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Éva a lu pour vous ..

Chroniques littéraires

Laisse le monde tomber

Jacques-Olivier Bosco dit JOB

French Pulp Polar

2019

276 pages

Thriller

Chronique

2 février 2020

Virginie Despentes et le film "Rambo" sont cités en introduction à ce thriller, mais quant à moi, j'ai plutôt pensé à Predator 1 et 2. La terreur provoquée par les tueurs, (des sortes d'aliens), à l'instar de la peur effroyable induite par les criminels (que sont obligés d'affronter les trois flics de ce récit d'une grande noirceur dans ce département du 92 à feu et à sang), sont indescriptibles.

 

Ce n'est pas un polar, c'est un film de guerre, j'ai bien écrit "film"... Une guerre urbaine dans la banlieue sud de Paris entre les forces de l'ordre et les truands. S'y ajoutent des mercenaires, des tueurs d'un autre calibre ayant soif de vengeance, d'une sorte de justice du Talion ; vous voilà projetés dans un monde en décadence, où l'espoir ne fleurit plus sur le bitume, où aucune valeur de bien et de mal n'a de sens.

 

No future, no hope, no way.

 

Cela serait très caricatural si évidemment ce n'était pas imaginé par Jacques-Olivier Bosco, qui temporise son propos par des éclats de lumière soudains dans ces ténèbres, par une vision moins manichéenne et plus réaliste des cités de banlieue et de leur population. S'il ne s'attachait pas aussi à montrer l'humanisme, l'entraide, la richesse due aux brassages des cultures dans ces quartiers où la France métissée peut exprimer le meilleur d'elle-même, ce roman ne serait pas aussi réussi.


Également, outre des héroïnes féminines borderline, les femmes sont aussi téméraires et combattantes que leurs homologues masculins ( comme dans "Brutale" et "Coupable", les opus précédents auxquels l'auteur fait un petit clin d'œil), ce qui dépoussière le portrait actuel des professionnelles de police et gendarmerie. Elles ne sont ni meilleures, ni pires, elles sont identiques aux hommes.


L'auteur réussit à retranscrire le profond malaise des flics en général. Ils vivent un état de guerre permanent, tous les jours, dans des conditions de travail et matérielles inacceptables, et doivent en plus supporter la haine et le mépris des civils.

- Les uns subissent le choc traumatiques de ce qu'ils voient quotidiennement, de ce qu'ils sont obligés de faire, conscients que le Mal est omniprésent, que la bête, ici symbolisée par un tueur particulièrement cruel et sanguinaire et sans conscience, étend son territoire malgré tous leurs efforts pour la combattre.... Ils en souffrent, leurs proches également en écho. Être flics aujourd'hui n'est-ce pas une folie ? Pourquoi choisir une telle carrière ?

- Les autres, certains habitants vivant sur une autre planète, totalement déconnectés de la réalité sur le terrain, mésestiment les premiers.


De là à ce que certains policiers s'en prennent à des citoyens lambdas pris pour boucs émissaires, afin d'évacuer leur sentiment d'impuissance et leur désespoir, il n'y a qu'un pas...


Cela se traduit aujourd'hui par des scènes filmées en France tous les jours depuis 2019, dignes de reportages sur les zones de guerres. Ce thriller est, pour moi, un cri d'alerte. Nous sommes en état de guerre insidieuse ( économique, sociale, psychologique) depuis des décennies, et nous nous aveuglons sur ses conséquences immédiates et à long terme.


Des forces de l'ordre à bout qui se transforment en "Rambos", certains jeunes qui ne voient dans la criminalité et le grand banditisme qu'une porte de sortie au marasme de leur situation, ajoutez à cela la barbarie des conflits mondiaux qui infecte aujourd'hui notre territoire, et vous voilà face à une vision apocalyptique.

Cependant, si certains vont tomber au champ d'honneur ou du déshonneur selon les cas, d'autres trouvent les moyens de sortir de l'enfer. C'est aussi cela que veut décrire Jacques-Olivier Bosco. Il y a des solutions.


Notre système ultra libéral, capitaliste s'écroule, c'est un fait... nous subissons les soubresauts de son agonie en ce moment. À plus ou moins longue échéance, une nouvelle économie, plus juste et égalitaire souhaitons-le, verra le jour. Mais combien de morts et de victimes en attendant ?

Nous sommes tous responsables et concernés, il faut nous bouger sans que ce soit toujours les mêmes qui deviennent plus forts, plus puissants, plus riches... Nous devons revoir notre copie, ne pas être manipulables, tous ensemble. Mais sommes-nous prêts à le faire sans tomber dans la violence, sans dommages collatéraux et laissés pour compte... ?


Un thriller hypnotique, une scène finale digne des meilleurs films d'action et d'anticipation, des personnages plus vrais que nature, attachants de par leur imperfections, ou carrément flippants, une réflexion à mener plus loin sitôt la dernière page tournée. Et un hélicoptère passe juste au dessus de ma tête au moment où je finis ce texte, ce ballet aérien dure depuis novembre 2019. Il y a danger..... Ne laissons pas tomber notre monde, notre pays.

Quatrième de couverture

À travers une succession de crimes dignes du Chien des Baskerville, de jeunes policiers vont être confrontés à la violence sociale et humaine d’une grande cité de banlieue.
« Et la violence ne se combat pas par la violence… » ; c’est ce qu’aimerait prouver Jef, le flic idéaliste et lâche, mais sa collègue Hélène, bouffie de mal-être, a de la rage à revendre, quant à Tracy dont le frère est mort lors des attentats de Paris, c’est de vengeance dont elle rêve.
Dans un thriller ténébreux et spectaculaire, leurs voix, celles des retraités, parents, filles et fils de banlieue vont s’exprimer avec lucidité et mélancolie.
« Comment rester humain dans un monde qui vous déteste ? »
Une enquête où se multiplient les pertes et les désillusions, pour un final de guerre.

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