Éva a lu pour vous ..
Chroniques littéraires
Le grand feu
Léonor de Récondo
Grasset
16 août 2023
224 pages
Historique
Chronique
12 décembre 2023
« Le grand feu, c’est celui qui m’anime, et me consume, lorsque je joue du violon et lorsque j’écris. » Léonor de Récondo
« Love is anterior to life,
Posterior to death,
Initial of creation, and
The exponent of earth. » Emily Dickinson
Destin d'une enfant puis d'une jeune fille qui n'a pas choisi son parcours. Sa mère en voulant la préserver des vicissitudes de la vie, lui permettre de s'élever, d'avoir accès à la beauté, à l'art, à la musique, décide que son bébé sera placé dès trois mois à la Pietà de Venise, institution tenu par les religieuses, dispensant une éducation de premier plan a des orphelines ou des cours privés à des jeunes élèves de bonne famille. Or la petite Ilaria n'est ni orpheline ni riche, mais sa mère est la femme d'un drapier et, donc, elle propose un marché que la prieure ne peut refuser.
Entrer à la Pietà revient à se couper de la réalité, à entrer dans un monde parallèle, avec ses règles strictes, ses horaires immuables, sa discipline... Pas de douceur excepté de Bianca, une proche parente gardienne du couvent, que la petite rejoint la nuit dans la douceur du lit au mépris des conventions.
Heureusement il y a la musique, les voix, d'autant plus mystérieuses et troublantes qu'elles s'élèvent de derrière une grille lors des messes et concerts et que nul ne peut apercevoir les visages sous le chant céleste. Un chœur d'anges qui fait fantasmer le public mais aussi Vivaldi amené à travailler pour la Pietà. Le voilà avec à disposition un orchestre de cordes de premier ordre, des copistes et des musiciennes corvéables à merci et toutes prêtes à service le maestro et permettre à son génie de s'exprimer.
Quelques fois, une légère brise de liberté souffle entre les murs de cette « prison » lorsqu'une élève de l'extérieur vient prendre sa leçon... Alors Ilaria rêvant d'abord de chanter, devenue violoniste, se met à rêver de parcourir la Sérénissime, de partir explorer la cité, en dehors des quelques visites qu'elle rend à ses parents et ses sœurs. Une occasion lui est offerte de sortir enfin , invitée par une de ses camarades dans le palais familial... Cette échappée va sceller son destin sans qu'elle le sache...
Léonor de Récondo nous offre à nouveau un roman somptueux, riche d'émotions et de fragments d'éternité, reflétant, telles les eaux du canal, la réalité de la vie monacale imposée à des enfants puis des femmes qui n'ont pu choisir leur destinée, enserrées dans un carcan, réfreinant leur désir, leur corps. Il n'y a le choix que pour une vie de religieuse ou le mariage. La seule libération des âmes, des cœurs, réside dans la Musique....
Mais l'Amour frappe à la porte, pourra-t-il délivrer notre héroïne, se consumant d'un feu de passion et d'absolu ?
Très beau et terrible à la fois