs tombeaux, tout n'est que peur, boue, lourdeur de l'existence.
Alors, comme dans toute l'Europe, en cet automne 1741, on se tourne vers le surnaturel, on tente de comprendre la colère de cette terre, de ces eaux... Le terrain est propice aux charlatans, faux mages, aux adeptes de l'alchimie rêvant d'or et de vie éternelle. Un temps encore dans l'obscurité des superstitions et des croyances folles se dirigeant vers un Siècle des Lumières.
Mais Venise est aussi une cité éternelle, intemporelle, un reflet du paradis, étincelante, miroitante où il fait bon vivre, faire la fête, manger, écouter de la musique, aller au théâtre, à l'opéra, débattre, créer, se travestir.
L'auteur est amoureux de cette cité et réussit à nous faire partager sa passion au-delà des mots. Nous y sommes transportés soudain... nous faisons alors partie intégrante de ce peuple, sur les marchés, dans les palais, les jardins, sur les places, au sein des alcôves et même derrière des murs où nous attendent des mystères... Tous nos sens sont en éveil, le plaisir est gustatif, sonore, visuel... L'écho de cette ville frémissante de vie nous ensorcelle.
La plume est belle, précise, le texte est magnifique, ciselé, de l'artisanat d'art... La joie de suivre la seconde enquête de Flavio Foscarini se double du plaisir d'apprendre mille et un détails des us et coutumes de cette société vénitienne, la grande Histoire se mêlant au destin d'inconnus. Ainsi renaissent des personnages célèbres en leur temps se joignant aux acteurs fictifs imaginés par Robert de Laroche.
J'ai énormément aimé ce roman noir historique, découvrant, avec un guide exceptionnel, une cité que je n'ai que traversée brièvement. Les termes italiens spécifiques à Venise épicent le texte et le rendent authentique, lui donne une musique et un rythme particuliers. Nous sommes à un moment charnière de l'histoire entre le monde des superstitions et celui des sciences, des Lumières.
Venise est un personnage à part entière, vivant, palpitant qui impose sa loi.
Deux affaires vont se dérouler simultanément : - L'une cachée derrière le mur d'une chambre d'un palais va devoir être résolue au plus vite par Flavio Foscarini pour sauver la santé mentale de la maîtresse de maison.
- L'autre se présente sous la forme d'une femme de la noblesse française, Madame d'Urfé, piquée d'alchimie et de cabale, bientôt suivie d'une ombre dangereuse qui entraînera la cité dans les ténèbres et la mort.
Je vous laisse découvrir la quatrième de couverture copiée ci-dessous.
Un texte tour à tour lyrique, dramatique, terrifiant, enlevé, poétique, vif, truculent, joyeux. Un très beau voyage que ce thriller vénitien. Un travail soigné également des Éditions du 81, tant sur le texte que la mise en page.