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Éva a lu pour vous ..

Chroniques littéraires

Le corps de frontière

Sarah Jalabert

Éditions Unicité

10 septembre 2023

272 pages

roman

Chronique

8 juin 2024

Couverture : photographie de Sarah Jalabert. 

Ouvrir un ouvrage de Sarah Jalabert revient à franchir une frontière invisible mais bien réelle, à pénétrer dans un univers des plus singuliers où l'usage des mots devient magique, unique, incantatoire, où tout n'est plus qu'élévation de l'âme, lecture du monde qui nous entoure avec d'autres yeux, ceux du cœur, de l'instinct, de l'oubli et, en même temps, de la pleine conscience de soi. 


Ce n'est pas un hasard si l'autrice évoque Isidore Lucien Ducasse, dit Lautréamont, poète franco-urugayen ayant inspiré les surréalistes.


Corps de frontière : voici un titre bien énigmatique !  

Et des limites nous en transgresserons beaucoup au fil de ces pages sensibles, poétiques, dévoilant l'intime, la fragilité et la force de Laure, l'héroïne. 


Que de frontières en effet : par exemple celles séparant arbitrairement deux pays, comme au début de ce récit... 

Ou encore, des frontières qui s'effacent entre le corps et la Nature, grâce à la transe induite par la marche dans les Pyrénées puis dans le Massif central, le corps devenant un élément du tout environnant, dont les pulsations s'accordent au pouls du monde. 


Mais encore, la frontière disparaissant entre les deux corps, les deux âmes des amants que sont Laure et l'homme mystérieux évoqué à maintes reprises, central dans ce roman impressionniste. 


Que dire des frontières temporelles qui ne sont plus, dès qu'un élément du décor, un détail, nous rappellent un souvenir, une émotion d'hier aussi puissante que jadis, nous ramenant à qui nous étions avant ?

Une rencontre avec un enfant miraculeux de sagesse millénaire, tel le petit Fayssal, apparu un jour à Paris, peut également abolir les frontières de l'impossible et nous régénérer, nous remettre dans un état de pureté, d'évidence, perdu avec les années.


Laure part marcher à chaque fois qu'elle sait instinctivement qu'elle se perd, qu'elle ne réussit plus à se sentir noyautée à elle-même, en raison des évènements survenus dans sa vie, des personnes croisées, de la violence et du vacarme de notre société. 


Et ce faisant, tout en accueillant avec soulagement la transe du corps en mouvement  amenant à s'oublier, à effacer les limites entre elle et le monde, elle recrée ce corps de frontière indispensable à son cheminement vers une paix intérieure.


Il faut beaucoup de courage pour écrire un texte si révélateur de ses plus profonds sentiments, doutes, incertitudes. Une mise en abîme comme lorsqu'on emprunte un chemin de randonnée trop ardu. Gageons que toujours quelqu'un sera là soudainement pour nous tendre un morceau de pain, nous offrir de l'eau, attendre à nos cotés que les pulsations de notre cœur reviennent à la normale. 


Merci Sarah Jalabert de m'avoir offert cette halte bienvenue en ces temps de peur et de ténèbres. J'aperçois à nouveau la luminosité resplendissante des sommets. 


Quatrième de couverture

Le corps de frontière s’ouvre sur une femme qui marche. Dans le silence de ce corps-à-corps avec la terre, une langue va naître. De cette langue va progressivement prendre forme l’expression d’une adresse à l’homme. Une seconde partie, plus longue, voit cet homme et cette femme, tous deux propulsés, ensemble et séparément, dans un amour devenu voyage. Quand lui s’absente et disparaît, elle repart dans ses marches. Chacun sur les traces d’une blessure. Grâce à un style à la fois tactile et puissamment sensoriel, mettant en relief les détails tant des paysages que des personnages, et jusqu’aux rouages les plus cachés des mondes subtils, leur histoire petit à petit se laisse deviner. Aussi le corps de chair, le corps de la blessure, serait-il réintégré par la magie des sentiers empruntés, et, étape après étape, chapitre après chapitre, par l’histoire ; l’histoire qui s’écrit et qui est aussi un corps, le corps de frontière.

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