Éva a lu pour vous ..
Chroniques littéraires
Le grand effroi de John Pickett
Harold J.Benjamin
Cohen & Cohen
17 septembre 2020
218 pages
Polar historique
Chronique
19 juillet 2021
« The fault, dear Brutus, is not in our stars,
But in ourselves, that we are underlings. »
« Si notre condition est basse, la faute, cher Brutus,
n'en est pas à notre étoile, mais à nous-mêmes. »
William Shakespeare (1564-1616)
Jules César, acte I, sc. 2
Mes remerciements infinis à Harold J. Benjamin de m'avoir repérée sur les groupes de lecture et de m'avoir demandé de lire son roman mêlant grande Histoire, trame policière et espionnage en une époque que j'affectionne particulièrement, celle de Élisabeth 1ère. Je dois dire que celle-ci pourrait, comme sa demie sœur, être rebaptisée bloody Bess tant la justice en son règne est expéditive et d'une cruauté sans nom.
Dès les premières lignes, nous sommes projetés à Londres en une "belle" journée pendant laquelle sera exécuté sauvagement et sadiquement un pauvre bougre en place publique. La foule se repaît de ce spectacle monstrueux alors que soudain John Pickett, prend conscience de l'ignominie de la scène à laquelle il fait assister son jeune fils, Tobias. La honte l'envahit. L'auteur nous le présente ainsi : Peintre portraitiste, géomètre, jardinier, ancien soldat du premier corps expéditionnaire de Robert Dudley, comte de Leicester, aux Provinces-Unies ; y ayant perdu un bras, il est assisté dans son travail par son garçon.
Là, face à l'abomination, il est alors saisi de son premier effroi et ce ne sera pas le dernier.
Magnifiquement rédigé, ce récit nous dépeint, avec un luxe de détails, l'organisation des différentes corporations londoniennes, celles des peintres portraitristes ou des couturières pour ne parler que de John et sa compagne Lies Van Hoot, nous mène au plus près des hautes sphères du pouvoir, de celles qui dirigent et décident de tout en coulisse, nous fait cotoyer des nobles prêts à tout pour leur religion même à prendre un enfant en otage afin de contraindre son père, John Pickett, par un odieux chantage, à commettre des actes contre sa volonté.
On ressent le désarroi, l'impuissance qui prennent possession du pauvre homme et plus généralement de tous les gens du peuple, soumis aux caprices du pouvoir en place. Une Société ultra corsetée, en apparence civilisée, en réalité d'une violence et d'une barbarie terrifiantes où dictature n'est pas un vain mot, où chaque parole prononcée peut vous mener à l'échafaud, où le passage de vie à trépas peut être d'une rapidité fulgurante.
L'existence humaine ne tient à pas grand chose, et l'on tremble pour John, Tobias et Lies.
Comment notre peintre va-t-il pouvoir se sortir de cette toile ?
Cet homme inextricablement pris au piège, impuissant face aux complots et décisions des grands de ce monde, tremblant dès ses premiers pas dans le château de Ambrose Beaufort, comte de Huntington, apeuré jusqu'en son atelier, son quartier londonien, et presque terrassé de terreur enfermé à la tour de Londres avec son enfant...oui, comment pourrait-il réussir à sauver sa peau et ses proches ?
Son grand effroi devient le nôtre, s'amplifiant inexorablement page après page.
Une fresque historique magnifique et puissante donnant la part belle aux plus modestes, à ceux que les puissants ne veulent pas prendre en considération, qu'ils pensent pouvoir utiliser comme des pions sur leur échiquier politique et qui pourtant pourraient être le fameux grain de sable....
Majestueux roman !