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Éva a lu pour vous ..

Chroniques littéraires

La vie infinie

Jennifer Richard

Philippe Rey

Le 22 août 2024 

272 pages

Roman

Chronique

7 octobre 2024

Difficile d'écrire sur ce roman dense, âpre, abordant avec une grande intelligence et sans aucune concession des thèmes de plus en plus préoccupants et anxiogènes : 

La quête de l'immortalité, encore et toujours, poursuivie par certains ; pourquoi et sous quelle condition ? 

L'utilisation systématique de l'Intelligence Artificielle inévitable nous assène-t-on, mais selon quelles modalités ? 

La présence de la domotique au sein de nos foyers et le recours permanent au numérique pour les moindres actes du quotidien, est-ce dangereux ou bénéfique ? 

Et les multiples applications internet, sont-elles créées et mises à notre disposition pour nous aider ou pour nous formater, mine de rien ? 

Quant au téléphone portable, greffé à notre main, n'est-il pas finalement un fil à la patte permettant de nous contrôler, de nous fliquer ?  

Les mesures d'hygiène prônées depuis quelques années sont-elles de bon sens ou exagérées à outrance, sources d'anxiété plus néfastes que les possibles virus ou bactéries ? Enfin, une société à deux vitesses, les très riches face au reste d'une population appauvrie incapable de subvenir à ses besoins premiers, sans plus de classe sociale intermédiaire, est-ce encore une démocratie ou une dictature déguisée ? 

En résumé, devons-nous rapidement choisir entre virtualité ou réalité, écrans ou présentiel,  exister pleinement en sachant que la mort arrivera naturellement ou se donner l'impression de vivre dans une fausse dimension où la fin n'existe plus ? Que deviendra notre humanité si nous ne freinons pas le train du "progrès" lancé aujourd'hui à une vitesse vertigineuse ?  


Ce roman pourrait être qualifié d'uchronie,  certes, pour moi il fut la matérialisation noir sur blanc de tout ce qui, quotidiennement, me terrifie, me choque, me donne la nausée et la sensation d'être une Cassandre incomprise. Un texte d'une pertinence et d'une violence folles ; je ressens un soulagement de ne pas être seule à percevoir le danger, à ressentir les premières secousses sismiques de changements terrifiants, inappropriés, qui ne profiteront qu'à une certaine "élite". 

J'espère, peut-être naïvement, le réveil de l'humanité avant qu'il ne soit trop tard. 

J'ai lu et terminé cette fiction alarmante dans le même état que pour "Sidérations" de Richard Powers, un des auteurs fétiches de ma bibliothèque tant ce qu'il écrit est indispensable et d'une beauté stupéfiante. Les années passent et Jennifer Richard me scotche, me bouscule, me bouleverse encore et encore à l'instar de cet écrivain. 


Ce roman est pressenti pour plusieurs récompenses et j'en suis très heureuse car cela couronnerait le parcours impeccable d'une femme remettant sans fin l'ouvrage sur le métier et ayant le courage d'aborder des thèmes délicats à traiter, de dénoncer et de raviver nos mémoires. Celui-ci est une mise en garde sérieuse et pertinente remarquablement écrite. Un vrai cadeau, comme toujours.  


Gratitude !

Quatrième de couverture

Quand on possède tout, l’argent, l’amour, la santé et un métier passionnant, on ne veut pas que la vie s’arrête. Adrien et Céline forment un couple de quadragénaires à qui tout réussit. Lui, créateur visionnaire de startups numériques, travaille à un programme qui offrirait aux humains un avenir illimité et sans souffrance. Elle, réalisatrice de documentaires, a abandonné ses idéaux révolutionnaires de jeunesse pour se conformer au mode de pensée libéral ambiant. Leur fille, Zoé, dix ans, ne tolère aucun contact humain et vide autant de flacons de gel hydroalcoolique qu’elle a d’amis sur une application de rencontres numérique pour enfants, autant dire beaucoup…

Un jour, Céline croise Pierre, son meilleur ami des années lycée. Il est libre, proche de la nature, convaincu que la beauté de notre destin tient justement à l’évanescence des choses.

En se rapprochant de Pierre, Céline se découvre. Il l’encourage à accepter le monde tel qu’il nous apparaît. Tandis qu’Adrien, voulant séduire de nouveau sa femme, lui propose une vie dématérialisée et éternelle. Entre le chantre de la liberté et le précurseur des temps modernes, entre se fondre dans le courant de la vie et participer à la liquidation générale, Céline devra choisir.

Ce roman brillant de Jennifer Richard, par son écriture incisive, sa narration sensible, son humour et sa lucidité, nous interroge, face à la révolution technologique qui bouleverse notre quotidien. Et nous place, comme Céline, devant deux options : embrasser l’existence telle qu’elle nous est donnée, ou tenter l’aventure d’une vie augmentée et infinie…

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