Éva a lu pour vous ..
Chroniques littéraires
Le garçon
Marcus Malte
Zulma
18 août 2016
544 pages
Hitorique
Chronique
8 février 2017
Terminé à 13 heures juste avant de partir chanter, me laissant dans un état de sidération, encore hypnotisée par ce récit, le rythme de son écriture, les images qu'il a gravées en moi.
Second souffle, de retour, je suis encore dans l'émotion.... Un livre puissant, organique, charnel, lyrique, brillantissime sans fatuité, un livre qui nous ouvre les espaces, nous invite à regarder l'horizon, à nous poser la vraie question : Être humain, ou simplement ÊTRE.
Le garçon, sans nom, sans voix, tous les sens en éveil, mène sa mère à une immense nappe d'eau saumâtre comme pour un pélerinage ultime, une promesse de nouvelle respiration, la portant sur son dos, mais il est trop tard. Elle n'est plus.... Poussière à la poussière, rite de l'incinération, et voilà le garçon en mouvement, traversant des terres arides de cette embouchure du Rhône, sauvages, hospitalières pour lui, enfant des racines, du vent et de l'humus, sous les vols des oiseaux, dans l'eau claire d'une baignoire naturelle, dans une grotte où s'étalent les dessins des premiers hommes. Tout doucement d'une absence de temps, de repère, le garçon remonte les siècles pour se situer peu à peu dans le monde des Hommes qu'il choisit instinctivement de rejoindre. 16 ans environ, sans nom, sans expérience de l'âme et de ses tourments, il arrive dans un hameau en 1908......
Nous allons rencontrer entre autres l'Homme Chêne, l'Homme Gazou, la Femme Papillon, l'Enfant Ver, ..... puis nous feront la connaissance de Brabek, la terreur des Carpates, lutteur poète et érudit ; enfin au détour d'un chemin, nous nous jetterons avec lui sous les roues de la sauvage Emma, pianiste passionnée, fille du tendre Gustave agronome belge, veuf éternellement de son amour perdu........
C'est un conte philosophique, un parcours initiatique, une aventure à grande échelle, une histoire d'amour transcendante et d'un érotisme bouleversant, cru, joyeux ; c'est l'Histoire qui écrase tout sous son passage, c'est l'apprentissage de la haine, de la mort et de la violence ; c'est le ventre qui se noue devant l'injustice et la douleur, c'est l'histoire d'un garçon rebaptisé Félix, puis Mazeppa, d'abord considéré comme un animal, qui se révèle cependant plus civilisé que tous ceux qui autour de lui savent lire ou écrire ou parler ; c'est celui qui sait dans ses tripes, du plus profond de son inconscient, la vérité. Marcus Malte, sur une partition aux sonorités amples, larges de Mendelssohn, Chopin, Liszt... sur les mots de Hugo, Verlaine.... est un virtuose mêlant avec art les phrases d'une extrême longueur à d'autres brèves et acérées, créant chez le lecteur une transe. Et que dire de ce retour violent ou drôlatique à la réalité historique ...... « cette année là, voilà ce qui se passait dans le monde », pour nous remettre dans la réalité, notre héros et donc nous-mêmes évidemment étant hors du temps,
Marcus Malte se joue des mots, des styles, des répétitions, des événements, des formules, et crée une vraie OEUVRE.
Touchée en plein coeur, en pleine âme, ce livre restera à vie dans ma mémoire, il en est ainsi de certains moments d'éternité, de respirations, offerts par des auteurs inspirés et inspirants.
A lire, dévorer, boire, toucher, sentir, aimer, adorer ....pour ÊTRE.