
Éva a lu pour vous ..
Chroniques littéraires
Le Labyrinthe des esprits T4
Carlos Ruiz Zafón
Actes Sud
2018
844 pages traduites par Marie Vila
Roman
Chronique
2 septembre 2020

C'est l'ultime et quatrième Tome de la Saga consacrée au « Cimetière des Livres Oubliés ».
Je suis à la fois émerveillée de cette lecture, qui apporte la dernière pièce au puzzle imaginé par Carlos Ruiz Zafón, et en même temps, infiniment bouleversée et triste de refermer ce récit et de laisser disparaître tous les personnages, tant aimés et chéris, dans le brouillard de poussière ensevelissant peu à peu la Barcelone des années de franquisme. Je me sens réellement orpheline et désemparée sachant que ce magicien, ce guide exceptionnel et merveilleux, dans le monde enchanté du Cimetière des Livres Oubliés, de la littérature, de l'enfance, de l'imaginaire à la rescousse des victimes de monstres réels ou intérieurs, nous a quitté ainsi si jeune...
Certaines âmes sont anciennes de par leur sagesse, leur humilité, leur générosité, et Carlos Ruiz Zafón nous laisse certes esseulés mais avec, entre les mains et pour l'éternité, un cadeau irremplaçable, magnifique : ses livres. Sa mission est remplie.
Un opus mêlant à nouveau le genre thriller historique au roman d'espionnage politique dans les bas-fonds d'une Barcelone empoisonnée, ténébreuse, décor grandiose et terrible aux accents gothiques, préfigurant le crépuscule des faux dieux, anges de la mort et criminels, après quarante ans de dictature.
Au centre, une femme extraordinaire, à la limite de la bascule psychique, belle comme une plante venimeuse, pâle comme une vampire. Son nom Alicia Gris.....
Une héroïne fatale pour ceux qu'elle traque et ceux qui l'aiment, utilisée depuis sa jeunesse comme agent double, invisible, pour mener des enquêtes politico-policières en parallèle des forces de l'ordre dépassées par certaines affaires. Or, le ministre de la culture et de l'éducation, un certain Mauricio Valls, a disparu. On ne l'a plus vu depuis longtemps. Nous l'avions croisé dans le troisième opus "Le prisonnier du ciel", alors directeur tortionnaire et psychopathe de la prison de Montjuïc.
Ce fameux prisonnier du ciel parce que enfermé dans la tour, David Martín, est-il vraiment décédé ? Le royaume des morts va-t-il envahir celui des vivants comme dans les épisodes précédents ? Alicia et tous les membres de la famille Sempere, leurs proches et amis, vont-ils encore être manipulés comme des marionnettes, des pantins ? Un Ange noir est-il encore aux commandes ? Sommes-nous dans la réalité ou dans l'esprit malade d'un aliéné ?
Enfin le labyrinthe où sont gardés les livres oubliés va-t-il être sauvé de la barbarie toujours friande de nouvellesvictimes ? Cette dictature et ses sbires vont-ils réussir à écraser et faire taire définitivement les écrivains, leurs livres, leurs lecteurs ainsi que tous les artistes ?
C'est une fin de pièce de théâtre magistrale, merveilleuse et terrifiante, où comédie, tragédie, amours, et réflexion profonde et intime sur l'acte d'écrire, s'entremêlent ! Où larmes et grands éclats de rires, grâce à l'ineffable Fermín Romero de Torres et des dialogues savoureux, se succèdent. Il est temps peut-être que les cieux nuageux, tempétueux se déchirent pour laisser passer la lumière de la vérité sur la cité de Barcelone ! Il est temps que les victimes reposent en paix, que les enfants d'Espagne obtiennent justice...
Cette série est plus qu'une oeuvre littéraire majeure, elle est un chemin initiatique incontournable pour tout citoyen du monde, et réussit à nous raconter notre propre histoire, tant elle est universelle. Je ressens une profonde gratitude envers l'auteur, mais aussi ses traducteurs, ses éditeurs..... Respect !PS : Des photographies extraordinaires ponctuent ce récit.... Un autre cadeau de l'auteur !