Michel Moatti est un vrai caméléon, capable de traiter de toutes les époques en adaptant totalement son style littéraire. 

C'est assez bluffant.

"Michel Moatti est en train de prouver qu'il est le grand auteur de thriller du moment."

                   Page des Libraires 

Nous voici donc projetés dans un monde de violence, de cruauté extrême, d'injustice, de terreur, de haine totale, à Lancaster, ville paumée de Pennsylvanie, déprimante. 

Le Job Corps est un lycée pas ordinaire, malgré les apparences. Y sont intégrés tous les jeunes en difficulté, en rupture avec la société, abandonnés par leurs parents, seuls, victimes de maltraitance ou d'indifférence, des mômes bien mal partis dans la vie sans aucune bonne fée penchée sur leur berceau. 

L'atmosphère est anxiogène et malsaine, l'encadrement insuffisant, les conditions d'enseignement et d'accueil à pleurer. 

Deux filles se cherchent en permanence alternant fausse camaraderie à confrontations incendiaires : l'une va tuer l'autre sous le premier prétexte venu, il ne faut pas grand chose pour mettre le feu. Ainsi Connie Stotter massacre Carol Corman parce que cette dernière semblait tourner autour de son petit ami, Tarabont. 

Qui sont ces trois adolescents ? Quels sont leurs parcours ? D'où viennent-ils ? Étaient-ils prédestinés à finir ainsi ? 

Quel regard porte la société sur eux après le drame ? Comment le système judiciaire va-t-il traiter ce dossier ? 

Connie risque la peine de mort en raison de son âge, son complice Tarabont non. 

En s'inspirant librement de plusieurs affaires, Michel Moatti nous dresse indirectement le portrait d'une société inégalitaire et incapable d'apporter la sécurité aux citoyens et en particulier aux plus jeunes, broyés depuis leur naissance par leurs parents, par la misère, par un système bien peu charitable et compatissant. 

On les brise sous les coups, sous les lois, ou sous les règlements, sous l'autorité d'adultes toxiques, dysfonctionnels, et on s'étonne qu'ils ne puissent ensuite qu'exprimer une rage, une envie de détruire, qu'ils voient rouge soudain parce qu'une certaine limite est à leurs yeux dépassée. Hypocrisie ! 

Et ensuite, la société, alors qu'il est trop tard et qu'elle est directement responsable de la tragédie,  se mêle soudain de juger, évaluer, condamner et exécuter ces enfants, ces victimes de son propre abandon.

Que ce soit Connie, née et grandie auprès d'une mère alcoolique et épouvantable, victime des amants de passage de cette dernière plus terrifiants et vicieux les uns que les autres, ou que ce soit Tarabont, éduqué dans une secte Amish bien peu compatissante, obéissant à des dogmes et des règles archaïques que certains de ses membres les plus distingués ne respectent pas, le résultat est le même. Les deux mômes sont perdus, désespérés et fatalistes, immatures et en même temps d'une pertinence folle quant au jugement qu'ils portent sur leur entourage.

Connie reconnaît les faits et sa totale responsabilité, elle veut l'injection fatale, elle crache sa colère, s'exprime sur les raisons qui l'ont amenée là. 

Ce thriller judiciaire est une autopsie du crime. Mais lequel ? Celui de Carol Corman ? Celui de Connie et Tarabont par leurs proches, par la société ? Et qu'est-ce que ce drame révèle véritablement sur notre société hypocrite, juge et partie ? Y-a-t-il une rédemption possible, un pardon ? Peut-on espérer l'application du principe de "Prévenir au lieu de guérir" ?  

Je reste avec un goût d'acidité et d'amertume en refermant ce roman ultra réaliste.