Grand Prix RTL 2023.

« Aux témoins, et à tous ceux et celles qui gardent vivace la mémoire des disparus. »

« Et ces pleurs silencieux d'objets, à jamais abandonnés par leurs propriétaires. Avilis par des mains étrangères, comme des corps non enterrés qui n'ont personne pour s'occuper d'eux. Qui n'a jamais vu les sanglots d'objets morts n'a jamais rien vu ni entendu de triste.»

Rachel Auerbach, Extrait du poème "Les sanglots des objets morts", traduit du yiddish (archives Ringelblum).

Gaëlle Nohant confirme, grâce à ce nouvel opus, son talent et son importance dans le paysage littéraire contemporain. Son regard singulier sur les évènements d'hier, les êtres, les femmes en particulier, son analyse sidérante des sentiments les plus inavoués ou inavouables de ses personnages, son engagement à dire la vérité, à faire la lumière, à appuyer son propos sur un travail exigeant de recherche, de documentation, et enfin son écriture stylisée d'une beauté et d'une clarté bluffantes, font de cette Écrivaine toute en modestie une incontournable dont on attend avec impatience les nouvelles parutions.

Son travail s'apparente à de l'artisanat d'art sans concession, atteignant l'excellence. Le sujet d'une gravité infinie méritait toute la délicatesse, la passion, l'humanité, le courage dont est capable Gaëlle Nohant. Ce livre est, à l'instar du Pierrot du récit, l'objet qui nous emportera au delà de nos limites, qui nous poussera à nous mettre en quête nous-aussi de vérité en hommage pour nos disparus, pour tous ceux qui ne peuvent plus avoir voix au chapitre. Ces mots, ces phrases noir sur blanc sont autant de preuves indélébiles que ces hommes, femmes et enfants ont existé, qu'ils ne sont pas effaçables. Il reste toujours un objet, même le plus petit, le plus abîmé, pour nous conter l'histoire de celles et ceux qui l'ont eu entre les mains. Celles-ci ont été détruites, incinérées, massacrées, mais leur empreinte reste gravée sur la matière, à jamais.

Le modeste, le petit, le détail, peuvent triompher de l'oubli, de la barbarie, des mensonges.

Ce qui me frappe toujours avec le sujet englobant la shoah, la déportation, la barbarie nazie face à la Résistance, c'est que des pans entiers de faits ignorés se dévoilent en permanence, que nous allons de découvertes ahurissantes en surprises sidérantes... Irène, en suivant différentes pistes, en rencontrant des témoins, des rescapés, découvre toutes ces vérités historiques méconnues. Nous pénétrons dans un monde crépusculaire de terreur, de mort, traversé soudain d'éclairs, de lumière merveilleuse, d'espoir. Au bout du tunnel, les mains se rejoignent, s'entrelacent, les liens d'amour se retissent.

Le silence est brisé, celui des survivants heureusement, mettant leurs bourreaux sous les projecteurs. Les crimes sont rendus à leurs auteurs, plus d'hypocrisie, plus de fausseté. L'Allemagne, la Pologne, et bien d'autres pays européens ne peuvent plus se réfugier dans une amnésie criminelle. Construire leur futur ne peut se faire que sur des fondations solides, sur l'Histoire vraie.

l'Hydre nazie n'est pas morte, ses résurgences sont autant de signes d'une maladie qui nous gangrène et dont pourtant nous ne soignons que les symptômes sans en chercher la racine.

Le Bureau d'éclaircissement des destins est un ouvrage incontournable, à part, parmi tous les livres consacrés à ce sujet : une fresque immense à travers le temps englobant le monde entier tout en s'attachant à l'infime, à l'intime.... Impossible de ne pas se sentir directement concerné.

Merci à l'autrice pour ce magnifique cadeau.